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Elle disait « la taule » pour parler du centre d’hébergement, comme si c’était une prison. Riley ne trouvait pas ça très drôle.

      — Bon, je vais te laisser manger et te préparer.

      — Non, attendez !

      Un deuxième silence. Riley entendit Jilly étouffer un sanglot.

      — Personne ne veut de moi, Riley, dit Jilly.

      Maintenant, les larmes coulaient librement.

      — Les familles d’accueil ne veulent pas de moi, à cause de mon passé.

      Riley s’étrangla.

      Son passé ? pensa-t-elle. Putain, une fille de treize ans a un passé ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez ces gens ?

      — Je suis désolée, dit Riley.

      Jilly se mit à bafouiller :

      — Je me disais… Ben, vous voyez… Riley, c’est comme si, vous, vous étiez la seule à s’intéresser à moi.

      Les yeux de Riley se mirent à piquer. Elle ne répondit pas.

      — Est-ce que je pourrais pas venir vivre avec vous ? Je ferais pas d’histoire. Vous avez une fille, hein ? Ce serait comme ma sœur. On s’entendrait bien. Vous me manquez.

      Riley lutta pour reprendre la parole.

      — Je ne pense pas que ce soit possible, Jilly.

      — Pourquoi pas ?

      La question frappa Riley comme une balle de revolver.

      — C’est juste… pas possible.

      Jilly pleurait.

      — D’accord, dit Jilly. Je dois aller manger. Salut.

      — Salut, dit Riley. Je t’appellerai bientôt.

      Jilly raccrocha. Riley s’écroula sur son bureau, en larmes. La question de Jilly résonna dans sa tête.

      « Pourquoi pas ? »

      Il y a avait beaucoup de raisons. Riley avait déjà du mal avec April. Son travail était trop contraignant. Et était-elle seulement préparée à gérer l’état psychologique de Jilly ? Bien sûr que non.

      Riley essuya ses larmes et se redressa. Ça ne servait à rien de pleurer. Il fallait retourner au travail. Des filles étaient en danger. Elles avaient besoin d’elle.

      Riley ramassa le dossier et l’ouvrit. Il était temps de retourner dans l’arène.

      CHAPITRE TROIS

      Assis sur le porche de sa maison, Scratch regardait les enfants aller et venir dans leurs costumes de Halloween. Il avait toujours aimé cette période de l’année. Aujourd’hui, la fête lui laissait un goût amer.

      Combien de ces enfants seront vivants dans quelques semaines ? se demanda-t-il.

      Il soupira. Probablement aucun. La date approchait et personne n’écoutait ses messages.

      La balancelle sur laquelle il était assis craquait. Une pluie tiède tombait. Scratch espéra que les enfants ne prendraient pas froid. Il avait un gros sac de bonbons sur les genoux. Il commençait à être tard. Bientôt, les enfants rentreraient chez eux.

      Grand-père n’en finissait pas de se plaindre dans la tête de Scratch, même s’il était mort depuis des années. Scratch était peut-être adulte, mais ça ne l’empêchait pas de penser, encore et encore, au vieillard.

      — Regarde celui-là, avec une cape et un masque en plastique, disait-il. T’appelles ça un costume ?

      Scratch aurait préféré qu’il se taise. Ils allaient encore se disputer.

      — Il est déguisé en Dark Vador, Grand-père.

      — Je m’en fiche bien ! C’est un costume de supermarché. Quand je t’emmenais faire du porte à porte pour Halloween, on fabriquait ton costume.

      Scratch s’en souvenait. Une fois, pour l’habiller en momie, Grand-père l’avait enroulé dans des draps déchirés. Pour un costume de chevalier, il lui avait bricolé une armure avec du carton et du papier d’alu, puis il lui avait donné un balai en guise de lance. Grand-père était très créatif.

      Pourtant, ce n’étaient pas de bons souvenirs. Grand-père passait son temps à râler en fabriquant ces costumes. Et quand Scratch rentrait… L’espace d’un instant, il se remit dans la peau de ce petit garçon. Grand-père avait toujours raison. Scratch ne savait pas pourquoi, mais ça n’avait pas d’importance. Grand-père avait raison et il avait tort. C’était comme ça.

      Scratch avait été soulagé d’atteindre l’âge adulte. Maintenant, il restait sur le porche, pour distribuer des bonbons aux enfants. Il était content pour eux. Au moins, ils avaient une enfance heureuse.

      Trois gamins surgirent. Un garçon était habillé en Spiderman, une fille en Catwoman. Ils devaient avoir neuf ans. Le troisième costume fit sourire Scratch. La petite fille d’environ sept était déguisée en abeille.

      — Farce ou bonbon ! s’écrièrent-ils.

      Scratch étouffa un rire et fouilla dans son sac de bonbons. Il les distribua aux enfants qui s’en allèrent.

      — Arrête de leur filer des bonbons ! grogna Grand-père. Pourquoi tu encourages encore ces petits cons ?

      Scratch défiait les ordres de son Grand-père depuis deux heures déjà. Il serait obligé de payer plus tard.

      Grand-père marmonnait toujours.

      — N’oublie pas : nous avons du travail à faire demain soir.

      Scratch ne répondit pas. Il se contenta d’écouter la balancelle craquer. Non, il n’oublierait pas ce qu’il avait à faire. C’était un travail détestable. Mais il fallait que ça se fasse.

      *

      Libby Clark suivait son frère et sa cousine dans les bois, derrière chez elle. Elle n’avait pas envie de les accompagner. Elle aurait préféré être dans son lit.

      Son frère, Gary, menait le groupe, armé d’une lampe électrique. Il avait l’air bizarre dans son costume de Spiderman. Sa cousine le suivait, dans son costume de Catwoman. Libby trottinait derrière eux.

      — Allez, vous deux, les encourageait Gary.

      Il se faufila entre deux buissons. Denise fit de même. Mais le costume de Libby était trop rembourré. Elle s’accrocha dans les branchages. Ça lui fit encore plus peur. Si son costume d’abeille était abîmé, Maman se mettrait très en colère. Libby se dégagea vivement et les rattrapa.

      — Je veux rentrer, souffla-t-elle.

      — Ben, vas-y, fit Gary.

      Non, Libby avait trop peur de rentrer toute seule. Elle était allée beaucoup trop loin.

      — On devrait peut-être rentrer, dit Denise. Libby a la trouille.

      Gary s’arrêta et se retourna vers elles. Libby ne voyait pas son visage, à cause du masque.

      — Qu’est-ce que t’as, Denise ? T’as la trouille, toi aussi ?

      Denise éclata d’un rire nerveux.

      — Non, dit-elle.

      Libby comprit qu’elle mentait.

      — Allez, venez, poursuivit Gary.

      Le petit groupe se remit en marche. Le sol est mou et glissant. Libby avait des mauvaises herbes jusqu’aux genoux. Au moins, il ne pleuvait plus. La lune se montrait entre les nuages. Il faisait de plus en plus froid et Libby était toute mouillée. Ça la faisait frissonner. Elle avait vraiment très peur.

      Enfin,

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