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La coucaratcha. III. Эжен Сю
Читать онлайн.Название La coucaratcha. III
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Эжен Сю
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
«Aussi, prenez-y bien garde. Si dans la première lettre que je reçois de vous, je retrouve de ces vilaines plaintes sans but et sans raison, j’envoie la missive à M. de Noirville, qui vous grondera fort, lui, et aura bien raison.
«J'aurais presque envie de ne pas vous embrasser; mais j’ai tant de foi dans votre grand caractère, que je vous pardonne encore cette fois, dans l’espoir que vous serez plus raisonnable à l’avenir…
CHAPITRE VIII
Après la lecture de cette lettre, remplie d’une raison si sèche, d’un bon sens si glacial, Cécile ressentit cette espèce de calme engourdissant qu’on éprouve quand on voit se briser à jamais une dernière espérance.
La seule consolation de Cécile avait été de penser qu’au moins une âme entendrait le cri de son âme.
Elle vit qu’elle s’était trompée, et se tut, trop fière pour parler désormais d’une douleur qu’on lui jalousait comme une prétention.
Elle s’enveloppa donc d’une douleur muette, et attendit…
A quelque temps de là, Cécile écrivit à son amie une assez longue lettre, dans laquelle elle la remerciait beaucoup de ses leçons, en lui apprenant qu’elle était enfin convertie au bonheur, et qu’elle se trouvait maintenant bien près d'être heureuse.
La pauvre jeune femme se mourait alors.
CHAPITRE IX
«Eh bien, mon cher Dumont, quand je te disais que la maigreur de ma pauvre femme me jouerait un tour!!! depuis sept jours je suis veuf. Hélas! oui, je suis veuf, mon pauvre Dumont; et bien certainement que si j’avais pu prévoir cet événement-là, je ne me serais pas marié pour avoir encore à recommencer au bout de dix-huit mois; car je ne veux pas rester veuf, et il n’y a rien au monde de plus désagréable que les pourparlers d’un mariage.
«Suis-je donc assez à plaindre, Dumont! Moi, qui croyais en avoir fini pour une bonne fois, voilà que je me retrouve garçon comme il y a dix-huit mois; et encore il faut attendre la fin de mon deuil, qui est de six mois, ou un an; non, je crois bien que le deuil n’est que de six mois; mais enfin c’est égal, six mois, c’est toujours très long, pour moi surtout qui m’étais si bien habitué à ne me mêler de rien; car ma pauvre défunte, à part ses défauts, sa pruderie, sa taciturnité, sa bigoterie était un ange pour l’administration d’une grande maison comme la mienne et maintenant c’est sur moi que cet ennuyant fardeau va retomber.
«Mon Dieu! mon Dieu! que c’est donc pénible d'être veuf! aussi c’est la faute de cet imbécile de notaire qui m’a dit un tas de sornettes sur la parfaite santé de ma femme. Aussi pourquoi n’ai-je pas écouté mes pressentiments qui me disaient que cette pauvre Cécile était trop délicate pour moi; j’avais bien besoin d’aller me fier à cet animal de notaire: car après tout qu’est-ce que ça leur fait à ces gens-là? Ce qu’ils veulent, eux autres, c’est un contrat à faire; et parbleu! ils vous marieraient à des mourantes tout exprès pour avoir le plaisir de recommencer le lendemain.
«Non, tu n’as pas d’idée comme je suis triste, Dumont, et pourtant je me suis fait une raison: que diable! me suis-je dit, que diable! il faut être homme et savoir prendre son parti, surtout quand il n’y a plus de remède, n’est-ce pas, Dumont? Car enfin, quand je serai là à geindre, à gémir, à me désespérer, ça ne rendra pas ma défunte à la vie, toutes les larmes du monde n’y feront rien… ça n’empêchera pas que ma pauvre femme ne soit morte, et bien morte; ça ne fera donc que de me causer à moi-même encore plus de chagrin que je n’en ai, ça ne fera que m’attrister, et pourquoi? à qui ça servira-t-il?.. à personne… qu’à me chagriner bien inutilement; sans compter que les arrangements de sépulture ne m’ont pas déjà rendu très gai, et pourtant je n’avais voulu m’en mêler que pour me distraire de mon chagrin dans les premiers jours; car, vois-tu, Dumont, d’avoir à discuter intérêts avec ces scélérats de croque-morts, ça occupe la douleur, tandis que, si j’étais resté sans occupation, seul avec mon chagrin, je suis sûr que j’aurais été par trop malheureux.
«Mais je suis là à bavarder comme une pie borgne, sans t’apprendre comment j’ai perdu cette pauvre Cécile; car il y a déjà près de deux mois que je ne t’ai écrit. Ainsi que je te l’avais dit dans ma dernière lettre, la santé de ma pauvre femme allait toujours de mal en pis; ce qu’elle éprouvait, c’était une grande faiblesse, pas d’appétit du tout, un besoin extraordinaire de solitude et surtout d’obscurité; car le moindre jour un peu vif lui faisait un horrible mal aux nerfs, de sorte qu’elle restait comme ça des heures entières dans ce qu’elle appelait son parloir, assise dans un grand fauteuil; tous les rideaux et les persiennes fermés, si fermés que c’était un véritable casse-cou et qu’on y voyait à peine; et, comme je te dis, elle restait là des heures entières, toute seule, assise dans l’obscurité, sa tête dans ses mains, s’amusant à rêvasser à je ne sais quoi.
«Quelquefois je la surprenais pleurant…; mais, comme le médecin disait que c’était ses nerfs qu’elle avait très agacés, je ne m’en inquiétais pas beaucoup: car, n’ayant rien à me reprocher à son égard, sachant qu’elle était la plus heureuse des femmes, ça ne devait pas m’effrayer, n’est-ce pas, Dumont?
«Ça n’allait donc ni pis ni mieux, lorsqu’un jour, que nous avions fait un dîner de garçons au rocher de Cancale avec Bercourt et ce farceur de Roublet, et qu’après ça nous avions été aux Variétés rire comme des bossus, je m’apprêtais à entrer dans la chambre de ma femme, pour me coucher; car, comme je te l’ai dit, nous vivions tout-à-fait à la bourgeoise, sans lit à part, malgré les supplications de ma pauvre femme, qui avait là-dessus des idées ridicules; car entre nous, si on se marie, ce n’est pas pour se coucher tout seul, n’est-ce pas, Dumont?
«Or donc, ce soir-là, je trouvai la femme de chambre qui me dit que ma femme était souffrante, et qu’elle avait ordonné qu’on me fît désormais un lit dans ma chambre à moi. Ça ne me convint pas, j’avais la tête montée, j’eus peut-être tort, mais enfin j’étais piqué; je voulus entrer, la porte était fermée en dedans; je dis à ma pauvre femme que si elle ne m’ouvrait pas, j’allais enfoncer la porte; on ne me répondit pas, j’envoyai mon valet de chambre chercher un merlin, et en deux coups la porte fut en dedans: une porte de bois de citron incrustée de palissandre. Je m’apprêtais à rire ou à me fâcher, selon que ma pauvre femme aurait pris cela, lorsqu’en m’approchant de son lit je vis qu’elle était évanouie; nous la fîmes revenir, et elle tomba dans une horrible attaque de nerfs… qui se calma, et je fus coucher dans ma chambre sot comme un panier.
«Depuis ce jour là, votre serviteur de tout mon cœur, la porte de la chambre de ma pauvre femme me fut à jamais fermée, malgré ma résolution; car elle me dit que si j’insistais elle se jetterait par la fenêtre, elle me dit cela, Dumont, d’un tel ton que je pâlis, car je voyais clair comme le jour qu’elle l’aurait fait comme elle le disait: car par moment elle avait une résolution du diable.
«Le sacrifice fut d’ailleurs d’autant moins grand que, de ce jour, sa santé s’affaiblit de plus en plus; elle ne se leva que peu, ses yeux se creusèrent d’une manière effrayante, elle qui était déjà très maigre devint comme une ombre; enfin un beau jour elle envoya chercher des prêtres… Mais voyons, ne vas pas te moquer de moi, Dumont; je n’ai pas de préjugés, tu le sais bien, comme toi je méprise les jésuites, j’ai lu mon Touquet, et je suis philosophe; mais enfin un désir de mourant, ça ne peut guère se refuser… Puis, que veux-tu…? c’est une faiblesse, je l’avoue, mais enfin c’est fait ainsi n’en parlons plus: si bien que toute la sequelle de calottins entra chez moi; mais je recommandai bien à mes domestiques de ne pas les saluer, entends-tu bien, Dumont, voilà qui rachètera peut-être ma faute à tes yeux. Enfin on administra ma pauvre femme, elle fit mettre sur