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enfin au point où il ne lui est plus possible d'espérer, le roi s'étonne, se regarde, se demande si c'est bien lui. Une autre espèce de courage s'élève alors en lui; c'est celui que donne un malheur tel que l'homme qui le subit s'exalte par la surprise où le plonge sa propre situation; elle devient pour lui l'objet d'une si vive attention qu'il ose la considérer sous tous ses rapports, ne fût-ce que pour la comprendre; et par cette contemplation il échappe au désespoir, et s'élève quelquefois à la vérité, dont la découverte calme toujours à un certain point: mais ce calme est stérile, et ce courage inactif; il soutient l'esprit, mais il tue l'action: aussi toutes les actions de Richard sont-elles de la dernière faiblesse; ses réflexions mêmes sur son état actuel décèlent un sentiment de sa nullité qui descend, en de certains moments, presque à la bassesse: et qui pourrait le relever, lui qui, en cessant d'être roi, a perdu, dans sa propre opinion, la qualité distinctive de son être, la dignité de sa nature? Il se croyait précieux devant Dieu, soutenu par son bras, armé de sa puissance; déchu de ce rang mystérieux où il s'était placé, il ne s'en connaît plus aucun sur la terre; dépouillé de la force qu'il croyait son droit, il ne suppose pas qu'il lui en puisse rester aucune: aussi ne résiste-t-il à rien; ce serait essayer ce qu'il suppose impossible: pour réveiller son énergie, il faut qu'un danger pressant, soudain, provoque, pour ainsi dire, à son insu, des facultés qu'il désavoue: attaqué dans sa vie, il se défend et meurt avec courage. Pour en avoir eu toujours, il lui a manqué de savoir ce que vaut un homme.

      Il ne faut point chercher dans Richard II, non plus que dans la plupart des pièces historiques de Shakspeare, un caractère de style particulier: la diction en est peu travaillée; assez souvent énergique, elle est souvent aussi d'un vague qui laisse la raison absolument maîtresse de décider sur le sens des expressions, que ne détermine aucune règle de syntaxe.

      Cette pièce est toute en vers, et en grande partie rimée. L'auteur paraît y avoir fait des changements depuis la première édition, publiée en 1597. La scène du procès de Richard, en particulier, manque tout entière dans cette édition, et se trouve pour la première fois dans celle de 1608.

      LA VIE ET LA MORT

      du

      ROI RICHARD II

TRAGÉDIE

      PERSONNAGES

      LE ROI RICHARD II.

      EDMOND DE LANGLEY, }

      duc d'York,} oncles du

      JEAN DE GAUNT, duc de} roi.

      Lancastre. }

      HENRI, surnommé BOLINGBROKE,

      duc d'Hereford, fils de Jean de Gaunt,

      ensuite roi d'Angleterre sous le nom

      de Henri IV.

      LE DUC D'AUMERLE, fils du duc

      d'York.

      MOWBRAY, duc de Norfolk.

      LE DUC DE SURREY.

      LE COMTE DE SALISBURY.

      LE COMTE DE BERKLEY 1.

      BUSHY, }

      BAGOT,} créatures du roi Richard.

      GREEN, }

      LE COMTE DE NORTHUMBERLAND.

      HENRI PERCY, fils de Northumberland.

      LORD ROSS.

      LORD WILLOUGHBY.

      LORD FITZWATER.

      L'ÉVÊQUE DE CARLISLE.

      L'ABBÉ DE WESTMINSTER.

      LE LORD MARÉCHAL.

      SIR PIERCE D'EXTON.

      SIR ÉTIENNE SCROOP.

      LE CAPITAINE d'une bande de Gallois.

      LA REINE, femme de Richard.

      LA DUCHESSE DE GLOCESTER.

      LA DUCHESSE D'YORK.

      Dames de la suite de la reine. Lords, hérauts, officiers, soldats, deux jardiniers, un gardien, un messager, un valet d'écurie, et autres personnes de suite.

La scène se passe successivement dans plusieurs parties de l'Angleterre et du pays de Galles

      ACTE PREMIER

      SCÈNE I

Londres. – Un appartement dans le palais Entrent LE ROI RICHARD avec sa suite, JEAN DE GAUNT et d'autres nobles avec lui

      RICHARD. – Vieux Jean de Gaunt, vénérable Lancastre, as-tu, comme tu t'y étais engagé par serment, amené ici ton fils, l'intrépide Henri d'Hereford, pour soutenir devant nous l'injurieux défi qu'il adressa dernièrement au duc de Norfolk, Thomas Mowbray, et dont nous n'eûmes pas alors le loisir de nous occuper?

      GAUNT. – Oui, mon souverain, je l'ai amené.

      RICHARD. – Réponds-moi encore: l'as-tu sondé? sais-tu s'il l'a défié, poussé par une vieille haine, ou s'il a cédé à la vertueuse colère d'un bon sujet, fondée sur quelque trahison dont il sache Mowbray coupable?

      GAUNT. – Autant que j'ai pu le pénétrer sur cette question, c'est sur la connaissance de quelque danger dont Mowbray menace Votre Altesse, et non par aucune haine invétérée.

      RICHARD. – Fais-les comparaître tous deux en notre présence; nous voulons entendre nous-même l'accusateur et l'accusé parler librement face à face, et se menaçant l'un l'autre du regard. (Sortent quelques-uns des gens de la suite du roi.) Ils sont tous deux hautains, pleins de colère, et, dans leur fureur, sourds comme la mer, impétueux comme la flamme.

(Rentrent les serviteurs avec Bolingbroke et Norfolk.)

      BOLINGBROKE. – Que de longues années d'heureux jours échouent en partage à mon gracieux souverain, à mon bien-aimé seigneur!

      NORFOLK. – Puisse chaque jour ajouter au bonheur de la veille, jusqu'à ce que le ciel, envieux des félicités de la terre, ajoute à votre couronne un titre immortel!

      RICHARD. – Nous vous remercions tous deux: cependant il y en a un de vous qui n'est qu'un flatteur, à en juger par le sujet qui vous amène, c'est-à-dire l'accusation de haute trahison que vous portez l'un contre l'autre. – Cousin Hereford, que reproches-tu au duc de Norfolk, Thomas Mowbray?

      BOLINGBROKE. – D'abord (et que le ciel prenne acte de mes paroles!) c'est excité par le zèle d'un sujet dévoué, et en vue de la précieuse sûreté de mon prince, que, libre d'ailleurs de toute autre haine illégitime, je viens ici le défier en votre royale présence. – Maintenant, Thomas Mowbray, je me tourne vers toi, et remarque le salut que je t'adresse; car ce que je vais dire, mon corps le soutiendra sur cette terre, où mon âme, divine, en répondra dans le ciel. Tu es un traître et un mécréant, de trop bon lieu pour ce que tu es, et trop méchant pour mériter de vivre, car plus le ciel est pur et transparent, plus affreux paraissent les nuages qui le parcourent; et pour te noter plus sévèrement encore, je t'enfonce dans la gorge une seconde fois le nom de détestable traître, désirant, sous le bon plaisir de mon souverain, ne point sortir d'ici que mon épée, tirée à bon droit, n'ait prouvé ce que ma bouche affirme.

      NORFOLK. – Que la modération de mes paroles ne fasse pas ici suspecter mon courage. Ce n'est point par les procédés d'une guerre de femmes, ni par les aigres clameurs de deux langues animées que peut se décider cette querelle entre nous deux. Il est bien chaud le sang que ceci va refroidir. Cependant je ne peux pas me vanter d'une patience assez docile pour me réduire au silence et ne rien dire du tout: et d'abord je dirai que c'est le respect de Votre Grandeur qui me tient court, m'empêchant de lâcher bride et de donner de l'éperon à mes libres paroles; autrement elles s'élanceraient jusqu'à ce qu'elles eussent fait rentrer dans sa gorge ces accusations redoublées de trahison. Si je puis mettre ici de côté la royauté de son sang illustre, et ne le tenir plus pour parent de mon souverain, je le défie, et lui crache au visage comme à un lâche calomniateur et un vilain, ce que je soutiendrais en lui accordant tous les avantages, et je le rencontrerais quand je serais obligé d'aller

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<p>1</p>

On remarque que ce titre de comte de Berkley, donné à lord Berkley, est un anachronisme, et que les lords Berkley ne furent faits comtes que dans un temps très-postérieur à celui de Richard.