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que son roi légitime?

      WARWICK. – Sans doute, Clifford: qu'il suive donc Richard, duc d'York.

      LE ROI. – Et resterai-je debout, tandis que toi tu seras assis sur mon trône?

      YORK. – Il le faut bien, et cela sera: prends-en ton parti.

      WARWICK. – Sois duc de Lancastre, et laisse-le être roi.

      WESTMORELAND. – Henri est duc de Lancastre et roi, et le lord de Westmoreland est là pour le soutenir.

      WARWICK. – Et Warwick pour le contredire. – Vous oubliez, je le vois, que nous vous avons chassés du champ de bataille, que nous avons tué vos pères, et marché enseignes déployées, au travers de Londres, jusqu'aux portes du palais.

      NORTHUMBERLAND. – Je m'en souviens, Warwick, à ma grande douleur; et, par son âme, toi et ta maison, vous vous en repentirez.

      WESTMORELAND. – Plantagenet, et toi et tes enfants, et tes parents et tes amis, vous me payerez plus de vies qu'il n'y avait de gouttes de sang dans les veines de mon père.

      CLIFFORD. – Ne m'en parle pas davantage, Warwick, de peur qu'au lieu de paroles, je ne t'envoie un messager qui vengera sa mort avant que je sorte d'ici.

      WARWICK. – Pauvre Clifford! Combien je méprise ses impuissantes menaces!

      YORK. – Voulez-vous que nous établissions ici nos droits à la couronne? Autrement nos épées les soutiendront sur le champ de bataille.

      LE ROI. – Quel titre as-tu, traître, à la couronne? Ton père était, ainsi que toi, duc d'York3; ton aïeul était Roger Mortimer, comte des Marches. Je suis le fils de Henri V, qui soumit le dauphin et les Français, et conquit leurs villes et leurs provinces.

      WARWICK. – Ne parle point de la France, toi qui l'as perdue tout entière.

      LE ROI. – C'est le lord protecteur qui l'a perdue, et non pas moi. Lorsque je fus couronné, je n'avais que neuf mois.

      RICHARD. – Vous êtes assez âgé maintenant, et cependant il me semble que vous continuez à perdre. Mon père, arrachez la couronne de la tête de l'usurpateur.

      ÉDOUARD. – Arrachez-la, mon bon père, mettez-la sur votre tête.

      MONTAIGU, au duc d'York. – Mon frère, si tu aimes et honores le courage guerrier, décidons le fait par un combat au lieu de demeurer ici à nous disputer.

      RICHARD. – Faites résonner les tambours et les trompettes, le roi va fuir.

      YORK. – Taisez-vous, mes enfants.

      LE ROI. – Tais-toi toi-même, et laisse parler le roi Henri.

      WARWICK. – Plantagenet parlera le premier. – Lords, écoutez-le, et demeurez attentifs et en silence; car quiconque l'interrompra, c'est fait de sa vie.

      LE ROI. – Espères-tu que j'abandonnerai ainsi mon trône royal, où se sont assis mon aïeul et mon père? Non, auparavant la guerre dépeuplera ce royaume. Oui, et ces étendards si souvent déployés dans la France, et qui le sont aujourd'hui dans l'Angleterre, au grand chagrin de notre coeur, me serviront de drap funéraire. – Pourquoi faiblissez-vous, milords? Mon titre est bon, et beaucoup meilleur que le sien.

      WARWICK. – Prouve-le, Henri, et tu seras roi.

      LE ROI. – Mon aïeul Henri IV a conquis la couronne.

      YORK. – Par une révolte contre son roi.

      LE ROI. – Je ne sais que répondre: mon titre est défectueux. Répondez-moi, un roi ne peut-il se choisir un héritier?

      YORK. – Que s'ensuit-il?

      LE ROI. – S'il le peut, je suis roi légitime; car Richard, en présence d'un grand nombre de lords, résigna sa couronne à Henri IV, dont mon père fut l'héritier comme je suis le sien.

      YORK. – Il se révolta contre Richard son souverain, et l'obligea par force à lui résigner la couronne.

      WARWICK. – Et supposez, milords, qu'il l'eût fait volontairement, pensez-vous que cela pût nuire aux droits héréditaires de la couronne?

      EXETER. – Non, il ne pouvait résigner sa couronne que sauf le droit de l'héritier présomptif à succéder et à régner.

      LE ROI. – Es-tu contre nous, duc d'Exeter?

      EXETER. – Le droit est pour lui. Veuillez donc me pardonner.

      YORK. – Pourquoi parlez-vous bas, milords, au lieu de répondre?

      EXETER. – Ma conscience me dit qu'il est roi légitime.

      LE ROI. – Tous vont m'abandonner et passer de son côté.

      NORTHUMBERLAND. – Plantagenet, quelles que soient tes prétentions, ne pense pas que Henri puisse être déposé ainsi.

      WARWICK. – Il sera déposé en dépit de vous tous.

      NORTHUMBERLAND. – Tu te trompes. Ce n'est pas, malgré la présomption qu'elle t'inspire, la puissance que te donnent dans le midi tes comtés d'Essex, de Suffolk, de Norfolk et de Kent, qui peut élever le duc au trône malgré moi.

      CLIFFORD. – Roi Henri, que ton titre soit légitime ou défectueux, lord Clifford jure de combattre pour ta défense. Puisse s'entr'ouvrir et m'engloutir tout vivant le sol où je fléchirai le genou devant celui qui a tué mon père!

      LE ROI. – O Clifford! combien tes paroles raniment mon coeur!

      YORK. – Henri de Lancastre, cède-moi ta couronne. Que murmurez-vous, lords, ou que concertez-vous ensemble?

      WARWICK. – Rendez justice au royal duc d'York, ou je vais remplir cette salle de soldats armés, et, sur ce trône où il est assis, écrire son titre avec le sang de l'usurpateur.

(Il frappe du pied, et les soldats se montrent.)

      LE ROI. – Milord de Warwick, écoutez seulement un mot. – Laissez-moi régner tant que je vivrai.

      YORK. – Assure la couronne à moi et à mes enfants, et tu régneras en paix le reste de tes jours.

      LE ROI. – Je suis satisfait. Richard Plantagenet, jouis du royaume après ma mort.

      CLIFFORD. – Quel tort cela fera au prince votre fils!

      WARWICK. – Quel bien pour l'Angleterre et pour lui-même!

      WESTMORELAND. – Vil, faible et lâche Henri!

      CLIFFORD. – Quel tort tu te fais à toi-même, et à nous aussi!

      WESTMORELAND. – Je ne puis rester pour entendre ces conditions.

      NORTHUMBERLAND. – Ni moi.

      CLIFFORD. – Venez, cousin; allons porter ces nouvelles à la reine.

      WESTMORELAND. – Adieu, roi sans courage et dégénéré; ton sang glacé ne renferme pas une étincelle d'honneur.

      NORTHUMBERLAND. – Deviens la proie de la maison d'York, et meurs dans les chaînes pour cette indigne action.

      CLIFFORD. – Puisses-tu périr vaincu dans une guerre terrible, ou finir tranquillement dans l'abandon et le mépris!

(Sortent Northumberland, Clifford et Westmoreland.)

      WARWICK. – Tourne-toi par ici, Henri, ne fais pas attention à eux.

      EXETER. – Ce qu'ils veulent, c'est la vengeance: voilà pourquoi ils ne cèdent pas.

      LE ROI. – Ah! Exeter!

      WARWICK. – Pourquoi ce soupir, mon prince?

      LE ROI. – Ce n'est pas pour moi que je gémis, lord Warwick: c'est pour mon fils que je déshérite en père dénaturé; mais qu'il en soit ce qui pourra. Je te substitue ici la couronne à toi et à tes héritiers à perpétuité, à condition que tu feras serment ici d'éteindre cette guerre civile, et de me respecter, tant que je vivrai, comme ton roi et ton souverain, et de ne jamais chercher, par aucune trahison ni violence, à me renverser du trône et à régner

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<p>3</p>

Richard, duc d'York, était fils du comte de Cambridge, et neveu seulement du duc d'York.