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Les Mystères du Louvre. Féré Octave
Читать онлайн.Название Les Mystères du Louvre
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Автор произведения Féré Octave
Издательство Public Domain
– Assurément, répondit-il sans se déconcerter, Votre Seigneurie ne manquera pas de fourbes qui en feront promesse; moi, je ne promets que suivant mes moyens.
– Nierez-vous donc l'art des envoûtements, par lesquels on prévient les coups de ses ennemis, en les frappant eux-mêmes des plaies d'enfer?
La physionomie du docteur s'assombrit à cette proposition sinistre.
– Je crois la science humaine fort bornée, et je ne me targue pas encore de la posséder toute; quant à ces pratiques mystérieuses, que Votre Grâce ne compte point sur moi pour les entreprendre; de telles arcanes dépassent mes forces, et si la volonté d'en haut est de favoriser le connétable, je ne me sens pas de poids à lutter contre elle.
– Or çà, ma chère fille, dit la régente en élevant la voix pour arracher Marguerite à son indifférence apparente, prêtez-nous donc votre attention. Ceci vous intéresse tout comme nous; voici ce docteur mécréant qui nous prédit à tous une série de calamités, et qui refuse de nous fournir le moindre talisman pour nous en préserver.
– N'est-ce que cela, ma mère, repartit avec une grande douceur la princesse, ne violentez pas messire Agrippa dont j'estime le savoir. Rien n'est plus aisé que de vous procurer une amulette, un charme, une mandragore.
On ne s'entretient plus, depuis quelque temps, que de l'habileté merveilleuse d'un vieux nécroman, Gaspard Cinchi; je crois qu'il loge à deux cents pas de ce palais, dans une des ruelles qui confinent aux Tuileries. Il est déjà en possession de la plus belle clientèle de votre cour. Vos filles d'honneur mêmes ne se font pas faute de le consulter en cachette.
– Entre confrères, on se connaît quelquefois, dit la régente avec un peu d'ironie à Agrippa; messire, avez-vous des données sur ce Gaspard Cinchi?
– Quelque charlatan de bas étage, affublé d'un nom italien!.. grommela le médecin froissé de cette apostrophe.
– Charlatan, peut-être, répéta Marguerite souriant malgré elle à cette boutade, mais meilleur courtisan que tel docteur morose de ma connaissance. Il a fait des prédictions couleur de printemps à la plupart de ces demoiselles; jusqu'à assurer à votre favorite, ma mère, la petite d'Heilly, qu'elle détrônerait une reine…
– Si cela est, fit vivement la régente, c'est en effet un grand homme, car il a dit vrai…
– Hein?.. vous pensez, ma mère?..
– Silence sur ceci!.. L'avenir éclaircira toutes choses.
Le docteur ne chercha pas à comprendre; mais la princesse, plus curieuse, essaya de descendre dans la pensée de sa mère; pensée profonde, où germait déjà le dessein de faire supplanter dans la faveur royale la comtesse de Châteaubriant qui lui portait ombrage, par sa protégée la demoiselle d'Heilly, qui fut, en effet, plus tard la duchesse d'Étampes.
– Je vous deviens inutile, madame, prononça avec une politesse froide le docteur; me permettrez-vous de me retirer?
– Je ne vous retiens plus, messire, dit la régente, et je vous rends la liberté après laquelle vous soupirez bien fort.
Il s'en alla sans insister, en homme qui compte ne plus revenir, et en adressant aux deux princesses un salut respectueux mais glacé, auquel la régente répondit à peine.
Le lendemain, il quittait le Louvre pour rejoindre cet autre terrible disgracié qui s'appelait le connétable de Bourbon, dont il avait prévu les nouveaux succès.
La duchesse d'Angoulême le laissa partir sans essayer de le rappeler, et cependant son regard fixe, longtemps attaché sur la portière qui venait de retomber derrière lui, trahissait son regret en même temps que son mécontentement.
La princesse Marguerite essaya de l'arracher à cette angoisse.
– Oubliez cette homme et ses paroles, ma mère. Ces pratiques de magie sont vaine superstition; les esprits vraiment forts s'en affranchissent. Maître Agrippa, que je tiens pour savant d'ailleurs, est sujet à se tromper comme les autres; et je penche à croire qu'il emprunte ses pronostics plutôt à ses sympathies qu'aux révélations extra-naturelles.
Mais la sentence du docteur, puissamment corroborée par sa démarche et son départ, avait porté à l'esprit de la régente un coup trop sérieux pour s'effacer devant ses affectueuses remontrances.
– Non, non! fit-elle en agitant péniblement la tête; les arrêts de ce physicien ne sont pas de ceux qu'on peut impunément dédaigner… Il ne dit rien dont il ne soit convaincu; et il est si bien persuadé des calamités qui nous menacent, qu'il déserte sans hésiter notre cour, pour chercher, j'en jurerais, la faveur de nos ennemis florissants. Ainsi les gens sensés s'éloignent d'une maison qui s'écroule…
– Nous trouverons cent docteurs pour un, ma mère.
– Qu'importe, s'ils sont impuissants, si le malheur doit venir? Il ne faut pas mépriser le savoir de ces hommes, ma fille; ai-je besoin même de vous rappeler que vous eûtes pour eux maintes fois plus d'égards…
– C'est vrai, ma mère; quand l'esprit, quand le cœur souffrent, se désespèrent, quand ils sont épuisés de s'être inutilement adressés à Dieu, placé trop haut pour abaisser ses yeux sur nos infimes douleurs, alors, on va quelquefois à toutes les portes. Le cerveau humain, inquiet malade se laisse facilement attirer par l'espoir d'un appui surnaturel, d'une lumière, d'une influence fatidique; quand on souffre dans le présent, on demande à l'avenir de nous soutenir en nous consolant… Hélas! déceptions et chagrins!..
– Cependant, ma fille, ces calculs astrologiques ne sont pas toujours vains, qu'il vous suffise de le savoir; ce que vous m'avez dit tout à l'heure sur la petite d'Heilly est le décret de l'avenir, et, je vous l'affirme, c'est vérité. Je veux consulter aussi, moi, ce vieux Gaspard Cinchi dont la science a trouvé cela… Dès demain, je le verrai… Ne serez-vous pas curieuse de m'accompagner?..
– Excusez-moi, ma mère, répondit avec embarras la princesse; je n'ai plus foi en ces pratiques… j'aime mieux ne pas voir ce nécroman.
– Marguerite, dit la régente avec intérêt, vous souffrez plus que vous ne voulez l'avouer! votre âme est livrée au trouble et à la crainte!..
– Ne m'interrogez pas, ma mère. Vous fûtes toujours bonne pour moi; prêtez-moi votre aide dans le dessein que j'ai conçu, sans chercher à savoir quel il est, ni pour quel objet je vous implore.
A cette prière, le cœur maternel de la régente se réveilla.
– Mon appui? mais il est à toi, ma fille, à toi tout! entier. Qui donc oserait en vouloir à ton bonheur?..
– Ma mère, n'est-ce pas aujourd'hui que le grand chancelier vous remettra cette liste des prisonniers de religion, sur laquelle nous devons désigner ceux que nous souhaitons voir absoudre et renvoyer?
Quoique cette question ne répondît pas aux assurances affectueuses qu'elle venait d'adresser à sa fille, et que celle-ci l'eût formulée sur un ton plus léger en apparence que ses précédentes paroles, la régente ne s'y trompa point; elle comprit qu'il existait un rapport absolu entre elles.
– Je ne vous demande pas votre secret, chère fille; je ne veux même pas le savoir. Mais si d'aventure il tient à la délivrance d'un de ces captifs, foi de régente du royaume, sauf le cas de haute trahison, ce captif sera mis en liberté.
La princesse fut sur le point de se jeter au cou de sa mère puis un scrupule, une crainte subite la retint, et avant d'épancher sa reconnaissance:
– Foi de régente, c'est parole de roi, ma mère, je retiens donc la vôtre, et vous me servirez, même contre messire Antoine Duprat?..
Ce nom, prononcé avec cette solennité et rapproché de son serment, fit pâlir la duchesse d'Angoulême.
– Le grand chancelier?..
– Hésiteriez-vous, ma mère?
– Non,