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d'elle-même l'impossibilité d'un tel voyage et qu'on n'irait pas bien loin. C'est ce qui arriva. À peine les trois voyageurs furent-ils à une lieue de Vaucouleurs, vers la chapelle de Saint-Nicolas, qui s'élève dans la vallée de Septfonds au milieu du grand bois de Saulcy, que Jeanne, se ravisant, dit à ses compagnons qu'il n'était point honnête à elle de partir ainsi: et tous trois retournèrent à la ville392.

      Enfin un messager royal vint apporter au capitaine de Vaucouleurs la réponse du roi Charles. Il se nommait Colet de Vienne393. Son nom le désigne comme originaire de la province gouvernée par le dauphin avant la mort du feu roi, et qui gardait au pauvre prince une constante fidélité. La réponse portait que sire Robert envoyât la jeune sainte à Chinon394.

      Ce que Jeanne avait demandé et qui paraissait impossible à obtenir, lui était accordé. Elle allait être menée au roi comme elle l'avait voulu et dans les délais fixés par elle-même. Mais ce départ après lequel elle avait tant soupiré fut retardé de quelques jours, par une circonstance remarquable, qui montre que la renommée de la jeune prophétesse s'était répandue en Lorraine et atteste qu'alors les grands de la terre, en leurs nécessités, recherchaient les saintes.

      Jeanne était mandée à Nancy par monseigneur le duc de Lorraine. Munie d'un sauf-conduit que le duc lui avait envoyé, elle partit en veste et houseaux rustiques, sur un bidet que Durand Lassois et Jacques Alain lui donnèrent. Il leur avait coûté douze francs que sire Robert leur remboursa plus tard sur les deniers du roi395. Il y a vingt-quatre lieues de Vaucouleurs à Nancy. Jean de Metz l'accompagna jusqu'à Toul; Durand Lassois fit tout le voyage avec elle396.

      Avant de se rendre à l'hôtel du duc de Lorraine, Jeanne monta la vallée de la Meurthe et alla faire ses dévotions au grand saint Nicolas, dont on gardait les reliques dans la chapelle de Saint-Nicolas-du-Port397, desservie par des religieux bénédictins. C'était bien fait à elle, saint Nicolas étant le patron des voyageurs.

      CHAPITRE IV

      VOYAGE À NANCY. – ITINÉRAIRE DE VAUCOULEURS À SAINTE-CATHERINE-DE-FIERBOIS

      Le duc Charles II de Lorraine, allié aux Anglais, venait de jouer un bien mauvais tour à son cousin et ami le duc de Bourgogne, en donnant en mariage Isabelle sa fille aînée, l'héritière de Lorraine, à René, second fils de madame Yolande, reine de Sicile et de Jérusalem, duchesse d'Anjou398. René d'Anjou, dans ses vingt ans, était un gentil esprit, amoureux de bon savoir autant que de chevalerie, bienveillant, affable et gracieux. Quand il ne faisait point de chevauchées et ne maniait pas la lance, il se plaisait à peindre des images dans des livres; il avait du goût pour les jardins fleuris et les histoires en tapisserie, et, comme son beau cousin le duc d'Orléans, il composait des poèmes en français399. Investi du duché de Bar par le cardinal duc de Bar, son grand-oncle, il devait hériter le duché de Lorraine après la mort du duc Charles, qui ne pouvait beaucoup tarder. Ce mariage était justement regardé comme un beau coup de madame Yolande. Mais qui terre a guerre a. Le duc de Bourgogne, fort mal content de voir un prince de la maison d'Anjou, le beau-frère de Charles de Valois, s'établir entre la Bourgogne et les Flandres, excitait contre René le comte de Vaudemont, prétendant à l'héritage de Lorraine, et la politique angevine rendait difficile la réconciliation du duc de Bourgogne avec le roi de France. René d'Anjou était engagé dans les querelles de son beau-père de Lorraine. Et précisément, en 1429, il faisait aux habitants de Metz la guerre de la Hottée de pommes. On la nommait ainsi parce que la cause en était une hottée de pommes entrée dans la ville de Metz, sans qu'on eût payé de droits aux officiers du duc de Lorraine400.

      Cependant, madame sa mère faisait envoyer de Blois des convois de vivres aux habitants d'Orléans, assiégés par les Anglais. Bien qu'elle fût pour lors en mauvaise intelligence avec les conseillers du roi Charles, son gendre, elle se montrait vigilante à combattre les ennemis du royaume, qui menaçaient son duché d'Anjou. René, duc de Bar, avait donc des parentés, des amitiés, des intérêts tout à la fois dans le parti d'Angleterre et Bourgogne et dans le parti de France. Tel était le cas où se trouvaient la plupart des seigneurs français. Ses rapports avec le capitaine de Vaucouleurs restaient amicaux et fréquents401. Il est possible que sire Robert l'ait informé qu'il tenait à Vaucouleurs une jeune fille prophétisant sur le royaume de France. Il est possible que le duc de Bar, curieux de la voir, l'ait fait envoyer à Nancy où il devait se rendre lui-même vers le 20 février; mais, bien plus probablement, René d'Anjou se souciait moins de la Pucelle de Vaucouleurs, qu'il n'avait jamais vue, que du petit More et du fou dont s'égayait son hôtel ducal402. En ce mois de février 1429, il n'avait ni l'envie ni les moyens de beaucoup s'appliquer aux affaires de France; et, tout beau-frère qu'il était du roi Charles, il se préparait, non pas à secourir la ville d'Orléans, mais à mettre le siège devant la ville de Metz403.

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      1

      Le P. Lelong, Bibliothèque historique de la France, Paris, 1768 (5 vol. in fol.), II, n. 17172-17242. – Potthast, Bibliotheca medii œvi, Berlin, 1895, in-8o, t. 1, pp. 643 et suiv. – U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du Moyen Âge, Paris, in-8o, 1877, pp. 1247-1255; Jeanne d'Arc, biobibliographie, Montbéliard, 1878 [Extrait]; Supplément au Répertoire, Paris, 1883, pp. 2684-2686, in-8o. – Lanéry d'Arc, Le livre d'Or de Jeanne d'Arc, bibliographie raisonnée et analytique des ouvrages relatifs à Jeanne d'Arc, Paris, 1894, gr. in-8o et supplément. – A. Molinier, Les sources de l'histoire de France des origines aux guerres d'Italie, IV: Les Valois, 1328-1461, Paris, 1904, pp. 310-348.

      2

      Jules Quicherat, Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc, Paris, in-8o, 1841, t. I.

      3

      Procès, t. I. p. 93 et passim.

      4

      Ibid., t. III, pp. 89, 142, 161, 176, 178, 201.

      5

      Ibid., t. I, pp. 478 et suiv.

      6

      Jean de Bueil, le Jouvencel, éd. C. Fabre et L. Lecestre, Paris, 1887, in-8o, t. II, p. 283.

      7

      Perceval de Cagny, Chroniques, publiées

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<p>392</p>

Ibid., t. II, pp. 447-457.

<p>393</p>

Ibid., t. II, p. 406. – S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, p. 160, note 6.

<p>394</p>

Monstrelet, t. IV, pp. 314-315. – Poème anonyme sur l'arrivée de la Pucelle, dans Procès, t. V, p. 30.

<p>395</p>

Durand Lassois dit qu'il coûte douze francs; Jean de Metz seize. «Ce serait aujourd'hui un cheval de cent écus» (L. Champion, Jeanne d'Arc écuyère, 1901, p. 55).

<p>396</p>

Procès, t. I, pp. 54, 222; t. II, pp. 391, 406, 432, 437, 442-450, 456-457; t. III, pp. 87, 115; Extrait du 8e compte de Guillaume Charrier et du 13e compte de Hémon Raguier, dans Procès, t. V, pp. 257 et suiv.

<p>397</p>

Procès, t. II, p. 457. – A. Renard, Jeanne d'Arc. Examen d'une question de lieu, Orléans, 1861, in-8o, 16 pages. – G. de Braux, Jeanne d'Arc à Saint-Nicolas, Nancy, 1889, in-8o. – De Pimodan, La première étape de Jeanne d'Arc, 1890, in-8o, cartes.

<p>398</p>

Le P. Anselme, Histoire généalogique de la Maison de France, II, p. 218. – Ludovic Drapeyron, Jeanne d'Arc et Philippe le Bon, dans Revue de Géographie, novembre 1886, p. 236. – S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. LXVI, CXCIX.

<p>399</p>

Œuvres du roi René, par le comte de de Quatrebarbes, Angers, 1845, t. I, notice, pp. LXXVI et suiv. – Leroy de la Marche, Le roi René, sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires, Paris, 1875, 2 vol. in 8o, et Giry, compte rendu dans Revue Critique.

<p>400</p>

Dom Calmet, Histoire de Lorraine, t. II. col. 695, 703.

<p>401</p>

S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. CXCVII, CLXXXVII, CLXXXVIII et 236. – Le registre des Archives de la Meuse, B 1051, conserve la trace d'une correspondance active du duc de Bar avec Baudricourt.

<p>402</p>

Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Dom Calmet, Histoire de Lorraine, preuves, t. II, col. CXCIX. – S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. CXCVII et suiv.

<p>403</p>

Lettre de Jean Desch, secrétaire de la ville de Metz, dans Procès, t. V, p. 355. – Dom Calmet, Histoire de Lorraine, t. II, preuves, col. CXCIX.