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s'avança vers moi.

      Nous sommes, dans notre métier, préparés à toutes les surprises, mais avouez que celle-là était plutôt roide.

      Je me ressaisis cependant et cherchai une excuse:

      – Pardon… Monsieur… balbutiai-je. Je croyais trouver ici M. Bénoni à qui j'ai une affaire à proposer et…

      L'homme brun éclata de rire, eut un haussement d'épaules, puis m'ordonna de lever les mains, ce que je fis sans murmurer, car je voyais toujours le petit canon du revolver braqué entre mes deux yeux…

      – Je vous assure… repris-je… c'est à M. Bénoni que je désirais parler… il était d'ailleurs prévenu de ma visite…

      – Ah! répliqua mon interlocuteur d'un ton narquois… ah! il était prévenu de votre visite… Est-ce lui aussi qui vous avait prié de crocheter sa serrure?..

      – Je…

      – Taisez-vous, gredin… vous êtes un cambrioleur… un maladroit cambrioleur, voilà tout…

      C'était la première fois que l'on m'appelait maladroit et c'était la première fois aussi que je me trouvais face à face avec un de mes «fournisseurs» habituels.

      On a beau avoir du sang-froid, ces coups imprévus vous coupent bras et jambes.

      – Oui, un maladroit… reprit l'homme brun avec un haussement d'épaules… on prend ses informations, que diable! et l'on ne vient pas stupidement se jeter dans la gueule du loup…

      Ne sachant que répondre, je répétais machinalement le nom de M. Bénoni…

      – Qu'est-ce que vous me chantez avec votre Bénoni?.. est-ce que je le connais, moi, votre Bénoni?.. vous cherchez une défaite, mais ça ne prend pas… vous savez… Vous êtes ici chez le comte Melchior de Manzana, attaché d'ambassade…

      – Cependant… fis-je avec un peu plus d'assurance, c'est bien ici le troisième étage?

      – Mais non… idiot… c'est le deuxième… vous n'avez donc pas remarqué qu'il y a un entresol… Faut-il que vous soyez bouché, tout de même… Et vous vous livrez au cambriolage!.. c'est probablement la première fois que vous opérez?..

      – Oui… c'est la première fois, avouai-je humblement, dans l'espoir d'attendrir l'homme au revolver…

      – Vous n'aurez pas de sitôt l'envie de recommencer, prononça-t-il sèchement, car je vais incontinent vous remettre entre les mains des sergents de ville…

      – Oh! je vous en supplie… ne faites pas cela… ayez pitié de moi… je ne vous ai, en somme, causé aucun préjudice… et puis, j'ai une circonstance atténuante… ce n'est pas chez vous que je venais… il y a erreur.

      – Vous êtes bon, vous, avec vos erreurs… Ah! vous prenez gaîment les choses! Vous vous introduisez chez les gens dans l'intention de mettre à sac leur appartement et quand vous tombez sur quelqu'un qui ne veut pas se laisser faire vous vous excusez, en disant: «Pardon… il y a erreur…» C'est commode cela… oui, très commode en vérité, mais je ne saurais admettre une telle excuse… mon devoir est de vous faire arrêter, car si je vous laissais partir, demain vous recommenceriez votre joli métier et feriez peut-être des victimes…

      – Oh! non, je vous le jure, répondis-je d'un ton larmoyant…

      – Ta, ta, ta!.. tout ça, c'est de la blague… vous cherchez à m'apitoyer, mais vous n'y réussirez pas… D'ailleurs, vous ne dites pas un mot de vrai… vous prétendez vous être trompé d'étage, cela n'est pas exact…

      – Je vous jure que j'allais chez M. Bénoni…

      – Oui… dites que vous y êtes allé, et que, n'ayant rien trouvé chez lui, vous avez pensé vous rattraper ici… Ça ne prend pas… allez raconter cela à d'autres, mais pas à moi…

      Je crus devoir jouer le grand jeu.

      – Monsieur, écoutez-moi, répliquai-je… je sais qu'il sera bien difficile de vous convaincre… cependant… si vous voulez m'accorder quelques minutes d'attention…

      – Vous n'allez pas me faire une conférence, je suppose… Ah! non, en voilà assez!.. Allons, ouste! descendez avec moi chez le concierge…

      – Une seconde, je vous en prie…

      – Descendez, vous dis-je…

      – Vous ne voulez pas m'écouter, vous avez tort!.. Tenez, je m'explique… Je ne sais quelle est votre situation de fortune, mais si vous consentez à me laisser libre, je vous donne cinq cent mille francs…

      – Vous êtes fou…

      – Non… c'est sérieux… tout ce qu'il y a de plus sérieux… Vous m'avez pris pour un cambrioleur… eh bien! vous vous êtes trompé… je suis riche… riche à millions, entendez-vous.

      Mon interlocuteur me regarda d'un air inquiet…

      Comme je m'étais rapproché, il crut sans doute que j'allais me jeter sur lui, car il leva de nouveau son revolver, mais sans me laisser intimider par ce geste, je repris avec plus de force:

      – Oui… riche à millions et si vous voulez me promettre de ne rien tenter contre moi, je vais vous le prouver à l'instant. Il ne faut pas se fier aux apparences… Je sais que tout m'accuse, mais quand vous saurez pourquoi je tenais tant à m'introduire chez M. Bénoni, vous comprendrez tout… Il y a dans la vie…

      – Au but… et vivement…

      – J'y arrive, mais d'abord acceptez-vous mes conditions?

      – Cela dépend…

      – Il faut que je sois fixé… car si vous refusez, je n'ai aucune raison de vous révéler mon secret…

      – Cinq cent mille francs, avez-vous dit?

      – Oui, cinq cent mille francs…

      – Comptant?..

      – Presque…

      – Oui, je vois, vous cherchez à me monter le coup…

      – Je vous jure que je dis la vérité.

      L'homme brun me regardait fixement et je voyais bien que l'affaire l'intéressait.

      – Ecoutez, lui dis-je… vous êtes un gentleman… moi aussi, quoique toutes les apparences soient contre moi.

      – En effet… un gentleman qui a sur lui un trousseau de fausses clefs et qui crochette les serrures…

      – Ce n'était pas la vôtre que je voulais crocheter… bref… puisque le hasard m'a jeté entre vos mains, je suis prêt à vous acheter ma liberté… Cinq cent mille francs… acceptez-vous?

      – Oui, si vous payez immédiatement.

      – Bien, alors nous allons nous entendre…

      VI

      LE TOUT EST DE S'ENTENDRE

      La partie était engagée… On conviendra qu'elle était délicate. Mon interlocuteur avait un revolver… J'étais donc à sa merci. Comment allais-je me tirer de là? Je ne pouvais compter que sur mon seul talent de persuasion… Arriverais-je à convaincre l'homme que j'avais en face de moi et surtout à lui faire accepter la combinaison que j'allais lui proposer? Je serais obligé de lui montrer mon diamant, et comme il était le plus fort, il pouvait chercher à me l'enlever, mais j'étais résolu à tout… même à me faire tuer pour défendre mon bien.

      – Voulez-vous, dis-je, allumer la lampe qui se trouve sur votre bureau?

      Mon adversaire tourna le commutateur et une éblouissante clarté se répandit sur la table.

      M'approchant alors, je tirai de la poche de mon gilet le petit sac en peau dans lequel était enfermé mon trésor.

      – Voici, dis-je, une fortune de plusieurs millions.

      Et je fis scintiller le diamant

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