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Margot la Ravaudeuse. Fougeret de Monbron Louis Charles
Читать онлайн.Название Margot la Ravaudeuse
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Fougeret de Monbron Louis Charles
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Madame Florence, qui venoit de se déclarer si éloquenment contre l'oisiveté, ne me laissa pas le tems d'entretenir de mauvaises pensées. Elle reparut tout-à-coup. «Petit cœur, me dit-elle, d'un ton affectueux, ce n'étoit pas mon dessein de vous importuner sitôt: mais vos compagnes sont toutes occupées avec une bande de plumets étourdis que je me serois fait conscience de vous faire connoître, d'autant plus que ce sont de mauvaises paies, & que mon intention n'est pas de vous employer gratuitement. Il y a là-bas un Soufermier de mes amis. C'est une vieille pratique qui m'apporte exactement ses deux louis par semaine. Je voudrois bien ne le pas desobliger. Qu'en pensez-vous, Maman? deux louis ne sont point à mépriser, sur-tout quand ils coûtent si peu à gagner.» Pas si peu que vous croyez, Madame, lui répondis-je; si vous aviez éprouvé ce que j'ai souffert & ce que je souffre encore. (car je me sentois toute excoriée) «Oh! interrompit-elle, tout le monde n'est pas aussi redoutable que Mr. le Président. Celui que je vous propose s'en tient au simple badinage & rien de plus. Je vous garantis que ses caresses ne sont ni longues ni fatigantes: d'ici là son affaire est faite.»
Madame Florence, enfin ayant obtenu mon consentement, me présenta la plus assommante figure de maltôtier qu'il soit possible de voir. Qu'on se peigne une tête quarrée adhérente à des épaules de porte-faix, des yeux hagards & féroces ombragés d'un sourcil fauve, un petit front silloné, un large & triple menton, un ventre en poire, soutenu sur deux grosses jambes arquées, terminées par deux pieds plats en forme de patte d'oie. Toutes ces parties réunies ensemble, & chacune exactement en sa place, composoient ce mignon de finance. J'avois été si surprise à l'aspect d'un semblable automate, que je ne m'étois point apperçue de la disparition de notre mere Prieure. «Eh bien! me dit le Soufermier d'un ton brutal, sommes-nous ici pour demeurer les bras croisés? Vous voilà plantée comme un échalas. Allons, allons, morbleu, approchez: je n'ai pas le loisir de rester en contemplation. On m'attend à notre assemblée. Expédions. Où sont vos mains? Prenez ceci. Que vous êtes gauche! Serrez les doigts. Remuez le poignet. Comme cela. Un peu plus fort. Arrêtez. Plus vîte. Dou-ce-ment. Voilà qui est bien.» Cet agréable exercice étant achevé, il me jette un couple de louis & se sauve de la même ardeur que quelqu'un qui fuit ses créanciers.
Quand je fais réflexion aux épreuves cruelles & bizarres où se trouve reduite une fille du monde, je ne saurois m'imaginer qu'il y ait de condition plus rebutante & plus misérable. Je n'en excepte point celle de Forçat ni de Courtisan. En effet, qu'y a-t'il de plus insupportable que d'être obligée d'essuyer les caprices du premier venu; que de sourire à un faquin que nous méprisons dans l'ame; de caresser l'objet de l'aversion universelle; de nous prêter incessanment à des gouts aussi singuliers que monstrueux; en un mot, d'être éternellement couvertes du masque de l'artifice & de la dissimulation, de rire, de chanter, de boire, de nous livrer à toute sorte d'excès & de débauche, le plus souvent à contre-cœur & avec une répugnance extrême? Que ceux qui se figurent notre vie, un tissu de plaisirs & d'agrémens, nous connoissent mal! Ces Esclaves rampans & méprisables qui vivent à la Cour des Grands, qui ne s'y maintiennent que par mille bassesses honteuses, par les plus lâches complaisances & un déguisement éternel, ne souffrent pas la moitié des amertumes & des mortifications inséparables de notre état. Je ne fais pas difficulté de dire que si nos peines pouvoient nous être méritoires & nous tenir lieu de pénitence en ce monde, il n'y en a guères de nous qui ne fût digne d'occuper une place dans le Martirologe, & ne pût être canonisée. Comme un vil interêt est le mobile & la fin de notre prostitution, aussi les mépris les plus accablans, les avanies, les outrages en sont presque toujours le juste salaire. Il faut avoir été Catin pour concevoir toutes les horreurs du métier. Je ne saurois, sans frémir, me rappeller la dureté du noviciat que j'ai fait: & cependant combien en est-il qui ont plus pâti que moi! telle que l'on voit aujourd'hui triomphante dans un équipage doré, orné des plus charmantes peintures & verni par Martin; telle, dis-je, qui, traînant par-tout avec elle un luxe révoltant, affiche insolenment le gout pervers & crapuleux de son bienfaiteur. Qui croiroit qu'elle fut autrefois le rebut des laquais? que cette même personne fut le triste objet des incartades & de la brutalité de la plus vile canaille; en un mot, qu'elle porte peut-être encore les marques des coups qu'elle en a reçus? Je le repéte, tout agréable, tout attrayant que paroisse notre état, il n'en est ni de plus humiliant, ni de plus cruel.
On ne sauroit s'imaginer, sans l'avoir expérimenté, à quel excès les hommes portent la débauche dans le délire de leurs passions. J'en ai connu nombre qui mettoient toute leur volupté à battre ou être battus, de façon qu'après que j'avois souffleté, rossé, étrillé, j'étois souvent obligée de subir la même peine à mon tour. Il doit paroître, sans doute, bien étonnant qu'il se trouve des filles assez patientes pour soutenir un pareil genre de vie; mais que ne font point faire le gout du libertinage, l'avarice, la paresse & l'espoir d'un avenir heureux!
Pendant environ quatre mois que je demeurai chez Madame Florence, je puis me vanter d'avoir fait un cours complet dans la profession de fille du monde, & que lorsque je sortis de cette excellente école, j'avois assez d'aquis pour le disputer à tous les luxurieux anciens & modernes, dans l'art profond de varier les plaisirs, & dans la pratique de toutes les possibilités phisiques en matiére de paillardise.
Une petite avanture qui mit ma patience à bout, me fit prendre la résolution de travailler pour mon compte, & de vivre en mon particulier. Voici ce que c'est. Nous eumes un jour la visite d'une escouade de Mousquetaires, aussi pétulans que peu pécunieux. Las de sacrifier au nourrisson de Siléne, il leur avoit pris fantaisie de rendre leurs hommages à Vénus. Malheureusement, nous n'étions alors que deux à la maison; & pour surcroit de disgrace, ma compagne prenoit depuis quelque tems une tisane réfrigérative, qui la mettoit hors d'état d'être d'aucune utilité à ces Messieurs. De façon que je me trouvai seule contre tous. Je leur fis vainement mes respectueuses représentations sur l'impossibilité de fournir aux besoins de tant de monde: il fallut, bon gré, malgré, me prêter à ce qu'ils voulurent. Enfin, je souffris trente assauts dans l'espace de deux heures. Que de Dévotes auroient voulu être en ma place, & se voir forcées d'essuyer des maniéres si brutales pour le salut de leur ame! Quant à moi, chétive pécheresse, j'avoue que loin d'avoir pris la chose en patience, & d'avoir chrétiennement béni mes assaillans, je ne cessai de vomir contr'eux toutes les imprécations imaginables tant que la scéne dura. Au fond, trop est trop. Je fus, pour ainsi dire, si gorgée de plaisirs que j'en eus une espéce d'indigestion.
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