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hersé, ensemencé et sarclé son champ, qui lui a donné 10 hectolitres de blé. Ses avances et sa juste rémunération s'élèvent à 180 fr. – Il a vendu son blé à 18 fr. Il doit être satisfait. – Cette année il a fait les mêmes avances en labours, hersages, semailles, etc.; – Mais la moisson a trompé son attente, et il n'a que 5 hectolitres de blé. Il faut donc qu'il le vende à 36 fr., sans quoi il perd, et j'ai été décrété précisément pour le garantir de cette perte, pour lui assurer son prix de revient.»

      Or, c'est justement cette année-là que le tarif déserte son principe et dit: L'intérêt des estomacs est l'intérêt dominant. – Il embrasse ainsi involontairement le principe de la liberté, le seul principe vrai et raisonnable, et il ouvre les portes.

      Le tarif trompe donc l'agriculteur. Il lui assure le prix de revient quand ce prix est assuré par la nature des choses, et ne s'en mêle plus quand son intervention serait efficace.

      Mais ce n'est pas tout. – Une législation basée sur un principe faux s'arrête toujours avant les dernières conséquences, parce que les dernières conséquences d'un faux principe sont elles-mêmes d'une absurdité qui saute aux yeux. Aussi voyons-nous qu'il est de nombreux produits auxquels on n'accorde la protection qu'en tremblant; ce sont ceux dont l'utilité, pour le consommateur, est tellement palpable, qu'à leur égard le vrai principe se fait jour malgré qu'on en ait. Pour tâcher de réconcilier ici les principes, on a fait de ces produits une classe qu'on appelle matières premières; et puis on a dit que la protection sur ces produits avait de grands dangers16. Or, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire: L'utilité de ces choses, relativement au consommateur, est telle qu'ici du moins nous sommes forcés, sinon de rendre hommage explicitement à la vérité des principes, du moins d'agir comme si nous les reconnaissions, sauf à mettre nos doctrines, à l'abri, en entassant subtilités sur subtilités.

      Mais si les agriculteurs voulaient y voir un peu plus loin que le bout de leur nez, ils sauraient à quoi cela mène. Car une chose est bien claire: c'est que le régime restrictif, après leur avoir donné, quant aux céréales, une protection inefficace et illusoire, abandonnera aussi en première ligne, grâce à la fameuse théorie des matières premières, la laine, le lin, le chanvre et tous les produits agricoles.

      Et quand les agriculteurs auront livré leurs produits aux manufacturiers au prix fixé par l'universelle concurrence, ils rachèteront ces mêmes produits façonnés en toile et en drap, aux prix du monopole. En d'autres termes, il y aura deux classes de travail en France: le travail agricole non privilégié, et le travail manufacturier privilégié. – L'effet de ce régime sera de faire sortir de plus en plus les hommes et les capitaux de l'agriculture pour les pousser vers les fabriques, jusqu'à ce que ces deux grands effets définitifs se produisent:

      1o La concurrence intérieure, parmi les fabricants, leur arrachera les profits que la protection avait prétendu leur conférer;

      2o Un grand déplacement se sera opéré, une grande déperdition de forces se sera accomplie; pendant que les débouchés extérieurs seront fermés à nos fabriques, la ruine, au dedans, du public consommateur, dont la classe agricole forme les deux tiers, leur fermera aussi les débouchés intérieurs; et l'industrie manufacturière portera le double châtiment de ses prétentions injustes et de ses funestes erreurs.

      On a beau dire et beau faire. Il n'y a qu'une bonne politique: c'est celle de la Justice.

      Certainement, nous ne chercherons pas à nous concilier la classe agricole par de trompeuses promesses. Nous lui disons tout net qu'elle ne doit pas être, qu'elle ne peut pas être et qu'elle n'est pas protégée; que la protection dont elle croit jouir, quant aux céréales, est illusoire; que celle qu'elle retient encore sur les matières premières va lui échapper. Mais nous ajoutons: si l'on ne peut pas donner aux agriculteurs des suppléments de prix, au moyen de taxes (qu'ils payent eux-mêmes pour les deux tiers), il ne faut pas du moins les forcer, au moyen d'autres taxes, de donner des suppléments de prix aux maîtres de forges, aux manufacturiers, aux armateurs, aux actionnaires de mines. Liberté, justice, égalité pour tout le monde.

      9. – L'ÉCHELLE MOBILE

24 Janvier 1847.

      Le gouvernement a demandé que le jeu de l'échelle mobile fût suspendu pendant les huit mois qui sont devant nous. Hélas! que n'a-t-il la puissance de donner à cette mesure un effet rétroactif et de faire que l'échelle mobile ait été suspendue pendant les huit mois qui viennent de s'écouler! Nous n'en serions pas où nous en sommes; la crise des subsistances et la crise financière auraient probablement passé inaperçues.

      Notre loi céréale séduit beaucoup d'esprits par son air de bonhomie et d'impartialité.

      Quoi de plus simple! Y a-t-il abondance? La porte d'entrée se ferme d'elle-même et l'agriculteur n'est pas ruiné. – Y a-t-il disette? La porte s'ouvre naturellement, et le consommateur n'est pas affamé. Ainsi un niveau salutaire est toujours maintenu par une loi si prévoyante, et personne n'a à se plaindre.

      Mais, dans l'application, ce nivellement si désiré rencontre des difficultés qu'on n'avait pas prévues et qu'on n'a pas assez étudiées. D'abord, comment se reconnaît l'abondance ou la disette? par le prix. Et comment signifier à la douane, à chaque instant donné, le prix réel, afin qu'elle sache si elle doit renforcer ou relâcher ses exigences? Évidemment cela n'est pas possible. Ce n'est donc jamais le prix réel qui sert de règle, mais un prix ancien, fictif, résultat de moyennes fort difficiles à constater, en sorte que l'action de la loi n'a de relations qu'avec un état de choses passé, que l'on suppose fort gratuitement durer encore quand elle opère.

      Nous ne parlerons pas ici des zones qu'il a fallu créer, des marchés qu'il a fallu prendre pour types, des prix régulateurs, des prix moyens, des relations entre le prix du froment et celui des autres grains, toutes choses qui ne constituent qu'une série de fictions, modifiées par d'autres fictions, le tout érigé chaque mois en corps de système.

      Et voilà sur quelles bases on veut que le commerce établisse ses opérations! Le commerce a bien assez des chances que lui présentent les variations naturelles des prix, sans s'exposer à toutes celles qui résultent de ces combinaisons factices. Quand on fait venir du blé, on consent à s'exposer à perdre sur la vente, mais non à ce que la vente elle-même soit défendue au moment de l'arrivage. Ainsi, dans l'état actuel des choses, il n'y a aucune régularité dans les opérations commerciales relatives au blé, et, par conséquent, aucune fixité dans le taux de la subsistance.

      La question est de savoir si, avec une entière liberté d'importation et d'exportation, on n'approcherait pas plus sûrement de ce nivellement si recherché, de cette régularité des prix si précieuse.

      Supposons que la liberté commerciale fût le droit des nations, et cherchons à nous rendre compte de ce qui serait arrivé cette année.

      Certes, nous ne dirons pas qu'il n'y eût pas eu une crise des subsistances. Sous quelque régime que ce soit, la perte d'une récolte ne saurait être une chose indifférente. Il aurait fallu, pour vivre, avoir recours aux blés étrangers et, par conséquent, les payer. Il y aurait donc eu probablement un dérangement dans l'alimentation du peuple, et un dérangement corrélatif dans la circulation monétaire.

      Mais combien l'une et l'autre de ces crises n'eussent-elles pas été adoucies et affaiblies!

      Dès les premiers symptômes du déficit de la récolte, la spéculation eût commencé son œuvre. Elle aurait préparé ses moyens dans tous nos ports de l'Océan et de la Méditerranée. On n'aurait pas vu des grains devant être consommés à Bayonne aller se dénationaliser à Gênes et acquitter les droits à Cherbourg. On aurait fait des achats considérables dans la mer Noire, dans la Baltique, aux États-Unis, en temps opportun. Ces approvisionnements se seraient présentés, par arrivages successifs, dans chacun de nos ports et en proportion du besoin qui s'y serait manifesté. Les moyens de transport pour l'intérieur se seraient organisés avec ensemble. On n'aurait pas vu des masses énormes arriver le même jour, sans savoir comment se faire interner, mais soumises à une hâte fiévreuse par la crainte

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<p>16</p>

V. au tome IV, le chap. XXI, page 105.

(Note de l'éditeur.)