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elle regardoit ce bien â elle appartenant, comme un bien de petit rapport & de peu de valeur, car son mari craignoit qu'elle même ne s'en privât,

Quasi hircum metuo ne uxor me castret mea

      Les Adultéres étoient faits Eunuques pour peine de leur crime; je pourrois le faire voir par plusieurs éxemples, mais j'en rapporterai trois seulement qui sont précis, l'un sera tiré de Valére Maxime39, il y est dit que Vibienus & Publius Cernius ayant surpris l'un Carbo Accienus, & l'autre Pontius en adultére ils les firent châtrer; L'autre est contenu dans Martial,40

      Uxorem armati futuis, puer Hyle, Tribuni,

      Supplicium tantum dum puerile times.

      Væ tibi, dum ludis, castrabere. Jam mihi dices,

      Non licet hoc. Quid, tu quod facis Hyle licet?

      Le troisiéme & le principal est l'éxemple d'Abelard; ce Docteur amoureux ayant abusé d'Héloïse qu'on lui avoit donnée à instruire, les parens de cette fille lui firent couper les parties viriles avec lesquelles il avoit deshonoré leur famille; Ils allérent jusqu'à la racine du mal & l'arrachérent de telle forte qu'ils ôtérent au coupable le pouvoir de la rechute.41

      Cela étoit passé en loi parmi les Gaulois. La Loi Salique tit. 29. de Adult. Ancillor. porte cette décision servus qui cum aliena ancilla mœchatus fuerit, ea mortua, castretur. On peut dire aussi que cela étoit fondé sur cette loi de l'équité, qui dit que la peine doit être infligée à celui des membres du corps qui a été l'instrument, ou le complice du crime.42Job raisonnoit sur ce principe lors qu'il disoit, si j'ai levé la main sur le Peuple, &c. que mon épaule tombe étant desunïe de la jointure, & que mon bras se brise avec tous ses os.

      On faisoit aussi Eunuques les Esclaves qui avoient dérobé; voici les termes de la même Loi Salique. Tit. 13. de furt. servor servi qui quidpiam valens quadraginta denarios furati essent, castrari Jubebantur in pœnam, &c.

      La nécessité contraint aussi quelquefois de faire des Eunuques; Il se trouve souvent des hommes attaquez de tels maux que le Médecin est obligé d'ordonner cette opération, & le Chirurgien de la faire. La maladie est la cause de ce malheur, & bien loin que ceux qui ont ce sujet d'affliction doivent être regardez de mauvais œil, ils doivent au contraire être plaints & consolez.

      On a fait des Eunuques par représailles & en vertu de la Loi du Talion.43Herodote nous l'apprend d'une maniére fort agréable par un éxemple curieux; «Hermotime Pedasien qui étoit, dit-il, le plus considérable des Eunuques de Xerxes, fut de tous les hommes celui qui se vengea le mieux de l'injure qui lui avoit été faite. Après avoir été pris il fût vendu à Panione de l'Isle de Chio qui faisoit négoce d'Eunuques, & qui faisoit châtrer tous les beaux garçons qu'il achetoit pour les vendre ensuite bien chérement à Sardis & à Ephese; parce que parmi les Barbares on estimoit plus les Eunuques que les autres, à cause de leur fidélité & de la confiance qu'on pouvoit prendre en eux pour toutes choses; Comme, dis-je, ce Panione à qui Hermotime fut vendu, vivoit de l'infame commerce qu'il faisoit des Eunuques, il fit couper Hermotime de même que plusieurs autres: Mais Hermotime ne fut pas malheureux à tous égards, car ayant été mené de Sardis au Roi avec d'autres présens, il aquit avec le tems plus de faveur & de crédit auprès du Roi que pas un des autres Eunuques: Lors que le Roi fit partir ses troupes de Sardis pour aller à Athenes, Hermotime fut envoyé pour quelque affaire dans un endroit de la Mysie nommé Atarne, où il trouva Panione, qu'il reconnut, & l'ayant abordé il lui parla avec toute sorte de douceur, d'honnêteté & de témoignage d'amitié; Il lui dit premiérement qu'il possédoit par son moyen tous les biens qui lui étoient arrivez, & ensuite il lui promit de lui donner des marques de reconnoissance pour ce bienfait, s'il vouloit venir avec les siens, demeurer dans sa maison; Panione se laissa persuader par ce discours & amena librement sa femme & ses enfans chez Hermotime; Mais il n'y fut pas si-tôt arrivé qu'Hermotime lui parla en ces termes, Oh le plus méchant de tous les hommes qui as jusqu'à présent gagné ta vie du plus détestable de tous les commerces. Quelle injure as tu reçûë, toi ou ceux de ta maison, ou de mes parens, pour m'avoir réduit en ce misérable état dans lequel, d'homme que j'étois je ne suis maintenant ni homme, ni femme? Pensois tu que les Dieux ne vissent pas ce que tu faisois alors? Comme ils sont justes & équitables, infame artisan de malheurs, ils t'ont mis aujourd'hui en ma puissance pour mesurer ton châtiment par tes mauvaises actions. Quand il eut fait ces reproches à ce misérable, il fit amener devant lui quatre enfans qu'il avoit, & le contraignit de les châtrer; Et quand il eut obéi il obligea ses enfans de couper eux-mêmes les parties de leur Pére. Telle fut la vengeance d'Hermotime & telle fut la punition de Panione.» Quelques-uns ont crû qu'il les avoit poussez trop loin & qu'il s'étoit fait justice à lui même. La vengeance de Narses fut bien plus importante présupposé qu'elle soit véritable, car Baronius & plusieurs Auteurs en doutent. Narses ayant vaincu les Barbares & les Gots, & s'étant rendu auprès de l'Empereur Justinien, l'Impératrice Sophie envoya ce Capitaine parmi ses femmes pour filer avec elles, & pour se railler de lui parce qu'il étoit Eunuque. Ce mépris ayant excité la colére & l'indignation de Narses l'obligea à dire ces mots, Je filerai une trame que ton mari ne saura défaire. En effet, dans la suite il mit les Lombards hors de la Jurisdiction de l'Empire. D'ailleurs, j'avouë que je ne vois rien de plus juste que le ressentiment d'Hermotime, & que la peine que méritoit Panione, non seulement pour l'avoir châtré, mais pour en avoir châtré un million d'autres pour satisfaire à son commerce & à son avarice, ne pouvoit être trop grande. Hermotime étoit fondé en Loi; la Loi du Talion a toûjours été établie, on la voit dans la Loi des douze Tables en termes précis,44pœna autem injuriarum ex lege duodecim Tabularum propter membrum quidem ruptum Talio erat. L'Empereur Justinien a ordonné depuis positivement la peine du Talion, ou de la pareille, contre ceux qui feroient souffrir cette espéce de martire;45 Sancimus igitur, dit-il, ut qui in quocunque reipublicæ nostræ loco, quamcumque personam castrare præsumunt aut etiam præsumpserint, si quidem viri sint qui hoc facere præsumpserint aut etiam præsumunt, idem hoc quod aliis feceruns & ipsi patiantur. Cette Loi est conforme à la droite raison; car comme dit Ovide,46

      Qui primus pueris genitalia membra recidit,

      Vulnera quæ fecit, debuit ipse pati.

      Cependant, comme le Christianisme n'approuve point l'Eunuchisme, la Loi du Talion a été abrogée à son égard par l'Empereur Leon, pour les raisons sages & Chrétiennes qu'il en rend dans sa Constitution47;

      Il y a enfin des Eunuques qui se sont faits, ou fait faire Eunuques eux mêmes par divers motifs que nous allons rapporter dans le chapitre suivant.

      CHAPITRE VI

Pourquoi quelques hommes se sont faits eux-mêmes, ou fait faire Eunuques par d'autres

       IL y a eu des hommes qui se sont faits Eunuques par un esprit de dévotion, dans la pensée de se rendre plus agréables à Dieu, & plus capables de travailler à leur salut. Comme Origéne a été le premier, le Pére pour le dire ainsi, & le Patriarche de ces sortes d'Eunuques, il est bon de faire voir en peu de mots le véritable motif qui l'a fait penser & agir d'une maniére si singuliére à cet égard. Je sçai bien que Justin Martyr48 parle d'un jeune homme d'Aléxandrie antérieur à Origéne, qui pour faire voir que ceux qui accusoient les Chrêtiens de commettre dans leurs Assemblées des saletez horribles, n'étoient que des calomniateurs, présenta requête à Felix, Gouverneur de cette Ville, pour obtenir de lui un Chirurgien qui le mit hors d'état d'être jamais soupçonné d'aucune impureté; Mais comme Felix le lui refusa parce que les lois Romaines le deffendoient, comme les Canons de l'Eglise le deffendirent depuis, je crois

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<p>39</p>

Liv. 6. ch. 1. art. 13.

<p>40</p>

Liv. 2. Epigr. 60.

<p>41</p>

Voyez cette Histoire dans le Diction. Histor. & Crit. de Mr. Bayle. Les Articles Abelard, Heloïse, Foulques & Paraclet.

<p>42</p>

Ch. 31. V. 21, 22.

<p>43</p>

Herodote liv. 8.

<p>44</p>

Instit. lib. 4. tit. 4. de Injuriis. § 7.

<p>45</p>

Novell. 42. ch. 1.

<p>46</p>

Amor. lib. 2. Eleg. 3. V. 3. & 4.

<p>47</p>

Novell. 60.

<p>48</p>

Apol. 2. pag. 71. adressée à l'Empereur Antonin.