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leur Chef ne prissent point le pretexte de vouloir un Roi, pour mettre son fils sur le Trône à son préjudice;14D'autres peu éloignez de cette opinion disent, que son fils étant de sa taille, & ayant la voix semblable à la sienne, elle se déguisa en homme, & fit accroire, afin de regner, qu'elle étoit le fils de Ninus, & non pas sa veuve. Et d'autres disent15 qu'ayant eu avis dans le tems qu'elle se coiffoir, que Babilone s'étoit révoltée, elle courut en diligence, les cheveux à demi épars, pour la forcer à se rendre à elle, & qu'elle ne remit point sa tête dans son ordre accoûtumé qu'elle n'eût remis cette puissante Ville sous son pouvoir; Que pour cela sa statuë fut honorablement élevée à Babylone au même état qu'elle se trouva quand elle marcha vers ce lieu d'un pas précipité pour tirer vangeance de ses Sujets rebelles; ces cheveux épars joints à la robe qu'elle avait prise la travestissoient d'autant plus en homme.

      Diodore de Sicile rapporte une autre circonstance qui est considérable; Il dit que cette Reine élevée d'une condition basse au comble de la grandeur, se plongea dans toute sorte de délices, qu'elle fit choisir les hommes les mieux faits & les plus beaux de son Armée pour s'en servir, mais qu'elle fit mourir tous ceux qu'elle avoit reçûs dans son lit. Il y a plus d'apparence qu'elle les fit Eunuques par un effet d'une jalousie assez ordinaire, de peur qu'après avoir eu d'elle les plus grandes faveurs ils n'allassent s'attacher à quelqu'autre femme; Diodore de Sicile ne le dit point; mais comme il parle après Cresias, ainsi qu'il l'avouë lui même, & que Cresias est un Historien,16qui non content d'abuser ceux de son siécle, a voulu faire passer ses fables à la postérité, on ne peut pas ajoûter beaucoup de foi à ce qu'il dit, ni accuser de fausseté ce qu'il obmet. Semiramis donc peut passer pour la première qui ait fait faire des Eunuques; Vossius17 croit que les Perses sont les Inventeurs de cette méchante & détestable coûtume, & que le mot Latin, spado qui comprend diverses sortes d'Eunuques, tire son nom d'un Village de Perse nommé Spada, où il prétend que la premiére éxécution de cette nature a été faite. Il fortifie son sentiment de ceux de quelques Sçavans du premier ordre qu'il nomme. Je ne veux point me rendre juge entre des hommes si célébres qui ont les uns & les autres des opinions si probables, & dont la certitude est si difficile à trouver. Non nostrum inter hos tantas componere lites, & vitulo hi digni & illi. Je dirai seulement que le premier Eunuque dont l'Ecriture Sainte fasse mention & dont il ne soit absolument parlé nulle part ailleurs,18est Putiphar qui acheta Joseph des mains des Madianites; encore verra-t-on dans la suite que ce nom d'Eunuque n'étoit point nouveau dès lors, puis qu'il étoit devenu un nom de Charge & de Dignité; Cependant ce Putiphar acheta Joseph l'an du monde deux mille deux cent septante-six, c'est à dire mille sept cent soixante & dix huit ans avant l'Incarnation de Jesus Christ; Et Cyrus n'a commencé à régner sur les Perses que l'an du Monde trois mille quatre cent vingt & un; C'est à dire qu'on parloit d'Eunuques avant qu'on parlât des Perses, & qu'il n'est pas possible qu'ils soient les péres de ces sortes de gens, parce que si cela étoit la proposition filius ante patrem, qui passe pour monstreuese, seroit pourtant véritable; ce qu'on ne peut pas dire à l'égard de Semiramis qui regnoit sur les Assiriens l'an du monde mille huit cent vingt-six, long tems avant que Putiphar fût né. Quoi qu'il en soit les Perses, les Médes, & les Assyriens ont été de tous les Peuples ceux qui se sont le plus servis d'Eunuques. Et on remarque19 que Nabucodonosor faisoit couper tous les Juifs & tous les autres prisonniers de guerre, afin de n'avoir que des Eunuques à son service particulier.20Et c'est peut-être ce qui a donné lieu à conjecturer que les Perses étoient les inventeurs de l'Eunuchisme.

      CHAPITRE II

Ce que c'est qu'un Eunuque

       LUcien en donne une définition fort courte dans son Dialogue des Eunuques. Il dit qu'il n'est ni mâle, ni femelle, & qu'il est un prodige dans la Nature. Mais elle est trop générale, il en faut une plus éxacte & qui le fasse connoître plus particuliérement & plus sûrement. Un Eunuque donc, est une personne qui n'a pas la faculté d'engendrer, par la foiblesse, ou par la froideur de la nature, ou à qui on a retranché les parties propres à la génération; Qui generare non possunt, comme s'exprime la Loi21; Qui ont une voix grêle & languissante, la complexion d'une femme, qui n'ont que du poil folet à la barbe; En qui le courage & la hardiesse cedent à la crainte & à la timidité; En un mot, dont les mœurs & les maniéres sont toutes efféminées. Si l'Eunuque est un sujet si chétif & si méprisable à l'égard du corps, il vaut encore moins du côté de l'esprit & du cœur. Voici le portrait que St. Basile en a fait autrefois22. Simplicie femme entêtée de l'Hérésie Arrienne s'étoit mêlée de faire des remontrances à ce St. Homme sur sa conduite & sur ses mœurs; Il se justifie & prend à témoin toutes les personnes qui le connoissent, excepté quelques Eunuques qu'il récuse, & dont il fait une peinture affreuse; «S'il est besoin de témoins, dit-il, qu'on ne me produise point d'esclaves ni de misérables Eunuques, gens abominables & sans honneur, qui ne sont ni hommes ni femmes, que l'amour du séxe rend comme furieux; Ils sont jaloux, méprisables, féroces, efféminez, gourmands, avares, cruels, inconstans, soupçonneux, furieux, insatiables. Ils pleurent quand on les prive d'un repas, & pour tout dire en un mot ils sont condamnez au fer dès leur naissance, des gens estropiez de la sorte peuvent-ils avoir l'ame droite? Le fer les rend chastes, mais cette chasteté ne leur sert de rien, leur turpitude les rend furieux, & ils n'en remportent aucun fruit. Peut-être que cette description paroîtra trop satirique & trop outrée, & qu'elle sera suspecte, parce qu'elle est faite par un homme en colere; Mais voici le témoignage d'un homme desintéressé, qui non seulement la confirme & l'autorise, mais même qui y ajoûte de nouveaux traits qui rendent les Eunuques encore plus hideux; c'est Ammian Marcellin qui parle, qui dépose contr'eux, & qui dit,23«Que quand Numa Pompilius & Socrate diroient du bien d'un Eunuque, on ne les en croiroit pas, & qu'on les accuseroit de mensonge. Ea re quod si Numa Pompilius vel Socrates bona quædam dicerent de Spadone, dictisque Religionum adderent fidem, à veritate descivisse arguerentur. Il est vrai que sur la fin du même Chapitre il excepte Menophile Eunuque de Mithridate Roi de Pont, dont il parle avantageusement. Il y en a bien encore quelques autres qui ont été dignes de louanges, comme un Favorinus Mordonius, un Eutherius Eunuque de l'Empereur Constans, & depuis de Julien l'Apostat; Un Hermias à qui Aristote sacrifioit comme à un Dieu; sur tout Daniel & ses Compagnons, si tant est qu'ils ayent été Eunuques, comme quelques Interprétes de l'Ecriture Sainte le croyent; Mais le nombre en a été si petit, qu'il n'est pas capable de donner atteinte à l'opinion générale qu'on en donne. L'on peut dire qu'il est des Eunuques comme des Bâtards, qu'ils sont ordinairement mauvais, mais qu'il s'en trouve quelque fois de bons, & comme dit Ammian Marcellin,24Inter Vepres rosæ nascuntur, & inter feras nonnullæ mitescunt.

      Theodore, Précepteur de l'Empereur Constantin Porphirogenite, s'est avisé, par un dessein singulier & bizarre, d'écrire une Apologie, pro Eunuchismo & Eunuchis, mais on regarde cet Ouvrage de la même maniére qu'on regarde l'Eloge de Busiris par Isocrate, celui de Néron, & celui de la Goutte par Cardan; Celui de la pauvreté par Synesius; celui de l'aveuglement par Passerat; Celui de la laideur & de la fiévre quarte, par Favorin; Celui de la peste par Prævidelli; celui de la guerre par Balth. Schuppius; Celui de l'injustice par Glaucon; celui de la folie par Erasme; celui de la Goinfrerie par Lucien; celui de l'Asne & celui de la Vermine par Heinsius, celui du rien & du néant par Schuppius, par Passerat, & par Duverdier le jeune; Et la magnifique Doxologie du fêtu par Sébastien Rouillard. Ces gens là ont entrepris de louer ce que toute la terre méprise & blâme, s'imaginant que cette singularité exciteroit la curiosité & l'admiration des lecteurs. Mais tous ces livres n'ont point rendu les sujets qu'ils ont traitez plus louables, ni plus légitimes; Et celui qui a pour titre de Multibibus

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<p>14</p>

St. Remuald. Thresor Chronol. & Histor. fol. tom. 1. pag. 79.

<p>15</p>

Valere Maxime liv. 9, ch. 3. art. 13.

<p>16</p>

Lucien dans son dialogue Intitulé le menteur ou l'Incredule.

<p>17</p>

Etymologicon Linguæ Latinæ.

<p>18</p>

Genese Ch. 37. V. 36.

<p>19</p>

Joseph. Antiq. Judaic. liv. X. ch. 16.

<p>20</p>

St. August de civit. Dei. tom. 1. pag. 603.

<p>21</p>

L. 2. §. 1. ff. de Adoptionibus.

<p>22</p>

Lettre 117. dans la traduction que Mr. l'Abbé de Bellegarde a faite des Epitres de S. Basile.

<p>23</p>

Lib. 16. cap. 7.

<p>24</p>

Lib. 16. cap. 7.