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indécemment encore.

      46. Le missel (c'était le missel de famille) était aussi orné d'espèces de grotesques enluminés, tels qu'on en trouve dans beaucoup de vieux livres de messe. D'expliquer comment, après avoir jeté les yeux sur ces figures qui se caressent toujours, il est possible de les reporter sur le texte et les prières, c'est plus que je ne saurais faire. – Au reste, la mère de Don Juan garda ce livre pour elle, et en donna un autre à son fils.

      47. Il lisait des sermons, et supportait des lectures d'homélies et des vies de tous les saints. Endurci à Chrysostôme et à Jérôme, il ne trouvait pas ces études trop rigoureuses: mais pour acquérir et fortifier la foi, rien, dans ce que nous venons de désigner, n'est comparable à saint Augustin qui, dans ses belles Confessions, fait envier au lecteur ses égaremens.

      48. Ce fut encore pour le petit Juan un livre défendu. – Je ne puis qu'approuver en cela sa maman, s'il est vrai que ce système d'éducation soit le seul convenable. Elle le quittait à peine des yeux; ses femmes étaient vieilles, ou si elle en prenait une jeune, c'était, soyez-en sûr, un véritable épouvantail. Elle en agissait déjà ainsi du vivant de son mari, et je le recommande à toutes les épouses.

      49. Le jeune Juan croissait en grâces et en vertus; charmant à six ans, il promettait à onze d'avoir les plus beaux traits que pût désirer un adolescent. Il étudiait avec ardeur, apprenait facilement, et semblait être en tout sur le chemin du Paradis, car il passait la moitié de son tems à l'église, l'autre avec ses maîtres, son confesseur et sa mère.

      50. J'ai dit qu'à six ans c'était un enfant charmant; à douze il était aussi beau, mais plus calme: dans sa première enfance il avait été un peu sauvage, mais il s'était adouci au milieu d'eux, et leurs efforts pour étouffer son premier naturel avaient été couronnés de succès; du moins tout portait à le croire. Le bonheur de sa mère, c'était de vanter la sagesse, la douceur et l'assurance de son jeune philosophe.

      51. J'avais bien mes doutes, et peut-être les ai-je encore; mais ce que je dis n'est pas fondé. Je connaissais son père, et je juge assez bien les caractères; – mais il ne convient pas d'augurer bien ou mal du fils par le père; lui et sa femme étaient un couple mal assorti, – mais le scandale m'est odieux; – je me déclare contre tous ceux qui médisent, même en riant.

      52. Pour ma part, je ne dis rien. – Rien; – mais je pourrais dire, – telle est ma manière de voir, – que, si j'avais un fils unique à élever (grâces à Dieu, je n'en ai pas), ce n'est pas avec Donna Inès que je le renfermerais pour apprendre son catéchisme. – Non, – non, – je l'enverrais au collége, car c'est là que j'ai appris ce que je sais.

      53. C'est là qu'on apprend – je n'ai pas sujet de m'en glorifier, quoi que j'y aie acquis, – mais passons sur cela, comme sur tout le grec que depuis j'ai perdu; c'est donc le lieu, dis-je, – mais. Verbum sat. Je crois que je me suis trop livré comme bien d'autres à cette espèce d'étude. – N'importe laquelle. Je ne fus jamais marié; – mais il me semble que ce n'est pas ainsi qu'il faut élever les enfans.

      54. Le jeune Juan, à l'âge de seize ans, était grand, beau, svelte; mais bien neuf. Il paraissait actif, mais non pas sémillant comme un page. Tout le monde, excepté sa mère, le prenait pour un homme; mais Inès devenait furieuse, et se mordait les lèvres pour ne pas éclater avec violence, si quelqu'un venait à le lui dire. Car elle ne pouvait s'empêcher de voir dans la précocité quelque chose d'atroce.

      55. Parmi ses nombreuses connaissances, toutes distinguées par leur modestie et leur dévotion, se trouvait Donna Julia. En disant qu'elle était jolie, j'offrirais l'idée bien faible d'une foule de charmes qui lui étaient aussi naturels qu'aux fleurs le parfum, le sel à l'Océan, la ceinture à Vénus et l'arc à Cupidon (mais, cette dernière comparaison est fade et usée).

      56. Le jais oriental de ses yeux rappelait son origine mauresque (son sang n'était pas purement espagnol, et vous savez que dans ce pays c'est une espèce de crime). Lorsque tomba la fière Grenade, et que Boabdil gémit d'être forcé de fuir, quelques-uns des ancêtres de Julia passèrent en Afrique, d'autres restèrent en Espagne, et son archi-grand'mère préféra ce dernier parti.

      57. Alors elle épousa (j'oubliais sa généalogie) un hidalgo qui, par cette union, altéra le noble sang qu'il transmit à ses enfans. Ses pères auraient frémi de cette alliance; car, sur ce point, tels étaient leurs scrupules qu'ils se reproduisaient ordinairement en famille, et qu'on les voyait, à chaque degré, épouser leurs cousins, leurs oncles ou leurs nièces; épuisant ainsi leur sang à mesure qu'ils en étendaient les rameaux.

      58. Cette païenne conjonction renouvela la vie et embellit les traits de ceux dont elle flétrissait le sang. De la souche la plus laide de l'Espagne sortit tout-à-coup une génération pleine de charmes et de fraîcheur. Les fils n'étaient plus rabougris, ni les filles plates: mais la rumeur publique (j'espère bien la faire cesser) assure que la grand'mère de Donna Julia dut à l'amour plutôt qu'à l'hyménée les héritiers de son mari.

      59. Quoi qu'il en puisse être, cette famille alla toujours en embellissant jusqu'à ce qu'elle se concentra dans un seul fils qui laissa une fille unique. Mon récit sans doute a déjà fait deviner que cette fille unique ne peut être que Julia (dont je vais avoir l'occasion de parler long-tems). Elle était mariée, charmante, chaste, et âgée de vingt-trois ans.

      60. Ses yeux (je suis fou des beaux yeux) étaient grands et noirs: elle en adoucissait la vivacité lorsqu'elle était silencieuse; mais quand elle parlait il y avait dans leur expression, en dépit de ses charmans efforts, plus de noblesse que de courroux et plus d'amour que de tout autre chose. On découvrait sous ses paupières un sentiment qui n'était pas le désir, mais peut-être le serait-il devenu si son ame, en se peignant dans ses yeux, ne les eût ainsi rendus le siége de la chasteté.

      61. Ses cheveux polis étaient rassemblés sur un front brillant de génie, de douceur et de beauté; l'arc de ses sourcils semblait modelé sur celui d'Iris; ses joues, colorées par les rayons de la jeunesse, avaient quelquefois un éclat transparent, comme si dans ses veines eût circulé un fluide lumineux. En un mot, elle était douée d'une figure et d'une grâce vraiment singulières. Sa taille était élevée. – Je hais les femmes exiguës.

      62. Elle était mariée depuis quelques années, et à un homme de cinquante ans: de tels maris il en est à foison. Pourtant, à mon avis, au lieu d'un semblable, il serait mieux d'en avoir deux de vingt-cinq, surtout dans les contrées plus rapprochées du soleil; et, maintenant que j'y pense, mi viene in mente, les femmes, même de la plus farouche vertu, préfèrent toujours un mari qui n'a pas atteint trente ans.

      63. Il est bien déplorable, je ne puis le dissimuler (et c'est entièrement la faute de ce soleil libertin, qui s'attache à notre faible matière, et la fait brûler, rôtir et bouillir), qu'en dépit des jeûnes et des prières, la chair soit fragile, et l'ame si facile à abuser. Dans les climats brûlans il y a bien plus d'exemples de ce que les hommes appellent galanterie, et les dieux adultère.

      64. Heureux les peuples du moral septentrion! Là, tout est vertu, et la saison des frimas n'y montre le péché que sous un vêtement de glace. (C'était la neige qui mettait saint Antoine à la raison.) Là, les jurys calculent le prix d'une femme, fixent comme ils l'entendent le montant de l'amende que doit payer son amant; car c'est là un vice évaluable28.

      65. Alphonso, c'était le nom du mari de Julia, était un homme encore de bonne mine, et qui, sans être fort chéri, n'était pas non plus détesté. Ils vivaient ensemble comme le plus grand nombre, supportant d'un commun accord leurs mutuels défauts, et n'étant exactement ni un ni deux. Cependant, Alphonso était jaloux, mais il se gardait de le paraître; car la jalousie tremble toujours qu'on ne la reconnaisse.

      66. Julia était, – je n'ai jamais su pourquoi, – l'amie intime de Donna Inès. Il y avait peu de rapports dans leurs goûts, car Julia n'avait jamais écrit une ligne. Aucuns disent (sans doute ils mentent, car la méchanceté veut tout expliquer) qu'Inès, avant le mariage de Don Alphonse, avait oublié avec lui quelque chose de sa vertu habituelle;

      67. Et

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<p>28</p>

On sait qu'en Angleterre les délits contre la pudeur, les adultères et les viols, sont soumis à des amendes pécuniaires, énormes il est vrai, mais qui entraînent la prison dans les cas seulement où le coupable se trouve dans l'impossibilité de les acquitter.