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la force de l'âge mettaient à profit, pour essayer de recouvrer leur liberté, leurs admirables qualités d'énergie et de courage. Évadé plusieurs fois, J. de Bonnefoux ne réussit pas à passer la Manche. Chacune de ses évasions aboutissait à dix jours de cachot noir.

      Le ministre des États-Unis en Angleterre parvint enfin à le faire sortir du Bahama. Ce diplomate gardait à M. Casimir de Bonnefoux, préfet maritime à Boulogne depuis 1803, une vive reconnaissance pour l'accueil qu'il avait trouvé chez lui. Il la lui témoigna en intervenant auprès du Gouvernement anglais dans l'intérêt de son cousin.

      Depuis vingt-huit mois, J. de Bonnefoux se trouvait donc, au cautionnement de Lichfield, résigné à son sort et continuant avec méthode ses études, lorsqu'un contrebandier anglais vint lui remettre une lettre du préfet maritime, par laquelle ce dernier lui apprenait son échange en mer contre un officier anglais. M. Casimir de Bonnefoux engageait son cousin, gardé injustement, à se confier au contrebandier, qui le conduirait à Boulogne. Le jeune officier hésitait, retenu, malgré tout, par des scrupules de conscience. Il se décida cependant à fuir après avoir exposé ses raisons dans une lettre au Bureau des prisonniers et déclaré que, s'il réussissait, il se considérerait en France comme prisonnier sur parole.

      À la suite d'une émouvante traversée, le bateau du contrebandier entrait dans le port de Boulogne, le 28 novembre 1811. Après huit ans d'absence, J. de Bonnefoux revoyait sa patrie et ses parents, son père très âgé, retiré à Marmande, et une sœur tendrement aimée, qui devint depuis la baronne de Polhes, mère de deux brillants soldats, le général de division baron de Polhes, le combattant d'Afrique, de Crimée, de Mentana, et le colonel de Polhes, qui se distingua pendant la campagne d'Italie et au siège de Strasbourg en 1870. Lieutenant de vaisseau depuis le 11 juillet, alors qu'il était encore en Angleterre, il devait ce traitement de faveur au rapport du commandant Bruillac sur le dernier combat de la Belle-Poule. Hélas! Laurent de Bonnefoux avait été moins heureux. Lui aussi s'était distingué dans ce combat. Proposé pour le grade d'enseigne de vaisseau avec de grands éloges, il resta aspirant de seconde classe jusqu'à la paix, époque où il fut licencié. Échangé en mer comme son frère, il suivit lui aussi le contrebandier venu de la part du préfet maritime; seulement le sort ne le favorisa pas, et il échoua dans sa tentative d'évasion.

      Lieutenant de vaisseau, se considérant comme prisonnier sur parole, J. de Bonnefoux servit dans les ports de la fin de 1811 à 1814, en qualité d'adjudant (aide de camp) de son cousin, créé baron de l'Empire en 1809 et nommé en 1812 préfet maritime de Rochefort.

      La paix et la première Restauration lui ouvrirent des perspectives nouvelles. Sur le point d'être nommé capitaine de frégate et d'obtenir le commandement de la Lionne, il espérait regagner le temps perdu, lorsque le retour de l'île d'Elbe vint encore une fois bouleverser sa vie. Se tenant à l'écart pendant les Cent Jours, il assista au passage de Napoléon à Rochefort, et le vit de près, à la préfecture maritime. L'empereur parti sur le Bellérophon, le Gouvernement de la seconde Restauration destitua le baron de Bonnefoux, dont on ne comprit pas la conduite parfaitement digne et empreinte du patriotisme le plus pur. La disgrâce du préfet rejaillit sur son cousin, le malheureux lieutenant de vaisseau, qui fut mis en réforme sans aucun motif.

      Cette fois, toute espérance paraissait perdue, et J. de Bonnefoux songeait à obtenir le commandement d'un navire de commerce dans les mers de l'Inde. Il avait épousé, en 1814, une belle et charmante jeune fille qu'il adorait, Mlle Pauline Lormanne, dont le père, le colonel Lormanne, directeur d'artillerie à Rochefort, se vit, lui aussi, enlever sa situation en 1815. Néanmoins, grâce à sa prompte remise en activité et à la naissance de son fils Léon, en 1816, le jeune officier reprenait courage, lorsqu'une nouvelle catastrophe l'atteignit. Au commencement de 1817, sa femme mourait à l'âge de dix-neuf ans, le laissant veuf avec un enfant de quelques mois. À défaut de son père, qu'il avait perdu en 1814, J. de Bonnefoux alla chercher quelque consolation à sa profonde douleur auprès de son cousin, l'ancien préfet maritime retiré à la campagne, dans le voisinage de Marmande. Plus tard, sur les conseils de cet affectueux parent, il se décida à donner une nouvelle mère à son fils et épousa en secondes noces Mlle Nelly La Blancherie, fille d'un officier de Marine mort jeune. De cette union, qui fit le bonheur de sa vie, naquit une fille, Mlle Nelly de Bonnefoux, plus tard Mme Pâris.

      Les armements cependant étaient très rares; au lieu de la navigation incessante des premières années de sa carrière, J. de Bonnefoux dut se résigner à la vie monotone des ports. Heureuses encore les circonstances qui le firent attacher pendant quatre ans sans interruption, de 1816 à 1820, en qualité de chef de brigade, à la 3e compagnie des élèves de la Marine, au port de Rochefort! car ces fonctions lui permirent de commencer la série de ses publications, joie et honneur de sa vieillesse. Elles révélèrent en outre chez lui des qualités éminentes destinées à s'affirmer plus tard avec éclat, et elles donnèrent une direction nouvelle à sa vie. Comme le dit en excellents termes M. le comte de Circourt dans la Notice déjà citée: «M. de Bonnefoux était éminemment propre à gouverner et instruire les jeunes gens destinés à la Marine. Il connaissait le prix de la direction, il avait eu le bonheur de rencontrer à plusieurs reprises des hommes capables qui la lui avaient fait subir avec profit; il savait la donner et la faire accepter; son esprit réfléchi l'avait dès longtemps habitué à coordonner ses observations et à les résumer en une théorie. Son caractère était affectueux, juste, patient et ferme.»

      On le conçoit cependant, J. de Bonnefoux ne renonça pas sans regret ni sans lutte à cette vie active du marin, qu'il avait tant aimée. Décoré, en 1818, de la croix de Saint-Louis, portée par son grand'père, son père et tous les siens et à laquelle il attachait un grand prix, il obtint enfin, en 1821, le commandement de la goëlette la Provençale et de la station de la Guyane. Ses ambitions d'autrefois lui revinrent alors. Pendant cette campagne de deux ans, il déploya une grande habileté de marin et se montra hydrographe actif et expérimenté. Le Ministère de la Marine publia plus tard ses travaux d'hydrographie sous le titre de Guide pour la navigation de la Guyane. Observateur perspicace, il aborda enfin le problème colonial et développa à son retour, au Directeur des Colonies, un plan d'abolition progressive de l'esclavage, qui méritait l'attention des pouvoirs publics. Fort du devoir accompli, chaleureusement appuyé par le capitaine de vaisseau de Laussat, ancien gouverneur de la Guyane, M. de Bonnefoux se rendit à Paris aussitôt après son retour en France, ne doutant pas que le grade de capitaine de frégate fût la juste récompense de ses efforts. Hélas! cette fois encore, une déception l'attendait, et M. de Clermont-Tonnerre, ministre de la Marine, ne le comprit pas dans la grande promotion parue à cette époque. Ayant obtenu la décoration de la Légion d'honneur, pour laquelle le commandant Bruillac le proposait déjà en 1806, à la suite du dernier combat de la Belle-Poule, il dut revenir encore une fois au port de Rochefort, à la 3e compagnie des élèves de la Marine, et devint seulement, un an plus tard, le 4 août 1824, capitaine de frégate à l'ancienneté.

      Après tant de traverses, M. de Bonnefoux méritait, on l'avouera, un dédommagement. Rencontrant à Paris son ancien camarade Fleuriau, autrefois aspirant sur l'Atalante, dans l'escadre de l'amiral Linois, alors capitaine de vaisseau, aide de camp du ministre M. de Chabrol, il apprit la vacance du poste de sous-gouverneur du Collège royal de la Marine, à Angoulême.

      Présenté le lendemain à M. de Chabrol, il plut à ce dernier, qui se connaissait en hommes, et le montra ce jour-là. M. de Gallard, gouverneur du Collège royal de la Marine, ancien émigré, ami personnel de Charles X, membre de la Chambre des députés, passait peu de temps à Angoulême. M. de Bonnefoux, gouverneur par intérim d'une façon à peu près continue, put dès lors montrer ses éminentes qualités. L'École navale d'Angoulême atteignit sous sa direction un haut degré de prospérité. Les Marins de la Charente, qui se formèrent de 1824 à 1829, purent accueillir avec dédain cette plaisanterie facile. Comme leurs aînés des promotions précédentes, ils honorèrent la Marine et achevèrent l'œuvre des élèves des Écoles de l'Empire en apportant à bord un ordre admirable et une parfaite propreté. Le succès obtenu par M. de Bonnefoux fut donc complet et reconnu d'une façon unanime. Lorsqu'en 1827 le sous-gouverneur du Collège royal demanda un commandement, M. de Chabrol, qui

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