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le roi, et la pressa avec un geste animé et sincère. Bazine, assise près du lit, regarda Childéric avec admiration, et ce seul regard lui parut une glorieuse récompense.

      L'entretien devint général; cependant plusieurs fois Childéric avoit pu lire dans les yeux de la princesse, combien elle s'intéressoit à son sort. Eginard, fier de son roi, répétoit aux dames ce que Bazin avoit déjà raconté; ce qu'il disoit, quoique déjà connu, prenoit dans sa bouche des grâces nouvelles; on l'écoutoit toujours avec attention, parce qu'on l'entendoit toujours avec plaisir. Le lendemain on revint à la cour; on marchoit lentement, tant pour jouir de la beauté du jour, du charme des bois, que pour ne pas fatiguer Bazin, lorsque Berthilie s'avisa de tourmenter son cheval, de l'exciter; l'animal hennit, bondit et s'élance rapidement à travers les arbres; la princesse jette un grand cri à l'aspect du danger de son amie; mais la légère et adroite étourdie déployant autant de force que d'imprudence, arrête l'animal fougueux, et le ramène soumis et tranquille. Combien elle s'applaudit de sa ruse, en voyant Eginard pâle et effrayé voler à sa rencontre! Cependant elle n'osa jouir de ce triomphe en apercevant le trouble de la princesse, et elle se le reprocha sincèrement. Tout le reste de la soirée, Berthilie ne s'occupa que de son amie, et oublia entièrement Eginard, qui, par caprice ou par amour-propre, en fut piqué; il négligea pour elle toutes celles dont il paroissoit charmé, et ne vit plus que l'objet qu'il sembloit jusqu'à cet instant vouloir éviter.

      Bazin souffroit encore, et sa blessure, loin de se guérir, étoit plus douloureuse, quoique sans danger. On cherchoit à l'amuser, à le distraire; Bazine avoit chaque jour pour lui de nouveaux soins, de nouveaux égards. Heureuse de lui prouver son attachement et sa reconnoissance, elle ne le quittoit que lorsque sa présence pouvoit devenir importune; elle trouvoit sans cesse Childéric auprès de son oncle, et sa vue chaque jour la charmoit davantage. Elle croyoit enfin à ce rêve délicieux de son imagination, et songeant au héros qu'elle s'étoit créé, à ce héros de sa pensée et de son cœur, elle se disoit, en jetant un regard sur Childéric… le voilà. Bazine n'a point reçu le trait d'amour avec cette rapidité, présage de l'inconstance; c'est lentement et par degrés qu'il a pénétré son cœur. Ce jeune roi, si majestueux, si beau, est proscrit et sans asile, privé de sa grandeur, descendu de son trône, et persécuté par la fortune, mais vengé par la nature. Ses malheurs touchent plus le cœur de la princesse, que sa puissance ne l'eût éblouie; elle ne croit encore que le plaindre: Bazine ne s'est pas encore dit, je l'aime. Ce mot une fois prononcé, Bazine ne vivra plus que d'amour. Sa pudeur et sa raison éloignent encore cet instant que Childéric ne cherche point à faire naître; il sait trop qu'il ne peut offrir à la beauté qu'il admire, que le partage d'une infortune méritée; généreux, il ne désire point être aimé, et ne se montre que respectueux: s'il exprime un sentiment plus tendre, c'est lorsqu'entraîné, il n'a pu se vaincre; honteux de sa foiblesse, il la surmonte promptement. Plus ses sentimens sont délicats, soumis, timides, plus ils peignent l'amour tel que Bazine croit qu'il doit être, et son silence en dit plus au cœur de la princesse, que les discours les plus éloquens. Echappés un moment à la foule qui les sépare, réunis de nouveau près de la fontaine, Childéric a repris son récit. C'étoit dans un de ces beaux jours où le printems vient s'unir à l'été, et déploie toute sa pompe avant de lui céder l'empire; par-tout il étaloit ses riches tapis, les feuillages étoient plus épais, les fleurs plus belles et la nature plus animée: la contrainte qu'ont éprouvée les deux amans qu'un même banc de mousse rassemble dans une douce liberté, ajoute au plaisir qu'ils ont à se revoir. Eusèbe et Berthilie sont toujours près de la princesse; Childéric s'assied à ses pieds, Eginard s'appuie négligemment sur la fontaine, et Berthilie le regarde quelquefois à la dérobée, mais elle ne cueillera plus de fleurs; elle se souvient encore de ce qu'elles sont devenues la dernière fois, et elle n'a pu retenir un soupir en reconnoissant les causes innocentes de son dépit.

      Mais Childéric parle de son arrivée dans la grotte, de ses plaisirs, de Gelimer, de Talaïs. A ce nom, Childéric s'est troublé, et son trouble n'a point échappé à la princesse qu'il inquiète; ce n'étoit pas que Childéric se sentît coupable, ce n'est pas qu'il se fût livré au sentiment que Bazine croit lire dans son embarras, mais il n'ose peindre, à la chaste beauté qui l'écoute, l'amour tel que l'éprouva Talaïs. La princesse repousse en vain le mouvement jaloux qu'elle éprouve; son cœur palpite; elle est inattentive et rêveuse. Effrayée de son émotion, elle n'ose plus fixer sur le roi des yeux qui peut-être trahiroient son secret; mais ne pouvant vaincre son trouble, elle donne l'ordre de se séparer; Childéric obéit, et la princesse agitée, rentre dans son palais. Il faisoit encore grand jour; on pouvoit jouir encore long-tems de la fraîcheur des ombrages; Bazine trouva son appartement triste; Berthilie assura qu'il y faisoit une chaleur étouffante; la princesse prit sa broderie et l'abandonna; elle devint rêveuse, et Berthilie ne fut point aimable. La soirée parut longue; Berthilie revint de bonne heure rejoindre ce tendre père, qu'elle consoloit de la perte d'une épouse chérie.

      Bazine, destinée au trône, avoit été élevée avec plus de soin que l'on n'en donnoit d'ordinaire à l'éducation des femmes. Belle sans coquetterie, princesse sans orgueil, elle réunissoit encore tous les talens qui ajoutent à la beauté, et que possédoient rarement alors les personnes de son rang; elle dansoit bien, savoit écrire, et chantoit avec expression les airs simples de ce tems, qu'elle accompagnoit des accords d'une lyre à cinq cordes. Berthilie avoit une voix légère, elle mêloit souvent ses accens aux accens plus purs et plus doux de la voix de Bazine. Le roi de Thuringe se plaisoit à les écouter, et pendant sa maladie, il les invita souvent à le distraire de ses souffrances, par le plaisir de les entendre. Bazine y consentit toujours. Parmi les romances qu'elles chantèrent, la suivante s'est conservée: la princesse, après avoir pris la lyre, commença le premier couplet, Berthilie le second, et Bazine reprit le troisième.

Bazine

      Non, non, je ne veux point connoître

      Ce fol enfant, qu'on nomme amour;

      Du cœur dont il se rend le maître,

      La douce paix fuit sans retour;

      Dans ce dangereux esclavage

      Le soupçon détruit le bonheur,

      Et ce doute qui nous outrage,

      D'un tendre amant fait le malheur.

Berthilie

      Quoi! votre ame à l'amour rebelle,

      Prétend ne jamais s'enflammer?

      C'est pour plaire que l'on est belle,

      Et doit-on plaire sans aimer?

      Le soupçon même a quelques charmes:

      Heureux qui sait nous l'inspirer!

      Il est doux de causer nos larmes,

      Et plus doux de nous rassurer.

Bazine

      En aimant, que d'inquiétude!

      Sans son amant plus de repos,

      Loin de lui, tout est solitude,

      Il fait notre joie ou nos maux.

      On ne jouit qu'en sa présence,

      On ne croit rien que ses discours.

      O mon heureuse indifférence!

      Puissé-je te chanter toujours!

Berthilie

      Douce image de la tendresse,

      Venez dissiper sa froideur;

      Amour, de ta brûlante ivresse,

      Fais-lui connoître le bonheur.

      L'univers éprouve ta flamme,

      Et par toi seul, pour être heureux,

      Tout renaît, jouit, prend une ame,

      Et sent le charme d'être deux.

      La princesse, pressée de nouveau par Bazin, chanta seule la romance suivante:

LE PRINTEMS,Romance

      Tout renaît, les fleurs, la verdure,

      Tout nous annonce le plaisir,

      Et

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