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son casque se détache, elle tombe dans les bras de ses sujets enchaînés à ses genoux. Que feront-ils? à qui confier ces jours sacrés, ce dépôt si cher à la France? le barbare Attila respectera-t-il l'épouse auguste de son ennemi? Tandis qu'ils délibèrent, incertains, ils sont tout-à-coup enveloppés, leurs gardes saisis jettent d'horribles cris auxquels tous les Huns répondent promptement; mais plus promptement encore, une troupe nombreuse et hardie pénètre jusqu'à eux, brise leurs chaînes en s'écriant: A nous, Francs! Aboflède est enlevée des bras de Mainfroy et placée sur un char; la troupe se rallie, mêlée aux prisonniers, et tous reprennent le chemin du camp de Mérovée avec tant de précipitation, que les Huns, trompés d'ailleurs par les ténèbres, n'ont pu porter aucun secours à leurs gardes, ni défendre leurs prisonniers. Attila, furieux d'une attaque qu'il regarde comme une trahison, attend impatiemment que le jour éclaire sa vengeance; et Mérovée, que l'amour a entraîné et qui prévoit sa rage impétueuse, se prépare au combat avec autant de courage et plus de prudence. Après la fuite d'Aboflède, le roi n'avoit pas tardé à s'apercevoir de son absence: trop sûr du chemin qu'elle avoit pris, tremblant sur les dangers qui alloient l'entourer, il l'avoit suivie avec l'élite de son armée; et certain que l'espoir de retrouver Childéric l'auroit décidée à pénétrer jusqu'aux prisonniers, parmi lesquels elle le croyoit toujours, Mérovée s'étoit décidé à les délivrer tous, afin de sauver la reine de la captivité, de la mort, et de tous les excès terribles qui la menaçoient. Revenue dans son camp et privée de tout avenir, muette et la vue égarée, à peine elle a reconnu son époux. Après un long silence, elle a fixé sur lui ses yeux éteints, et d'une voix mourante, elle a prononcé ces mots: Il n'est donc plus! Retombant dans sa morne tristesse, elle a cessé d'écouter, de répondre. Déjà l'étoile du matin, avant-coureur de l'aurore, avertit les guerriers de se tenir prêts: ils sont déjà sous les armes, brillans de jeunesse, de santé, de valeur, ceux-là qui ne verront pas se coucher le soleil qui commence à les éclairer. O mort! ô toi à qui on ne peut échapper! toi qui dévores toutes les générations, avois-tu donc besoin pour assurer ton terrible empire, du secours de la guerre!

      Attila, fier de venger une injure, et d'avoir, pour la première fois, un juste motif de prendre les armes, fut cependant encore surpris par l'active sagesse de son ennemi. La victoire ne fut pas longue à se décider, et Mérovée offrit la paix qui fut acceptée; il renvoya à Attila tous les prisonniers, en mémoire de la délivrance d'Aboflède, y joignit de riches présens; mais sa clémence n'adoucit point la haine de son ennemi, et ne calma point sa honte; il en conserva même une si vive douleur, qu'à peine de retour dans ses bois, on le trouva mort dans son lit à côté de son épouse. Ainsi finit ce guerrier qui coûta tant de sang à sa patrie et à ses ennemis. Mérovée, couvert d'une gloire nouvelle, rentra dans Tournay aux acclamations du peuple, et ramenant la malheureuse Aboflède, qui, de retour dans son palais, reprit sa vie solitaire et silencieuse. Plongée dans une tristesse destructive, ses traits en reçoivent la douloureuse empreinte, et cette tête si belle se penche déjà flétrie comme le lis superbe détaché de la tige qui le nourrit. L'aspect du malheur, si puissant sur l'ame tendre de la reine, ne l'émeut plus; la bienfaisance a perdu pour elle tous ses charmes. Aboflède n'est plus belle, n'est plus reine, n'est plus épouse, n'est plus amante; elle n'est plus, hélas! qu'une mère en deuil, descendant au tombeau par la route lente et pénible de la douleur. En vain tout s'empresse encore autour d'elle; préoccupée et isolée au milieu de tous, elle ne s'aperçoit d'aucun soin; le désespoir de son époux, jadis si aimé, ne pénètre plus jusqu'à son cœur fermé à jamais. L'amour de son peuple, l'amitié, tout a perdu son empire sur cette ame tendre. Puissance de la douleur, que vous avez de force sur le cœur d'une mère! Chaque jour semble l'entraîner vers la tombe, son unique désir. C'est là, c'est près du trône de Teutatès qu'elle espère retrouver son fils, pour ne plus le quitter jamais. C'est dans ces célestes demeures, où la mort est sans puissance, dans ces champs toujours verds, au pied de l'éternel, et dans un bonheur ineffable et constant, qu'Aboflède, dégagée des liens terrestres, demande aux dieux de la recevoir promptement. Et tandis que le roi et son peuple surchargent les autels de victimes et demandent aux dieux de prolonger ses jours, elle seule, formant des vœux contraires, élève au ciel ses mains pures et le conjure de terminer sa vie. Ils vont être exaucés ces cruels vœux du désespoir; Aboflède sent les approches de la mort, comme on entrevoit le moment de sa délivrance; son ame s'exhale comme la fumée de l'encens s'élève vers les cieux. Le roi, qui devoit prévoir depuis long-tems ce nouveau malheur, n'en est pas moins frappé comme d'un coup inattendu; le deuil est général; Viomade a l'emploi triste et flatteur de recevoir les plaintes, de partager la douleur de son maître; s'il ne le console pas, du moins il pleure avec lui.

      Les obsèques de la reine furent ordonnées. Ce dernier hommage du regret, qui tient du sentiment et de la religion, s'il ne soulage point le cœur, adoucit son désespoir. Ce fut aux bords de l'Escaut que les restes glacés de la reine furent conduits. On creusa d'abord une fosse ronde, où l'on plaça, selon l'usage, tout ce qui pouvoit être utile à la vie. Etrange superstition de ces tems, qui alloit même jusqu'à immoler des esclaves, afin que les morts fussent servis par eux dans un autre monde! Mais Aboflède, prête à mourir, avoit exigé que l'on ne suivit point cette barbare coutume, et Mérovée voulut qu'elle fût obéie. La fosse creusée, on amena une charrue dont le soc étoit d'airain; elle étoit attelée de deux bœufs blancs; on traça d'un sillon le tour de la tombe, et à mesure que la charrue ouvroit la terre, on remplissoit de fleurs le sillon qu'elle avoit formé; on eut soin de la relever à l'entrée de la tombe, sans en continuer la trace. Après cette cérémonie, on plaça le corps dans la fosse, et revêtu de ses plus riches ornemens; chaque assistant eut soin de jeter sur ces restes sacrés une poignée de la terre natale de la reine; on la recouvrit de fleurs, de gazons, puis de terre, et enfin d'une grande table de plomb sur laquelle on grava ces mots:

PLEUREZ LA REINE ABOFLEDE,AMOUR ET EXEMPLEDU MONDE

      Les Druides assistèrent à cette lugubre fête couverts de longues tuniques de lin; ils versèrent sur la tombe l'eau lustrale du guy de chêne, invoquant les dieux pour qu'ils accordassent sans délai l'entrée céleste à la victime de l'amour et du malheur. Mérovée n'assista point à ces funérailles, le deuil étoit trop avant dans son cœur; il n'eût pu soutenir ce terrible spectacle. Privé d'une épouse et d'un fils, le voilà seul sur le trône déjà isolé; il va marcher sans compagne dans les routes épineuses de la vie, et quand l'ange de la mort développera sur lui ses ailes glacées, il ne laissera pas, aux mains d'un fils adoré, le sceptre des rois qu'il a illustré, et son glorieux héritage; il ne revivra pas dans une nombreuse postérité. Ah! s'il gémit de la mort d'Aboflède, c'est sur lui seul qu'il répand des larmes; il sent trop que le seul malheureux est celui qui survit à ce qu'il aime.

FIN DU LIVRE SECOND

      CHILDÉRIC.

      LIVRE TROISIÈME

SOMMAIRE DU TROISIÈME LIVRE

      Mérovée s'abandonne à sa douleur. Ses blessures se r'ouvrent. On craint pour sa vie. Egidius, qui aspire au trône, en conçoit une espérance nouvelle; il craint Viomade, et cherche à l'écarter. Draguta sert ses projets, et trompe ce brave par un faux rapport, qui décide Viomade à suivre le traître jusque dans le camp des Huns. Le roi, à la nouvelle qu'il reçoit du départ prochain de son ami, et de l'espoir qui le détermine, éprouve autant de joie que d'inquiétude. Viomade lui conseille de se montrer à l'armée. Mérovée se rend à cet avis. Il harangue les troupes, et ordonne un sacrifice. Description du sacrifice. L'oracle est favorable, il promet le retour de Childéric. Un festin termine cette journée.

      LIVRE TROISIÈME

      Le tems ne consoloit point Mérovée. De tous les biens dont l'amour l'a fait jouir, le souvenir seul lui reste, il le conserve comme le dernier trésor de son cœur; le regret, qui le suit par-tout, charme douloureusement sa solitude, et quand il a perdu tout ce qu'il aime, les tendres images d'Aboflède, de Childéric, ne s'effacent point de sa pensée; il chérit sa mélancolie, et refuseroit de se consoler: il n'a plus que sa douleur, il craindroit de la perdre et même de l'affoiblir; mais il cherche et soulage les malheureux, il a besoin du bonheur des autres quand il n'en existe plus pour lui; l'accent de la joie, celui de la reconnoissance, jettent encore un son doux au fond de son ame. Blessé dans

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