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Childéric, Roi des Francs, (tome premier). Comtesse de Beaufort d’Hautpoul Anne Marie
Читать онлайн.Название Childéric, Roi des Francs, (tome premier)
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isbn http://www.gutenberg.org/ebooks/34991
Автор произведения Comtesse de Beaufort d’Hautpoul Anne Marie
Издательство Public Domain
Mais déjà Mérovée a repris Cologne, et poursuivant sa victoire, il attaque l'ennemi en pleine campagne. Plusieurs fois Ulric, Arthaut, Amblar, Mainfroy se sont placés entre le roi et le danger; lui-même a reçu une légère blessure en détournant le trait prêt à percer Ulric. O bon tems! où de pareils traits n'étonnoient personne, où l'admiration ne le répétoit même pas, et laissoit à la seule reconnoissance le soin d'en perpétuer le souvenir!
Mais les Huns, ralliés par Attila, s'élancèrent de nouveau sur l'armée française, en jetant d'horribles cris; ce choc imprévu ébranla l'armée, et ce rare avantage animant les ennemis, ils chargèrent en furieux; Mérovée contenant l'ardeur de ses troupes, attaqua à son tour avec sang-froid et en bon ordre, et culbuta sans peine une armée tumultueuse qui, plus téméraire qu'habile, ignoroit l'art de se défendre; cependant quelques-uns de ces barbares déploient un courage presque inouï; la mort suit par-tout leurs traits, ils pressent Mérovée lui-même, et on reconnoit Attila à sa force, à sa rage, à son adresse. Viomade voit le danger de son maître, et oubliant pour un moment le dépôt trop cher qui lui a été confié, il s'élance en s'écriant: A moi, braves! On entoure le roi, on le suit, lui seul eut la gloire de recevoir dans la poitrine le coup de hache dont Mérovée alloit être la victime; le roi le voit tomber baigné dans son sang, il se précipite vers lui, le relève, mais appelé au combat, il le confie aux soins d'Ulric, et court le venger par une éclatante victoire. Les Huns, vaincus et poursuivis jusqu'au fleuve, se rembarquent à la hâte et en désordre; les Francs dédaignant l'ennemi qui fuit, cessent de combattre; le roi triomphant revient à Cologne, et vole plein d'une double inquiétude auprès de son ami dont on a déjà pansé la profonde blessure. Rassuré sur ses jours, ô Viomade! où est mon fils, s'écrie-t-il? Hélas! Viomade l'ignore, un long évanouissement a suivi sa blessure, et il n'a pu, malgré ce zèle pur, ardent et sans égal, veiller au dépôt sacré qui lui avoit été remis. Ciel! ô ciel! que me dis-tu, répond Mérovée; ô Childéric! ô mon Aboflède! Mais les braves se sont dispersés, on cherche le jeune prince dans la ville, dans l'armée, au bord du fleuve, sur le champ de bataille, parmi les blessés, au milieu des morts; on interroge les soldats, les habitans, les prisonniers, par-tout un silence terrible jette l'alarme dans les cœurs; de fidèles sujets traversent le fleuve, ils pénétreront dans les forêts, jusqu'au camp même d'Attila; toutes les récompenses leur sont promises, mais la seule qu'ils désirent, c'est de ramener le fils des rois.
Qui cependant apprendra à la plus tendre mère, à cette reine adorée, une absence si alarmante? Qui aura le féroce courage de déchirer ce cœur sensible, douce retraite de vertu, de paix et d'amour? Qui pourra faire couler ces larmes abondantes, dont la seule idée est déjà un supplice pour tous les Francs? Mérovée, plongé dans sa muette douleur, la tête appuyée sur sa main, les yeux baissés, ajoute à ses terribles inquiétudes par l'idée des maux qui vont accabler l'objet de sa tendresse; il en prévoit l'excès, il en est déchiré, et Viomade en soupirant regarde la blessure qui l'excuse, et le roi qui ne vivroit plus sans elle. Sa faute est grande, mais sauver la vie à Mérovée est une action plus grande encore; il gémit, il s'afflige; cependant il ne peut pas plus se repentir, que le roi n'ose lui adresser un reproche. Pour la première fois Mérovée craint de revoir Aboflède, et ce moment qui fut toujours le plus doux prix de sa victoire, trouble et effraie sa grande ame.
Depuis le départ de son époux, depuis celui de son fils, la tendre reine, livrée à toutes les alarmes, a gémi comme épouse et comme mère. O mon fils! ô mon Childéric! s'écrioit-elle, pourquoi fuir loin de mes bras caressans? pourquoi m'abandonner? Hélas! je comptois encore, avec une douce sécurité, les années de bonheur que m'accordoit ta jeunesse! Pourquoi, cher et cruel enfant, hâter les instans du danger? pourquoi, plus barbare que le devoir, me ravir déjà mon fils? Cependant la renommée, prompte à célébrer la victoire, a déjà porté jusqu'au palais de la reine le bruit glorieux des triomphes de son époux, et la nouvelle de son retour. Aboflède ne peut contenir sa trop vive impatience; pleine de joie et d'amour, elle relève ses beaux cheveux en désordre, essuie ses pleurs, et n'écoutant que les douces émotions qui agitent si délicieusement son cœur, court au-devant de son époux et de son fils; de loin elle entend les chants guerriers, son ame s'exhale et s'unit aux chants des héros; elle presse sa marche et vole au-devant de l'armée; déjà elle distingue le casque éclatant du roi, son œil maternel cherche près de lui cet autre objet de ses alarmes, il ne paroît point; tremblante, elle en accuse encore sa taille enfantine; elle distingue Viomade appuyé sur le bras glorieux de son maître; l'armée chante la victoire, le roi ne s'unit point à ses chants; il approche, elle cherche en vain Childéric, Childéric ne se montre point à sa mère. Mérovée l'a aperçue, son sang s'est glacé dans ses veines, il a pâli. A ce signal de détresse pour un si grand courage, Aboflède a déjà deviné son malheur, elle tombe évanouie en nommant son fils. Mérovée la voit chanceler; mais il soutient son ami, il contient sa douleur, son impatience, et renferme avec effort dans son sein le cri prêt à s'en échapper. Viomade, affoibli par ses souffrances, déchiré par ses regrets, marche lentement et les yeux baissés; il ne s'attend pas au spectacle douloureux dont il va être le témoin; ils approchent enfin de la belle reine, que les femmes de sa suite ont relevée, et qu'elles soutiennent dans leurs bras. La pâleur couvre ses traits, elle est glacée, immobile, et sans aucun sentiment; la mort semble avoir déjà frappé cette tendre victime; insensible aux soins qui lui sont prodigués, elle reste plongée dans un évanouissement qui lui dérobe au moins la connoissance de ses malheurs; transportée jusques dans son palais, tous les secours lui sont prodigués; elle renaît enfin à la vie, mais pour apprendre, mais pour sentir tout l'excès de son infortune: pour la première fois, la voix toute-puissante d'un époux adoré ne porte point dans son ame le bonheur ou la consolation, ses caresses ne la touchent point, son retour ne lui suffit pas, elle ne songe, ne demande, ne semble aimer que son fils. Le roi lui dit tout ce qui peut la rassurer, lui nomme les fidèles émissaires envoyés à la recherche du prince, lui répète qu'il ne s'est trouvé ni parmi les morts, ni parmi les blessés, que son javelot si remarquable n'est point resté sur le champ de bataille; l'infortunée l'écoute, lui fait redire ce qu'elle vient déjà d'entendre. Hélas! elle a trop besoin d'espérance pour la rejeter, mais elle aime avec trop d'ardeur pour s'en contenter long-tems; occupée d'un seul objet, possédée d'une seule idée, elle interroge tout ce qui l'approche, le silence l'inquiète, aucune réponse ne la satisfait, les jours lui semblent des siècles, l'incertitude la tue, et cependant l'incertitude soutient sa vie; si le roi s'absente un moment, à son retour elle pâlit de crainte et frémit d'espoir; dans son sommeil agité, elle revoit et embrasse son fils; le réveil lui rend son absence, et elle pleure sur son heureux songe. O amour maternel! sentiment pur, vrai, constant, hélas! que souvent vous êtes cruellement récompensé! Plusieurs émissaires étoient déjà revenus, le roi seul leur avoit parlé; ils ignoroient tous la destinée du jeune prince; on cachoit leur retour à la malheureuse mère. O Viomade! pourquoi ta blessure retient-elle tes pas, et met-elle des bornes à un zèle qui, sans cet obstacle insurmontable, n'en auroit point connu? pourquoi, ami dévoué, ne peux-tu voler toi-même