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arrivons à Cocoleu.

      – Ah! le misérable! s'écria Antoine.

      – Vous le connaissez?

      – Comment ne le connaîtrais-je pas, moi qui ai passé toute ma vie ici, à Boiscoran, au service de défunt l'oncle de monsieur!

      – Alors, quel individu est-ce, décidément?

      – Un idiot, monsieur, ou, comme on dit ici, un innocent, qui a la danse de Saint-Guy, par-dessus le marché, et qui tombe du haut mal.

      – Ainsi, il est de notoriété publique qu'il est complètement imbécile?

      – Oui, monsieur. Quoique pourtant j'ai entendu des gens soutenir qu'il n'était pas si dénué de bon sens qu'on croyait, et qu'il faisait, comme on dit, l'âne pour avoir du son…

      M. de Chandoré l'interrompit.

      – Sur ce sujet, dit-il, le docteur Seignebos peut donner les renseignements les plus précis, ayant gardé Cocoleu chez lui près de deux ans.

      – Aussi ai-je bien l'intention de voir le docteur, répondit maître Folgat. Mais, avant tout, il faudrait retrouver ce misérable idiot…

      – Vous avez entendu monsieur Séneschal, monsieur, il a mis la gendarmerie à sa poursuite.

      Antoine se permit une grimace.

      – Quand les gendarmes prendront Cocoleu, déclara-t-il, c'est qu'il aura voulu se laisser prendre.

      – Pourquoi, s'il vous plaît?

      – Parce que, messieurs, il n'y a personne comme cet innocent pour connaître les coins et les recoins du pays, les trous, les fourrés, les cachettes, et qu'avec l'habitude qu'il a eu de vivre comme un sauvage, de fruits, de racines et d'oiseaux, il peut, en cette saison, rester trois mois sans approcher d'une maison.

      – Diable! fit maître Folgat, désappointé.

      – Je ne connais qu'un homme, continua le vieux serviteur, capable de dénicher Cocoleu, c'est le fils de notre métayer, Michel, ce gars que vous avez vu en bas.

      – Qu'il vienne! dit M. de Chandoré.

      Appelé, Michel ne tarda pas à paraître, et quand on lui eut expliqué ce qu'on attendait de lui:

      – Il y a moyen, répondit-il, quoique certainement ce ne soit point aisé. Si Cocoleu n'a pas la raison d'un homme, il a la malice d'une bête… Enfin, on va essayer.

      Rien ne retenait plus à Boiscoran M. de Chandoré ni maître Folgat.

      Après avoir recommandé au vieil Antoine de bien surveiller les scellés et de donner, s'ilétait possible, un coup d'œil au fusil de Jacques, lorsque la justice viendrait enlever les pièces à conviction, ils remontèrent en voiture.

      Et cinq heures sonnaient à la cathédrale de Sauveterre quand ils arrivèrent rue de la Rampe.

      Mlle Denise attendait dans le salon. Elle se leva lorsqu'ils entrèrent, pâle, les yeux secs et brillants.

      – Comment! tu es seule! s'écria M. de Chandoré, on t'a laissée seule!

      – Ne te fâche pas, grand-père. Je viens de décider madame de Boiscoran, quiétaitépuisée de fatigue, à prendre, avant dîner, une heure de repos.

      – Et tantes Lavarande?

      – Elles sont sorties, grand-père. Elles doiventêtre en ce moment chez monsieur Galpin-Daveline.

      Maître Folgat tressauta.

      – Oh!… fit-il.

      – Mais c'est une démarche insensée! s'écria le vieux gentilhomme.

      D'un mot la jeune fille lui ferma la bouche.

      – C'est moi, dit-elle, qui l'ai voulu.

      5. Oui, la démarche des demoiselles de Lavarandeétait insensée…

      Oui, la démarche des demoiselles de Lavarandeétait insensée. Au point où enétaient les choses, aller trouver M. Galpin-Daveline, c'était peut-être lui porter des armes dont ilécraserait Jacques.

      Mais, à qui la faute, sinon à M. Chandoré et à maître Folgat? N'avaient-ils pas commis une impardonnable imprudence en partant pour Boiscoran sans prévenir, sans autre précaution que de faire dire par le domestique de M. Séneschal qu'ils seraient de retour pour dîner et qu'il ne fallait pas s'inquiéter?

      Ne pas s'inquiéter!… Et c'est à la marquise de Boiscoran et à Mlle Denise, à la mère et à la fiancée de Jacques qu'ils disaient cela!…

      Certainement, sur le premier moment, ces deux infortunées conservèrent un sang-froid relatif, chacune s'efforçant de donner à l'autre l'exemple du courage et de la confiance. Mais à mesure que s'étaientécoulées les heures, leurs angoisses avaient repris le dessus, et peu à peu leur douleur s'était exaltée de l'échange de leurs craintes. Elles se représentaient Jacques innocent et cependant traité comme les pires criminels, seul, au fond d'un cachot, livré aux plus horribles inspirations du désespoir. Quelles pouvaientêtre ses réflexions depuis plus de vingt-quatre heures qu'ilétait sans nouvelle des siens? Ne devait-il pas se croire méprisé, abandonné, renié?

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      Notes

      1

      Pantalon.

      2

      Caprice, fantaisie.

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