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non, mon garçon, répondit le marin. Elles étaient dans une boîte en cuivre qui fermait bien! Et maintenant, comment faire?

      – Nous trouverons certainement moyen de nous procurer du feu, dit Harbert. M Smith ou M Spilett ne seront pas à court comme nous!

      – Oui, répondit Pencroff, mais, en attendant, nous sommes sans feu, et nos compagnons ne trouveront qu’un triste repas à leur retour!

      – Mais, dit vivement Harbert, il n’est pas possible qu’ils n’aient ni amadou, ni allumettes!

      – J’en doute, répondit le marin en secouant la tête. D’abord Nab et M Smith ne fument pas, et je crains bien que M Spilett n’ait plutôt conservé son carnet que sa boîte d’allumettes!»

      Harbert ne répondit pas. La perte de la boîte était évidemment un fait regrettable. Toutefois, le jeune garçon comptait bien que l’on se procurerait du feu d’une manière ou d’une autre. Pencroff, plus expérimenté, et bien qu’il ne fût point homme à s’embarrasser de peu, ni de beaucoup, n’en jugeait pas ainsi. En tout cas, il n’y avait qu’un parti à prendre: attendre le retour de Nab et du reporter. Mais il fallait renoncer au repas d’œufs durcis qu’il voulait leur préparer, et le régime de chair crue ne lui semblait, ni pour eux, ni pour lui-même, une perspective agréable.

      Avant de retourner aux Cheminées, le marin et Harbert, dans le cas où le feu leur manquerait définitivement, firent une nouvelle récolte de lithodomes, et ils reprirent silencieusement le chemin de leur demeure.

      Pencroff, les yeux fixés à terre, cherchait toujours son introuvable boîte. Il remonta même la rive gauche de la rivière depuis son embouchure jusqu’à l’angle où le train de bois avait été amarré.

      Il revint sur le plateau supérieur, il le parcourut en tous sens, il chercha dans les hautes herbes sur la lisière de la forêt, – le tout vainement.

      Il était cinq heures du soir, quand Harbert et lui rentrèrent aux Cheminées. Inutile de dire que les couloirs furent fouillés jusque dans leurs plus sombres coins, et qu’il fallut y renoncer décidément.

      Vers six heures, au moment où le soleil disparaissait derrière les hautes terres de l’ouest, Harbert, qui allait et venait sur la grève, signala le retour de Nab et de Gédéon Spilett.

      Ils revenaient seuls!… Le jeune garçon éprouva un inexprimable serrement de cœur. Le marin ne s’était point trompé dans ses pressentiments.

      L’ingénieur Cyrus Smith n’avait pu être retrouvé!

      Le reporter, en arrivant, s’assit sur une roche, sans mot dire. Épuisé de fatigue, mourant de faim, il n’avait pas la force de prononcer une parole!

      Quant à Nab, ses yeux rougis prouvaient combien il avait pleuré, et de nouvelles larmes qu’il ne put retenir dirent trop clairement qu’il avait perdu tout espoir!

      Le reporter fit le récit des recherches tentées pour retrouver Cyrus Smith. Nab et lui avaient parcouru la côte sur un espace de plus de huit milles, et, par conséquent, bien au delà du point où s’était effectuée l’avant-dernière chute du ballon, chute qui avait été suivie de la disparition de l’ingénieur et du chien Top. La grève était déserte. Nulle trace, nulle empreinte. Pas un caillou fraîchement retourné, pas un indice sur le sable, pas une marque d’un pied humain sur toute cette partie du littoral. Il était évident qu’aucun habitant ne fréquentait cette portion de la côte. La mer était aussi déserte que le rivage, et c’était là, à quelques centaines de pieds de la côte, que l’ingénieur avait trouvé son tombeau.

      En ce moment, Nab se leva, et d’une voix qui dénotait combien les sentiments d’espoir résistaient en lui:

      «Non! s’écria-t-il, non! Il n’est pas mort! Non! cela n’est pas! Lui! allons donc! Moi! n’importe quel autre, possible! mais lui! jamais. C’est un homme à revenir de tout!…»

      Puis, la force l’abandonnant:

      «Ah! je n’en puis plus!» murmura-t-il.

      Harbert courut à lui.

      «Nab, dit le jeune garçon, nous le retrouverons! Dieu nous le rendra! Mais en attendant, vous avez faim! Mangez, mangez un peu, je vous en prie!»

      Et, ce disant, il offrait au pauvre nègre quelques poignées de coquillages, maigre et insuffisante nourriture!

      Nab n’avait pas mangé depuis bien des heures, mais il refusa. Privé de son maître, Nab ne pouvait ou ne voulait plus vivre!

      Quant à Gédéon Spilett, il dévora ces mollusques; puis, il se coucha sur le sable au pied d’une roche.

      Il était exténué, mais calme.

      Alors, Harbert s’approcha de lui, et, lui prenant la main:

      «Monsieur, dit-il, nous avons découvert un abri où vous serez mieux qu’ici. Voici la nuit qui vient. Venez vous reposer! Demain, nous verrons…»

      Le reporter se leva, et, guidé par le jeune garçon, il se dirigea vers les Cheminées. En ce moment, Pencroff s’approcha de lui, et, du ton le plus naturel, il lui demanda si, par hasard, il n’aurait pas sur lui une allumette.

      Le reporter s’arrêta, chercha dans ses poches, n’y trouva rien et dit:

      «J’en avais, mais j’ai dû tout jeter…»

      Le marin appela Nab alors, lui fit la même demande, et reçut la même réponse.

      «Malédiction!» s’écria le marin, qui ne put retenir ce mot.

      Le reporter l’entendit, et, allant à Pencroff:

      «Pas une allumette? dit-il.

      – Pas une, et par conséquent pas de feu!

      – Ah! s’écria Nab, s’il était là, mon maître, il saurait bien vous en faire!»

      Les quatre naufragés restèrent immobiles et se regardèrent, non sans inquiétude. Ce fut Harbert qui le premier rompit le silence, en disant:

      «Monsieur Spilett, vous êtes fumeur, vous avez toujours des allumettes sur vous! Peut-être n’avez-vous pas bien cherché? Cherchez encore! Une seule allumette nous suffirait!»

      Le reporter fouilla de nouveau ses poches de pantalon, de gilet, de paletot, et enfin, à la grande joie de Pencroff, non moins qu’à son extrême surprise, il sentit un petit morceau de bois engagé dans la doublure de son gilet. Ses doigts avaient saisi ce petit morceau de bois à travers l’étoffe, mais ils ne pouvaient le retirer. Comme ce devait être une allumette, et une seule, il s’agissait de ne point en érailler le phosphore.

      «Voulez-vous me laisser faire?» lui dit le jeune garçon.

      Et fort adroitement, sans le casser, il parvint à retirer ce petit morceau de bois, ce misérable et précieux fétu, qui, pour ces pauvres gens, avait une si grande importance! Il était intact.

      «Une allumette! s’écria Pencroff. Ah! c’est comme si nous en avions une cargaison tout entière!»

      Il prit l’allumette, et, suivi de ses compagnons, il regagna les Cheminées.

      Ce petit morceau de bois, que dans les pays habités on prodigue avec tant d’indifférence, et dont la valeur est nulle, il fallait ici s’en servir avec une extrême précaution. Le marin s’assura qu’il était bien sec. Puis, cela fait:

      «Il faudrait du papier, dit-il.

      – En voici», répondit Gédéon Spilett, qui, après quelque hésitation, déchira une feuille de son carnet.

      Pencroff prit le morceau de papier que lui tendait le reporter, et il s’accroupit devant le foyer. Là, quelques poignées d’herbes, de feuilles et de mousses sèches furent placées sous les fagots et disposées de manière que l’air pût circuler aisément et enflammer rapidement le bois mort.

      Alors, Pencroff plia le morceau de papier en forme de cornet, ainsi que font les fumeurs de pipe par les grands vents, puis, il l’introduisit

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