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très chaud, mais il crut voir à travers la vitre un visage féminin qui disparut aussitôt.

      C’en était assez pour exciter la curiosité d’un flâneur, mais Paul se dit qu’il ferait une sottise en allant regarder de plus près une princesse si bien gardée et passa, non sans se retourner trois fois.

      A la troisième, il constata que le coupé n’était plus là.

      Il avait dû tourner rapidement et filer vers la place de l’Odéon.

      Paul continua son chemin sans se presser.

      Arrivé à la station, il ouvrit la portière du fiacre qui tenait la tête de la file et il allait y monter, lorsqu’une femme y entra du côté opposé et y prit place tranquillement.

      Il n’avait nulle envie de contester le droit de priorité de cette dame et il recula pour se mettre en quête d’une autre voiture, mais l’inconnue lui dit:

      – Venez, monsieur!

      Elle avait rabattu sur sa figure une épaisse voilette de blonde noire, et Paul ne pouvait pas voir si elle était jolie, mais la voix était douce, la tournure distinguée, la toilette élégante.

      C’était décidément la journée aux aventures.

      – Au rond-point des Champs-Élysées! reprit la dame.

      Paul Cormier tombait de son haut. Elle lui parlait comme elle aurait parlé à un de ces commissionnaires qui ouvrent, aux stations, les portières des fiacres.

      Il aurait dû la planter là, mais c’était si drôle qu’il se décida tout de suite à répéter au cocher l’ordre qu’elle venait de donner et à prendre place à côté d’elle dans la voiture.

      Le romanesque Paul aimait l’imprévu: il était servi à souhait.

      Mais il n’augurait pas très bien de cette nouvelle aventure.

      Il savait que les grandes mondaines n’ont pas coutume de se jeter ainsi à la tête d’un monsieur qu’elles n’ont jamais vu et il pensait que cette personne, un peu trop sans façon, pouvait bien n’être qu’une farceuse en quête d’une liaison passagère… et productive.

      Elle avait cependant si bon air qu’il voulait savoir à quoi s’en tenir sur ses intentions.

      Il lui restait tout le temps de faire avec elle, avant d’aller dîner au Marais, une promenade qui éclaircirait ce petit mystère, et rien ne l’empêcherait ensuite de fausser compagnie à la promeneuse, s’il s’apercevait qu’elle ne valait pas la peine d’être conquise.

      Elle ne le fit pas languir.

      Le fiacre commençait à peine à descendre la rue de Tournon et Paul en était encore à chercher une phrase pour entamer la conversation, quand elle releva sa voilette.

      Cette inconnue c’était la blonde aux yeux noirs que Jean de Mirande avait abordée si audacieusement et avec si peu de succès, sur la terrasse du jardin.

      Elle regardait Paul, en souriant et elle paraissait s’amuser de son étonnement et de son trouble.

      – Quoi! Madame, dit-il assez gauchement, c’est vous qui, tout à l’heure…

      – Oui, Monsieur, répondit-elle, sans paraître embarrassée, c’est moi qui étais assise, là-bas, sous les grands marronniers, quand votre ami s’est permis de m’adresser la parole.

      – Je vous prie de croire, Madame, que j’ai fait ce que j’ai pu pour l’empêcher de commettre cette inconvenance.

      – Je le sais, Monsieur; j’ai très bien vu que vous avez essayé de le retenir et j’ai deviné que vous le désapprouviez.

      – Oh! absolument!

      – Je n’en doute pas. C’est ce qui m’a fait désirer de vous connaître.

      L’explication ne laissait pas que d’être flatteuse pour Paul Cormier; mais elle n’excusait pas l’allure, pour le moins excentrique, de cette dame qui, pour faire connaissance avec un jeune homme qu’elle venait de voir pour la première fois, n’imaginait rien de mieux que d’envahir un fiacre où il montait et de lui commander de l’accompagner à l’autre bout de Paris.

      Il n’aurait plus manqué que de baisser les stores.

      Elle ne s’en avisa point, ni Paul non plus, car il avait beau se dire qu’il était tombé sur une chercheuse de rencontres, il ne parvenait pas à se le persuader, tant l’air de cette blonde énigmatique était en désaccord avec sa conduite.

      Il y avait dans toute sa personne et dans le ton qu’elle avait pris un je ne sais quoi qui commandait, sinon le respect, au moins des égards, et au risque d’être dupe, Paul ne put pas se décider à lui parler autrement qu’il ne l’aurait fait dans un salon.

      – Quel dommage, reprit-elle, qu’un homme si bien né soit si mal élevé!

      – Comment savez-vous qu’il est bien né? demanda Paul.

      – Il ne s’est assis près de moi qu’un instant et il a trouvé le temps de dire son nom… je crois même qu’il y a ajouté son adresse.

      – Et son nom vous était connu? demanda Paul, très étonné.

      – Oh! depuis bien des années. Sa famille est une des plus anciennes et une des plus illustres du Languedoc.

      Cormier pensa tristement que la sienne ne remontait pas si loin et que sa notoriété ne s’était jamais étendue au-delà du quartier des Halles, mais il ne laissa pas voir à la dame qu’elle venait de l’humilier, sans le vouloir.

      Il se contenta de répondre:

      – Jean eût été bien fier, s’il avait su que, pour vous, il n’était pas le premier venu. Pourquoi ne le lui avez-vous pas dit?

      – Je n’avais garde… pour plusieurs raisons… la première, c’est qu’il aurait fallu me nommer… Or, si j’ai entendu parler de lui, il n’a jamais entendu parler de moi… Mon nom ne lui aurait rien appris… et d’ailleurs, menant la vie qu’il mène, il doit se soucier fort peu de me connaître.

      – Il mène la même vie que tous les étudiants… la même que moi.

      – Permettez-moi, Monsieur, de n’en rien croire. Je vous regardais quand vous avez rencontré sur la terrasse les demoiselles qui l’ont emmené… et j’ai vu que vous avez refusé de les suivre.

      – J’ai refusé, parce que je ne pensais qu’à vous.

      – Vraiment?… alors, vous n’en avez que plus de mérite à ne pas vous être conduit avec moi comme l’a fait M. de Mirande… mais, quel plaisir peut-il prendre à s’entourer de ces créatures?

      L’une d’elles est sa maîtresse, n’est-ce pas?

      – Je devrais vous répondre que je n’en sais rien, mais je veux bien vous dire la vérité… Jean n’a rien de commun avec le lierre… il ne s’attache pas.

      – Il n’y a que demi-mal.

      – Alors, vous l’approuvez de n’aimer sérieusement aucune femme?

      – Je ne dis pas cela, répliqua vivement la dame; je l’approuve de ne pas aimer à tort et à travers, mais je ne désespère pas d’apprendre un jour qu’il a trouvé enfin une femme digne de lui… et qu’il l’aime.

      – C’est la grâce que je lui souhaite. Elle ne l’a pas encore touché et elle pourra se faire attendre.

      Maintenant, Madame, oserai-je vous demander en quoi sa conversion vous intéresse?

      Et comme elle ne paraissait pas disposée à répondre, Paul reprit:

      – Je me permets de vous poser cette question parce que vous ne m’avez encore parlé que de lui.

      – N’êtes-vous pas son meilleur ami?

      – Je le crois, mais avouez que je pousserais l’amitié jusqu’à

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