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étendu,

      Je me pris à songer près de ce corps vendu

      À la triste beauté dont mon désir se prive.

      Je me représentai sa majesté native,

      Son regard de vigueur et de grâces armé,

      Ses cheveux qui lui font un casque parfumé,

      Et dont le souvenir pour l’amour me ravive.

      Car j’eusse avec ferveur baisé ton noble corps,

      Et depuis tes pieds frais jusqu’à tes noires tresses

      Déroulé le trésor des profondes caresses,

      Si, quelque soir, d’un pleur obtenu sans effort

      Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles!

      Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.

      XXXIII. Remords posthume

      Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,

      Au fond d’un monument construit en marbre noir,

      Et lorsque tu n’auras pour alcôve et manoir

      Qu’un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse;

      Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse

      Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir,

      Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,

      Et tes pieds de courir leur course aventureuse,

      Le tombeau, confident de mon rêve infini

      (Car le tombeau toujours comprendra le poète),

      Durant ces grandes nuits d’où le somme est banni,

      Te dira: «Que vous sert, courtisane imparfaite,

      De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts?»

      – Et le ver rongera ta peau comme un remords.

      XXXIV. Le chat

      Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux;

      Retiens les griffes de ta patte,

      Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,

      Mêlés de métal et d’agate.

      Lorsque mes doigts caressent à loisir

      Ta tête et ton dos élastique,

      Et que ma main s’enivre du plaisir

      De palper ton corps électrique,

      Je vois ma femme en esprit. Son regard,

      Comme le tien, aimable bête,

      Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

      Et, des pieds jusques à la tête,

      Un air subtil, un dangereux parfum

      Nagent autour de son corps brun.

      XXXV. Duellum

      Deux guerriers ont couru l’un sur l’autre; leurs armes

      Ont éclaboussé l’air de lueurs et de sang.

      Ces jeux, ces cliquetis du fer sont les vacarmes

      D’une jeunesse en proie à l’amour vagissant.

      Les glaives sont brisés! comme notre jeunesse,

      Ma chère! Mais les dents, les ongles acérés,

      Vengent bientôt l’épée et la dague traîtresse.

      – Ô fureur des cœurs mûrs par l’amour ulcérés!

      Dans le ravin hanté des chats-pards et des onces

      Nos héros, s’étreignant méchamment, ont roulé,

      Et leur peau fleurira l’aridité des ronces.

      – Ce gouffre, c’est l’enfer, de nos amis peuplé!

      Roulons-y sans remords, amazone inhumaine,

      Afin d’éterniser l’ardeur de notre haine!

      XXXVI. Le balcon

      Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,

      Ô toi, tous mes plaisirs! ô toi, tous mes devoirs!

      Tu te rappelleras la beauté des caresses,

      La douceur du foyer et le charme des soirs,

      Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses!

      Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon,

      Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.

      Que ton sein m’était doux! que ton cœur m’était bon!

      Nous avons dit souvent d’impérissables choses

      Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon.

      Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!

      Que l’espace est profond! que le cœur est puissant!

      En me penchant vers toi, reine des adorées,

      Je croyais respirer le parfum de ton sang.

      Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!

      La nuit s’épaississait ainsi qu’une cloison,

      Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,

      Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison!

      Et tes pieds s’endormaient dans mes mains fraternelles.

      La nuit s’épaississait ainsi qu’une cloison.

      Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses,

      Et revis mon passé blotti dans tes genoux.

      Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses

      Ailleurs qu’en ton cher corps et qu’en ton cœur si doux?

      Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses!

      Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,

      Renaîtront-ils d’un gouffre interdit à nos sondes,

      Comme montent au ciel les soleils rajeunis

      Après s’être lavés au fond des mers profondes?

      – Ô serments! ô parfums! ô baisers infinis!

      XXXVII. Le possédé

      Le soleil s’est couvert d’un crêpe. Comme lui,

      Ô Lune de ma vie! emmitoufle-toi d’ombre;

      Dors ou fume à ton gré; sois muette, sois sombre,

      Et plonge tout entière au gouffre de l’Ennui;

      Je t’aime ainsi! Pourtant, si tu veux aujourd’hui,

      Comme un astre éclipsé qui sort de la pénombre,

      Te pavaner aux lieux que la Folie encombre,

      C’est bien! Charmant poignard, jaillis de ton étui!

      Allume ta prunelle à la flamme des lustres!

      Allume le désir dans les regards des rustres!

      Tout de toi m’est plaisir, morbide ou pétulant;

      Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore;

      Il n’est pas une fibre en tout mon corps tremblant

      Qui ne crie: Ô mon cher Belzébuth, je t’adore!

      XXXVIII. Un fantôme

      I. Les ténèbres

      Dans les caveaux d’insondable tristesse

      Où le Destin m’a déjà relégué;

      Où

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