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odeur, un chant que la brise apporte et voile, doucement la gagner, lui faire pendant un instant oublier son mal, elle sent subitement dans un grand coup au coeur une blessure douloureuse et, plus haut que les vagues ou que les feuilles, dans l’incertitude de l’horizon sylvestre ou marin, elle aperçoit l’indécise image de son invisible et présent vainqueur qui, les yeux brillants à travers les nuages comme le jour où il s’offrit à elle, s’enfuit avec le carquois dont il vient encore de lui décocher une flèche.

Juillet 1893FIN de Mélancolique Villégiature De Madame De Breyves

      Portraits De Peintres Et De Musiciens

      Illustration: Madeleine Lemaire

      Portraits de Peintres

      Albert Cuyp

      Cuyp, soleil déclinant dissous dans l’air limpide

      Qu’un vol de ramiers gris trouble comme de l’eau,

      Moiteur d’or, nimbe au front d’un boeuf ou d’un bouleau,

      Encens bleu des beaux jours fumant sur le coteau,

      Ou marais de clarté stagnant dans le ciel vide.

      Des cavaliers sont prêts, plume rose au chapeau,

      Paume au côté; l’air vif qui fait rose leur peau,

      Enfle légèrement leurs fines bouches blondes,

      Et, tentés par les champs ardents, les fraîches ondes,

      Sans troubler par leur trot les boeufs dont le troupeau

      Rêve dans un brouillard d’or pâle et de repos,

      Ils partent respirer ces minutes profondes.

      Paulus Potter

      Sombre chagrin des ciels uniformément gris,

      Plus tristes d’être bleus aux rares éclaircies,

      Et qui laissent alors sur les plaines transies

      Filtrer les tièdes pleurs d’un soleil incompris;

      Potter, mélancolique humeur des plaines sombres

      Qui s’étendent sans fin, sans joie et sans couleur,

      Les arbres, le hameau ne répandent pas d’ombres,

      Les maigres jardinets ne portent pas de fleur.

      Un laboureur tirant des seaux rentre, et, chétive,

      Sa jument résignée, inquiète et rêvant,

      Anxieuse, dressant sa cervelle pensive,

      Homme d’un souffle court le souffle fort du vent.

      Antoine Watteau

      Crépuscule grimant les arbres et les faces,

      Avec son manteau bleu, sous son masque incertain;

      Poussière de baisers autour des bouches lasses…

      Le vague devient tendre, et le tout près, lointain.

      La mascarade, autre lointain mélancolique,

      Fait le geste d’aimer plus faux, triste et charmant.

      Caprice de poète – ou prudence d’amant,

      L’amour ayant besoin d’être orné savamment

      Voici barques, goûters, silences et musique.

      Antoine Van Dyck

      Douce fierté des coeurs, grâce noble des choses

      Qui brillent dans les yeux, les velours et les bois,

      Beau langage élevé du maintien et des poses

      – Héréditaire orgueil des femmes et des rois!

      Tu triomphes, Van Dyck, prince des gestes calmes,

      Dans tous les êtres beaux qui vont bientôt mourir,

      Dans toute belle main qui sait encore s’ouvrir;

      Sans s’en douter, – qu’importe? – elle te tend les palmes!

      Halte de cavaliers, sous les pins, près des flots

      Calmes comme eux – comme eux bien proches des sanglots,

      Enfants royaux déjà magnifiques et graves,

      Vêtements résignés, chapeaux à plumes braves,

      Et bijoux en qui pleure – onde à travers les flammes

      L’amertume des pleurs dont sont pleines les âmes

      Trop hautaines pour les laisser monter aux yeux;

      Et toi pardessus tous, promeneur précieux,

      En chemise bleu pâle, une main à la hanche,

      Dans l’autre un fruit feuillu détaché de la branche,

      Je rêve sans comprendre à ton geste et tes yeux;

      Debout, mais reposé, dans cet obscur asile,

      Duc de Richmond, à jeune sage! – ou charmant fou?

      – Je te reviens toujours: Un saphir, à ton cou,

      A des feux aussi doux que ton regard tranquille.

      Portraits de Musiciens

      Chopin

      Chopin, mer de soupirs, de larmes, de sanglots

      Qu’un vol de papillons sans se poser traverse

      Jouant sur la tristesse ou dansant sur les flots.

      Rêve, aime, souffre, crie, apaise, charme ou berce,

      Toujours tu fais courir entre chaque douleur

      L’oubli vertigineux et doux de ton caprice

      Comme les papillons volent de fleur en fleur;

      De ton chagrin alors ta joie est la complice:

      L’ardeur du tourbillon accroît la soif des pleurs.

      De la lune et des eaux pâle et doux camarade,

      Prince du désespoir ou grand seigneur trahi,

      Tu t’exaltes encore, plus beau d’être pâli,

      Du soleil inondant ta chambre de malade

      Qui pleure à lui sourire et souffre de le voir…

      Sourire du regret et larmes de l’Espoir!

      Gluck

      Temple à l’amour, à l’amitié, temple au courage

      Qu’une marquise a fait élever dans son parc

      Anglais, où maint amour Watteau bandant son arc

      Prend des coeurs glorieux pour cibles de sa rage.

      Mais l’artiste allemand – qu’elle eût rêvé de Cnide!

      Plus grave et plus profond sculpta sans mignardise

      Les amants et les dieux que tu vois sur la frise:

      Hercule a son bûcher dans les jardins d’Armide!

      Les talons en dansant ne frappent plus l’allée

      Où la cendre des yeux et du sourire éteints

      Assourdit nos pas lents et bleuit les lointains;

      La voix des clavecins s’est tue ou s’est fêlée.

      Mais votre cri muet, Admète, Iphigénie,

      Nous terrifie encore, proféré par un geste

      Et,

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