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Les voyageurs du XIXe siècle. Jules Verne
Читать онлайн.Название Les voyageurs du XIXe siècle
Год выпуска 0
isbn 4064066074371
Автор произведения Jules Verne
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
La population, d'après Pottinger, est partagée en deux classes bien distinctes, les Béloutchis et les Brahouis, et chacune d'elles est subdivisée en un grand nombre de tribus. La première tient du persan moderne par son aspect et sa langue; le brahoui conserve au contraire un grand nombre d'anciens mots hindous. De nombreuses unions entre ces deux classes ont donné naissance à une troisième.
Les Béloutchis, sortis des montagnes du Mekhran, sont tunnites, c'est-à-dire qu'ils considèrent les quatre premiers imans comme les successeurs légitimes de Mahomet. Peuple pasteur, ils en ont les qualités et les défauts. S'ils sont hospitaliers, ils sont indolents, et passent leur temps à jouer et à fumer. Ils se bornent généralement à posséder une ou deux femmes, qu'ils sont moins jaloux que les autres musulmans de laisser voir aux étrangers. Ils ont un grand nombre d'esclaves des deux sexes, qu'ils traitent avec bonté. Excellents tireurs, ils sont chasseurs passionnés; d'une bravoure à toute épreuve, ils se plaisent aux razzias, qui portent chez eux le nom de «tchépaos.» Ces expéditions sont, ordinairement, le fait des Nhérouis, les plus sauvages et les plus pillards des Béloutchis.
Quant aux Brahouis, ils poussent encore plus loin leurs habitudes errantes. Peu d'hommes sont plus actifs et plus forts, endurant aussi bien le froid glacial des montagnes que la chaleur embrasée des plaines. Généralement petits, aussi braves, aussi habiles tireurs, aussi fidèles à leur parole que les Béloutchis, ils ont un goût moins prononcé pour la rapine.
«Je n'ai vu aucun autre peuple asiatique, dit Pottinger, auquel ils ressemblent, car un grand nombre ont la barbe et les cheveux bruns.»
Après un assez court séjour à Kélat, les deux voyageurs, qui continuaient à se faire passer pour des marchands de chevaux, jugèrent à propos de reprendre leur voyage; mais, au lieu de suivre la grande route de Candahar, ils traversèrent un pays triste et stérile, fort peu peuplé, qu'arrose le Caïsser, rivière sans eau pendant l'été. Ils arrivèrent, sur la frontière de l'Afghanistan, dans une petite ville appelée Noschky ou Nouchky.
En cet endroit, des Béloutchis, qui semblaient leur vouloir du bien, leur représentèrent la difficulté de gagner le Khorassan et Hérat, sa capitale, par la route du Sedjistan.
«Gagnez le Kerman, leur disait-on, par Kedje et Benpour ou par Serhed, village à la frontière occidentale du Béloutchistan, et de là entrez dans le Nermanchir.»
L'idée de suivre deux routes sourit immédiatement à Christie et à Pottinger. Cette résolution était cependant contraire à leurs instructions, mais «nous trouvions notre excuse, dit Pottinger, dans l'avantage incontestable qui en résulterait, en procurant, sur les régions que nous étions chargés d'explorer, des connaissances géographiques et statistiques plus étendues que celles que l'on pourrait espérer si nous voyagions ensemble.»
Christie partit le premier par la route de Douchak; nous le suivrons plus tard.
Quelques jours plus tard, Pottinger reçut à Nouschky, de son correspondant de Kélat, des lettres lui apprenant que des envoyés des émirs du Sindhy étaient à leur recherche, car ils avaient été reconnus, et que le soin de sa sûreté devait le déterminer à partir au plus tôt.
Le 25 mars, le lieutenant anglais prenait donc la route de Serawan, très petite ville située près de la frontière afghane. Avant d'y parvenir, Pottinger avait rencontré sur son chemin des monuments singuliers, tombeaux ou autels, dont la construction était attribuée aux «Guèbres», ces adorateurs du feu, qui portent aujourd'hui le nom de «Parsis».
Serawan est à six milles des monts Serawani, au milieu d'un canton stérile et nu. Cette ville ne doit sa fondation qu'à l'approvisionnement constant et considérable d'eau que lui fournit le Beli, avantage inappréciable dans une contrée continuellement exposée à la sécheresse, à la disette et à la famine.
Pottinger visita ensuite le district de Kharan, renommé pour la force et l'agilité de ses chameaux, et traversa le désert qui forme l'extrémité méridionale de l'Afghanistan. Le sable y est excessivement ténu, ses particules sont presque impalpables; il forme, sous l'action du vent, des monticules de dix à vingt pieds de haut séparés par de profondes vallées. Même par un temps calme, un grand nombre de particules flottent dans l'air, donnent lieu à un mirage d'une espèce particulière, et, pénétrant dans les yeux, la bouche ou les narines, causent une irritation excessive en même temps qu'une soif inextinguible.
En pénétrant sur le territoire du Mekhran, Pottinger dut prendre le caractère d'un «pyrzadeh» ou saint, parce que la population est essentiellement pillarde et que sa qualité apparente de commerçant n'aurait pas manqué de lui attirer les aventures les plus désagréables.
Au village de Goul, dans le district de Daïzouk, succèdent le bourg ruiné d'Asmanabad, celui d'Hefter et la ville de Pourah, où Pottinger fut obligé d'avouer sa qualité de Frangui, au grand scandale du guide, qui, depuis deux mois qu'ils vivaient ensemble, ne s'en doutait pas, et auquel il avait donné mainte preuve de sainteté.
Enfin, épuisé de fatigue, à bout de ressources, Pottinger atteint Benpour, localité visitée, en 1809, par un capitaine d'infanterie cipaye du Bengale, M. Grant. Fort de l'excellent souvenir que cet officier a laissé, le voyageur se rend auprès du Serdar. Mais celui-ci, au lieu de mettre à sa disposition les secours nécessaires à la continuation de son voyage, au lieu de se contenter du faible présent que Pottinger lui a fait, trouve encore moyen d'extorquer une paire de pistolets, qui lui auraient été bien utiles dans ses pérégrinations.
Basman est le dernier lieu d'habitation fixe du Béloutchistan. On visite en ce lieu une source d'eau bouillante sulfureuse que les Béloutchis regardent comme un excellent spécifique dans les maladies cutanées.
Les frontières de la Perse sont loin d'être établies d'une manière scientifique. Aussi existe-t-il une large bande de territoire non pas neutre, mais sujette à contestation et théâtre ordinaire de luttes sanglantes.
La petite ville de Regan, dans le Nermanchir, est très jolie. C'est un fort, ou plutôt un village fortifié entouré de hautes murailles bien entretenues et munies de bastions.
Plus loin, dans la Perse même, on rencontre Bemm, ville autrefois très importante, comme en témoignent les ruines étendues dont elle est entourée. Pottinger y fut reçu avec beaucoup de cordialité par le gouverneur.
«Quand il fut près de l'endroit où je me trouvais, dit le voyageur, il se tourna vers un de ses gens et lui demanda où était le Frangui. On me désigna; il me fit signe de la main de le suivre, et en même temps son regard fixe, qui me toisait de la tête aux pieds, exprimait