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Mathématiques et Mathématiciens: Pensées et Curiosités. Alphonse Rebière
Читать онлайн.Название Mathématiques et Mathématiciens: Pensées et Curiosités
Год выпуска 0
isbn 4064066080549
Автор произведения Alphonse Rebière
Жанр Математика
Издательство Bookwire
Le matelot qu'une exacte observation de la longitude préserve du naufrage, doit la vie à une théorie conçue, deux mille ans auparavant[1], par les hommes qui avaient en vue de simples spéculations géométriques.
Condorcet.
C'est par les sciences mathématiques qu'il convient de commencer la série des connaissances humaines, parce que ce sont celles qui exigent pour point de départ et qui ont pour objet un plus petit nombre d'idées. De plus, on peut étudier les vérités dont elles se composent sans recourir aux autres branches de nos connaissances, et celles-ci leur empruntent, au contraire, de nombreux secours, tels par exemple que les théorèmes et les calculs sur lesquels s'appuient les sciences physiques et industrielles; la mesure des champs et le calendrier, si nécessaires à l'agriculture; la mesure précise des différents degrés de probabilité de celles de nos connaissances qui ne sont pas susceptibles d'une certitude complète, et les exemples les plus frappants de la diversité des méthodes que la philosophie doit examiner; la détermination des lieux et des temps, bases de la géographie et de l'histoire; et, parmi les sciences politiques, où leurs applications sont si nombreuses, quels indispensables secours ne prêtent-elles pas surtout à toutes les parties de l'art militaire?
Ampère.
NOTIONS PRIMITIVES
On trouvera peut-être étrange que la géométrie[2] ne puisse définir aucune des choses qu'elle a pour principaux objets; car elle ne définit ni le mouvement, ni le nombre, ni l'espace; et cependant ces trois choses sont celles qu'elle considère particulièrement... Mais on n'en sera pas surpris, si l'on remarque que cette admirable science ne s'attachant qu'aux choses les plus simples, cette même qualité qui les rend dignes d'être ses objets, les rend incapables d'être définies; de sorte que le manque de définition est plutôt une perfection qu'un défaut, parce qu'il ne vient pas de leur obscurité, mais au contraire de leur extrême évidence...
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... Quand elle (la géométrie) est arrivée aux premières vérités connues, elle s'arrête là et demande qu'on les accorde, n'ayant rien de plus clair pour les prouver; de sorte que tout ce que la géométrie propose est parfaitement démontré, ou par la lumière naturelle, ou par les preuves. De là vient que si cette science ne définit et ne démontre pas toutes choses, c'est par cette seule raison que cela nous est impossible.
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... Se tenir dans ce milieu de ne point définir les choses claires et entendues de tous les hommes et de définir toutes les autres; et de ne point prouver toutes les choses connues des hommes, et de prouver toutes les autres. Contre cet ordre pèchent également ceux qui entreprennent de tout définir et de tout prouver, et ceux qui négligent de le faire dans les choses qui ne sont pas évidentes d'elles-mêmes.
Pascal.
Il est des notions premières qu'on est en droit de supposer aux élèves. Elles serviront à leur donner d'autres connaissances. Nous ne chercherons pas à les éclaircir elles-mêmes, parce que les explications n'ont pour but que de ramener ce que l'on ne connaît pas à ce que l'on connaît et qu'il faut par conséquent admettre a priori certaines notions, certaines idées par leur simple énoncé, ou par la simple dénomination par laquelle on les a désignées.
Duhamel.
La figure est inhérente à l'objet, le nombre dépend de l'unité.
C'est dans la sphère propre de l'esprit, et bien au delà des résultats de l'observation, non dans ces résultats eux-mêmes, qu'il faut chercher la véritable source des idées géométriques, quoique leur point d'application soit plus bas, dans la sphère expérimentale, là où la matière et l'esprit se joignent et où les idées, prenant corps, nous deviennent en quelque sorte palpables.
Le monde idéal a son autonomie, ses lois distinctes, comme le monde physique. Mais ils s'appellent l'un l'autre, l'harmonie règne entre eux, jusqu'à un haut degré d'approximation qui d'ailleurs nous échappe.
Boussinesq.
L'origine des notions mathématiques a donné lieu à des controverses encore pendantes parmi les philosophes. Pour les uns, nombres et figures sont des types créés de toutes pièces par l'esprit, et qui s'imposent aux choses de l'expérience, en vertu d'une mystérieuse concordance entre la pensée et la réalité extérieure. Pour les autres, au contraire, nombres et figures ne font pas exception à cette loi générale d'après laquelle toute connaissance dériverait, soit directement, soit indirectement, de l'expérience sensible. Dans un cas, les notions mathématiques seraient des modèles; dans l'autre, elles seraient des copies.
Ce n'est pas le lieu d'entrer dans cette controverse et de peser les raisons invoquées de part et d'autre. Il nous suffira de constater deux faits: en premier lieu, quelque opinion qu'on professe sur l'origine des notions mathématiques, on ne contestera pas qu'elles ne sont pas des représentations absolument exactes des réalités extérieures. L'unité est divisible en parties rigoureusement égales; il n'en est pas ainsi d'un objet réel; jamais la moitié, le quart, le dixième de cet objet ne sera rigoureusement égal à l'autre moitié, à chacun des trois autres quarts, à chacun des neuf autres dixièmes, et même plus les subdivisions se multiplieront, plus l'inégalité réelle des parties augmentera. Le cercle des géomètres a des rayons absolument égaux; jamais il n'en sera ainsi des rayons d'un cercle réel; tous les points d'une surface sphérique sont équidistants du centre; jamais il n'en sera ainsi des rayons d'une sphère matérielle. En second lieu, le mathématicien considère souvent des nombres et des figures dont il n'a jamais trouvé les modèles dans la réalité. Toute division d'un objet réel en parties égales a une limite que nos sens et nos instruments de précision, même les plus perfectionnés, sont impuissants à franchir; cette limite, la pensée du mathématicien la franchit aisément, et au delà des plus petites divisions possibles d'un objet, il conçoit d'autres divisions encore et toujours à l'infini; de même il est des limites à l'addition des objets; il n'en est pas à celle des unités mathématiques; la nature a bien vite cessé de fournir; la numération ne s'arrête jamais. De même en géométrie, si variées que soient les formes réalisées dans la nature, il en est dont le géomètre étudie les propriétés, sans les avoir jamais rencontrées dans le monde extérieur. Qui a vu un polygone régulier d'un millier de côtés?
Il résulte de ce double fait que, même dans le cas où l'esprit tirerait de l'expérience les premiers éléments dont il compose les notions mathématiques, il les élabore, les transforme, et ne tarde pas à s'affranchir des suggestions expérimentales. Il procède alors comme s'il les tirait de son propre fonds. Aussi, sans prendre ici part dans ce conflit de doctrines sur l'origine première des notions mathématiques, on peut et on doit considérer ces notions comme des constructions faites par