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guides aux mains d’un valet de pied et vint s’asseoir dans la grande calèche, qui se mêla alors à l’immense défilé des voitures retournant à Bruxelles.

      –Eh bien! nous avons terminé? demanda aussitôt Iza à Yerchemont.

      –Oui, c’est fini; cette fois encore la banque sera sauvée.

      –Il fallait donc beaucoup?

      –Plus de deux millions.

      –Ah1et vous les avez?

      –Je les recevrai demain matin.

      –Croyez-vous qu’il n’est pas bien imprudent de remettre encore cette somme à la banque?

      –J’ai promis.

      –Encore pourriez-vous en distraire une partie pour payer les fournisseurs!

      –Ma chère enfant, ne vous occupez pas de cela, cela regarde mon homme d’affaires.

      –Mais vous n’allez pas, au moins, laisser tout en l’état dans l’administration de la banque et n’y pas faire les changements que vous avez arrêtés?

      –J’agirai selon les avis que vous m’avez donnés; je me suis entendu avec le conseil représentant les actionnaires; tous les employés de la caisse sont changés; le caissier général sera remplacé par la personne que vous m’avez recommandée; dès son arrivée, elle entrera en fonction. Ainsi, nous serons sûrs d’elle, et cela évitera la dernière catastrophe qui pourrait arriver.

      –Vous avez reçu, sur elle, les renseignements que je vous avais fait demander?

      –Oui, ils sont excellents; c’est un homme rompu aux affaires, d’une parfaite honorabilité, ayant tenu un emploi de ce genre dans une banque qui n’a pas réussi, la banque Franco-Hongroise, et dont la famille habite là-bas. Ce qui m’a fait ne pas hésiter, c’est que, cette personne, étant étrangère, n’ayant aucune connaissance ici, sera à l’abri des entraînements qui, à mesure que j’y entre, m’effrayent davantage chaque jour.

      –Et pourquoi cet effroi, mon cher ami? N’êtes-vous pas le maître absolu de votre situation? Vous êtes sans famille.

      –Oh! si, fit-il en lui prenant affectueusement une main entre les siennes; j’ai foi en toi, dont l’avenir m’inquiète. Si un malheur m’arrivait!

      –Si un malheur vous arrivait, Oscar, je voudrais le partager avec vous, comme vous avez partagé mes peines.

      ––Merci, fit-il.

      Et, comme elle se penchait un peu sur lui, il la pressa, tressaillant à la tiédeur de sa joue.

      –Ainsi, lorsqu’il arrivera, vous l’installerez immédiatement dans sa place?

      –J’ai fait ainsi que vous m’avez dit, ma chère Iza. Je sais qu’il est un peu de votre famille. M. Carle Zintsky a dans l’administration même–le conseil de surveillance l’a voulu ainsi–son appartement; il est préparé. Fort probablement vous serez avertie la première de son arrivée; faites-moi prévenir, et j’aviserai.

      –Merci; vous êtes toujours bon pour moi et les miens.

      –Vous avez fait le bonheur de ma vie. Dieu veuille qu’en entrant dans l’administration il y apporte aussi le bonheur et la chance. 1

      –C’est un intelligent, sachez-le, et, avant peu, il vous dira la cause du mal.

      –Mais ne parlons plus d’affaires. Que faisons-nous ce soir? Ne m’avez-vous pas dit que nous allions chez Van Ber-Costeinn?

      –Oui, mais vous devez vous trouver avec ces messieurs au cercle. Vous aurez la bonté de me descendre à l’hôtel en vous y faisant conduire. Vous dînez sans nous, entre, hommes, je crois; vous avez des paris à régler, à causer de la course, je ne sais.

      –Que ferez-vous, alors?

      –Je dîne à la maison avec deux amies qui doivent venir. Puis ce soir nous irons ensemble à la Monnaie.

      –J’irai vous prendre alors à la fin du spectacle pour vous mener chez Van Ber-Costeinn.

      –Si vous voulez. Nous pouvons nous retrouver chez Van Ber-Costeinn, puisque vous restez avec ces messieurs, si vous jouez. Faites comme il vous plaira, ne vous gênez pas; si vous n’êtes pas à la sortie du théâtre, j’irai seule.

      –Oh! j’y serai.

      La Grande Iza ne put réprimer un mouvement d’ennui à cette réponse. Oscar ne le vit point.

      Les voitures étaient si nombreuses qu’on devait marcher au pas; mais on arrivait près du parc, et, moins foulés, les postillons reprirent une plus vive allure.

      Quelques minutes après, l’équipage s’arrêtait rue de la Loi, et un valet de pied ouvrit la portière.

      Oscar descendit, présenta sa main aux deux dames, et, offrant son bras à la Grande Iza, il la conduisit jusqu’au perron, où il lui dit:

      –A ce soir, au revoir.

      Et, remontant en voiture, il se fit conduire au cercle.

      Iza exécuta ponctuellement ce qu’elle avait dit. Le soir, elle se trouvait dans une loge à la Monnaie; mais, un peu avant la fin de la représentation, prétextant qu’elle avait oublié quelque bibelot à l’hôtel, elle quitta le théâtre, prit une voiture sur la place et se fit conduire à Saint-Josse-ten-Noode.

      La vigilante s’arrêta devant un petit hôtel garni; Iza y entra. Au bruit de la voiture, un homme était accouru, qui vint lui prendre la main et la fit monter au premier étage, où elle entra dans une chambre de modeste apparence.

      –Enfin, te voilà! lui dit-il, assieds-toi; je sais que tu as du nouveau; j’ai vu Norock.

      –Ah! tu l’as vu? Tu sais alors qu’il a rapporté les papiers de Léa et, Dieu merci! le coffre.

      –Je le sais. Oh! j’avais confiance en lui, il est très adroit. Maintenant, autre chose; mets-toi à ton aise, retire ton manteau.

      –Non, non. Je n’ai pas le temps.

      Et, entr’ouvrant son manteau:

      –Tu vois, je suis en toilette de soirée. J’ai quitté le théâtre plus tôt pour qu’il ne vînt pas me rejoindre. Il faut que je parte aussitôt; nous passons la nuit chez Van Ber-Costeinn, à côté du jardin Botanique. Écoute-moi.

      –Qu’y a-t-il?

      Elle lui prit les mains, l’attira vers elle, l’embrassa chaudement sur les lèvres et dit:

      –Aujourd’hui, à compter de demain, nous allons commencer. Fais bien attention; combine bien, agis avec calme, je suis prête à tout. Il faut qu’avant trois mois nous en ayons fini.

      –Ah! c’est fait?

      –Oui, je vais lui dire qu’un télégramme m’annonce ton arrivée. Tu es en route depuis deux jours; tu seras à Bruxelles demain dans la journée. Pars ce soir pour le Luxembourg; là-bas, tu revêtiras ton costume, et demain tu reviendras, afin d’arriver dans la journée à l’hôtel. Là, je te présenterai; tu resteras au siège même de la banque; tu as un appartement, mais j’en ai les clefs. Tu seras immédiatement installé. Les fonds que l’on reçoit demain, et avec lesquels vont être payés les coupons, suivant la combinaison que tu m’as censé envoyée de là-bas, et qui t’a placé en si haute estime auprès de ces messieurs, vont relever la banque. La publicité va être vivement poussée, l’argent étant en caisse. L’émission va être lancée, les versements se feront, et, avant deux mois, l’affaire sera faite. Alors, mon Carle, alors, nous partirons tous les deux; nous serons vraiment, toi, le prince, et moi la princesse de Zintsky.

      –Mais lui?:

      –Il sera mort!

      –Oh!

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