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était interdite à tous, sans exception. Il laissait en suspens les plus pressantes affaires. La perspective de la riche succession d'Espagne s'évanouit, parce qu'il ne sut se résoudre à épouser l'infante Isabelle. L'Empire était menacé de la plus épouvantable anarchie, parce que son chef, quoique sans héritier, ne pouvait se déterminer à faire élire un roi des Romains. Les états d'Autriche lui refusèrent l'obéissance; la Hongrie et la Transylvanie se détachèrent de sa souveraineté, et la Bohême ne tarda pas à suivre leur exemple. Les successeurs de ce Charles-Quint, si redouté, couraient le danger d'être dépouillés d'une partie de leurs possessions par les Turcs, d'une autre par les protestants, et de succomber, sans espoir de salut, sous une ligue puissante de princes, qu'un grand monarque formait contre eux en Europe. Dans l'intérieur de l'Allemagne, il arriva ce qu'on avait toujours vu arriver quand le trône était vacant ou que l'empereur manquait des qualités impériales. Les membres de l'Empire, lésés ou abandonnés par leur chef suprême, cherchent leur secours en eux-mêmes, et il faut que des alliances suppléent à l'autorité qu'ils ne trouvent pas dans l'empereur. L'Allemagne se partage en deux unions, qui s'observent mutuellement les armes à la main. Rodolphe, adversaire méprisé de l'une, protecteur impuissant de l'autre, reste oisif et inutile entre elles, également incapable de disperser ses ennemis et de dominer ses partisans. Que pouvait attendre, en effet, l'empire germanique d'un prince qui n'était pas même capable de défendre contre un ennemi intérieur ses États héréditaires? Pour prévenir la ruine complète de la maison d'Autriche, sa propre famille se réunit contre lui, et une faction puissante se jette dans les bras de son frère. Chassé de tous ses domaines, il n'a plus à perdre que la couronne impériale, et la mort vient à propos lui sauver cette dernière ignominie.

      Ce fut le mauvais génie de l'Allemagne qui lui donna pour chef un Rodolphe, à cette époque difficile, où une souple prudence et un bras puissant pouvaient seuls conserver la paix de l'Empire. En un temps plus tranquille, la Confédération germanique se serait elle-même tirée d'affaire, et Rodolphe, comme tant d'autres de son rang, aurait caché sa faiblesse dans une obscurité mystérieuse. Le besoin pressant des vertus qui lui manquaient fit paraître au grand jour son incapacité. La situation de l'Allemagne demandait un empereur qui pût donner par ses propres forces du poids à ses résolutions, et les États héréditaires de Rodolphe, quelque considérables qu'ils fussent, se trouvaient dans une situation qui plaçait leur souverain dans un extrême embarras.

      Les princes autrichiens étaient, à la vérité, catholiques, et de plus les soutiens de la papauté; mais il s'en fallait beaucoup que leurs États fussent catholiques comme eux. Les nouvelles opinions y avaient aussi pénétré; favorisées par les embarras de Ferdinand et la bonté de Maximilien, elles s'y étaient répandues avec un rapide succès. Les domaines autrichiens présentaient en petit le même spectacle que l'Allemagne en grand. La plupart des seigneurs et des chevaliers étaient évangéliques, et dans les villes les protestants avaient acquis une grande prépondérance. Lorsqu'ils eurent réussi à faire siéger dans les états des provinces quelques-uns des leurs, peu à peu les protestants occupèrent, l'une après l'autre, les charges provinciales, remplirent les conseils et supplantèrent les catholiques. Contre l'ordre nombreux des seigneurs et des chevaliers et les députés des villes, que pouvait faire la voix de quelques prélats, que des railleries grossières et un mépris insultant finirent même par chasser entièrement de la diète? L'assemblée des états d'Autriche devint ainsi insensiblement toute protestante, et, dès lors, la réforme fit des pas rapides vers une existence publique. Le prince dépendait des états, parce que c'étaient eux qui refusaient ou consentaient les impôts. Ils profitèrent de la gêne financière de Ferdinand et de son fils, pour arracher à ces princes une liberté religieuse après l'autre. Enfin Maximilien accorda à l'ordre des seigneurs et des chevaliers le libre exercice de leur culte, mais seulement sur leur propre territoire et dans leurs châteaux. Le zèle indiscret des prédicateurs évangéliques franchit ces bornes fixées par la sagesse. Au mépris de la défense formelle, plusieurs se firent entendre publiquement dans les villes de province et même à Vienne, et le peuple courait en foule à ce nouvel évangile, dont le meilleur assaisonnement était les allusions et les invectives. Ce fut pour le fanatisme un aliment toujours nouveau, et l'aiguillon de ce zèle impur envenima la haine des deux Églises, si voisines l'une de l'autre.

      Parmi les États héréditaires de l'Autriche, il n'en était pas de moins sûrs et de plus difficiles à défendre que la Hongrie et la Transylvanie. L'impossibilité de protéger ces deux pays contre la puissance voisine et supérieure des Turcs avait déjà amené Ferdinand à la détermination humiliante de reconnaître, par un tribut annuel, la suzeraineté de la Porte sur la Transylvanie: funeste aveu d'impuissance, et encore plus dangereuse amorce pour une inquiète noblesse, lorsqu'elle croirait avoir à se plaindre de son souverain. Les Hongrois ne s'étaient pas soumis sans réserve à la maison d'Autriche. Ils maintenaient la liberté d'élire leur roi, et ils réclamaient fièrement tous les droits constitutionnels inséparables de cette liberté. Le proche voisinage de l'empire turc et la facilité de changer de maître impunément fortifiaient encore les magnats dans leur insolence. Mécontents de l'Autriche, ils se jetaient dans les bras des Ottomans; peu satisfaits de ceux-ci, ils revenaient à la souveraineté allemande. Leur passage fréquent et rapide d'une domination à une autre avait influé sur leur caractère: de même que leur pays flottait entre les deux souverainetés allemande et ottomane, leur esprit balançait incertain entre la révolte et la soumission. Plus ces deux pays souffraient de se voir abaissés à l'état de provinces d'une monarchie étrangère, plus ils aspiraient invinciblement à obéir à un chef choisi parmi eux: aussi n'était-il pas difficile à un noble entreprenant d'obtenir leur hommage. Le pacha turc le plus voisin s'empressait d'offrir le sceptre et la couronne à un seigneur révolté contre l'Autriche; un autre avait-il enlevé quelques provinces à la Porte, l'Autriche lui en assurait la possession avec le même empressement, heureuse de conserver par là une ombre de souveraineté et d'avoir gagné un rempart contre les Turcs. Plusieurs de ces magnats, Bathori, Boschkai, Ragoczy, Bethlen, s'élevèrent ainsi successivement, en Hongrie et en Transylvanie, comme rois tributaires, et ils se maintinrent sans autre politique que de s'attacher à l'ennemi, pour se rendre plus redoutables à leur maître.

      Ferdinand, Maximilien et Rodolphe, tous trois souverains de Transylvanie et de Hongrie, épuisèrent leurs autres États pour défendre ces deux pays contre les invasions des Turcs et les révoltes intérieures. A des guerres désastreuses succédaient sur ce sol de courtes trêves, qui n'étaient guère moins funestes. La contrée était au loin dévastée dans toutes les directions, et le sujet maltraité se plaignait également de son ennemi et de son protecteur. Dans ces provinces aussi, la réforme avait pénétré, et, à l'abri de leur liberté d'états, à la faveur du tumulte, elle avait fait de sensibles progrès. On l'attaqua alors aussi imprudemment, et l'exaltation religieuse rendit l'esprit de faction plus redoutable. La noblesse de Transylvanie et de Hongrie, conduite par un rebelle audacieux, nommé Boschkai, lève l'étendard de la révolte. Les insurgés hongrois sont sur le point de faire cause commune avec les protestants mécontents d'Autriche, de Moravie et de Bohême, et d'entraîner tous ces pays dans un même et formidable soulèvement. Dès lors, la ruine de la religion romaine y devenait inévitable.

      Dès longtemps, les archiducs d'Autriche, frères de l'empereur, voyaient avec une indignation muette la chute de leur maison: ce dernier événement fixa leur résolution. Le deuxième fils de Maximilien, l'archiduc Matthias, héritier présomptif de Rodolphe et gouverneur de Hongrie, se leva pour soutenir la maison chancelante de Habsbourg. Dans ses jeunes années, entraîné par le désir d'une fausse gloire, ce prince avait, contre l'intérêt de sa famille, prêté l'oreille aux invitations de quelques rebelles des Pays-Bas, qui l'appelaient dans leur patrie, pour défendre les libertés de la nation contre son propre parent, Philippe II. Matthias, qui avait cru reconnaître dans la voix d'une faction isolée celle du peuple néerlandais tout entier, parut, à cet appel, dans les Pays-Bas. Mais le succès répondit aussi peu aux désirs des Brabançons qu'à son attente, et il abandonna sans gloire une imprudente entreprise. Sa seconde apparition dans le monde politique n'en eut que plus d'éclat.

      Ses représentations redoublées à l'empereur étant demeurées sans effet, il appela à Presbourg les archiducs, ses frères et

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