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Moll Flanders. Daniel Defoe
Читать онлайн.Название Moll Flanders
Год выпуска 0
isbn 4064066086091
Автор произведения Daniel Defoe
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
—De grâce, mon enfant, dit Robin, la beauté est une dot et la bonne humeur en plus est une double dot; je te souhaiterais pour la tienne le demi-fonds qu'elle a des deux.
De sorte qu'il lui ferma la bouche du coup.
—Je découvre, dit la sœur aînée, que si Betty n'est pas amoureuse, mon frère l'est; je m'étonne qu'il ne s'en soit pas ouvert à Betty: je gage qu'elle ne dira pas NON.
—Celles qui cèdent quand elles sont priées, dit Robin, sont à un pas devant celles qui ne sont jamais priées de céder, et à deux pas devant celles qui cèdent avant que d'être priées, et voilà une réponse pour toi, ma sœur.
Ceci enflamma la sœur, et elle s'enleva de colère et dit que les choses en étaient venues à un point tel qu'il était temps que la donzelle (c'était moi) fût mise hors de la famille, et qu'excepté qu'elle n'était point en état d'être jetée à la porte, elle espérait que son père et sa mère n'y manqueraient pas, sitôt qu'on pourrait la transporter.
Robin répliqua que c'était l'affaire du maître et de la maîtresse de la maison, qui n'avaient pas de leçons à recevoir d'une personne d'aussi peu de jugement que sa sœur aînée.
Tout cela courut beaucoup plus loin: la sœur gronda, Robin moqua et railla, mais la pauvre Betty y perdit extrêmement de terrain dans la famille. On me le raconta et je pleurai de tout cœur, et la vieille dame monta me voir, quelqu'un lui ayant dit à quel point je m'en tourmentais. Je me plaignis à elle qu'il était bien dur que les docteurs donnassent sur moi un tel jugement pour lequel ils n'avaient point de cause, et que c'était encore plus dur si on considérait la situation où je me trouvais dans la famille; que j'espérais n'avoir rien fait pour diminuer son estime pour moi ou donner aucune occasion à ce chamaillis entre ses fils et ses filles, et que j'avais plus grand besoin de penser à ma bière que d'être en amour, et la suppliai de ne pas me laisser souffrir en son opinion pour les erreurs de quiconque, excepté les miennes.
Elle fut sensible à la justesse de ce que je disais, mais me dit que puisqu'il y avait eu une telle clameur entre eux, et que son fils cadet jacassait de ce train, elle me priait d'avoir assez confiance en elle pour lui répondre bien sincèrement à une seule question. Je lui dis que je le ferais et avec la plus extrême simplicité et sincérité. Eh bien, alors, la question était: Y avait-il eu quelque chose entre son fils Robert et moi? Je lui dis avec toutes les protestations de sincérité que je pus faire et bien pouvais-je les faire, qu'il n'y avait rien et qu'il n'y avait jamais rien eu; je lui dis que M. Robert avait plaisanté et jacassé, comme elle savait que c'était sa manière, et que j'avais toujours pris ses paroles à la façon que je supposais qu'il les entendait, pour un étrange discours en l'air sans aucune signification, et lui assurai qu'il n'avait pas passé la moindre syllabe de ce qu'elle voulait dire entre nous, et que ceux qui l'avaient insinué m'avaient fait beaucoup de tort à moi et n'avaient rendu aucun service à M. Robert.
La vieille dame fût pleinement satisfaite et me baisa, me consola et me parla gaiement, me recommanda d'avoir bien soin de ma santé et de ne me laisser manquer de rien, et ainsi prit congé; mais quand elle redescendit, elle trouva le frère avec ses sœurs aux prises; elles étaient irritées jusqu'à la fureur, parce qu'il leur reprochait d'être vilaines, de n'avoir jamais eu de galants, de n'avoir jamais été priées d'amour, et d'avoir l'effronterie presque de le faire les premières, et mille choses semblables; il leur opposait, en raillant, Mme Betty, comme elle était jolie, comme elle avait bon caractère, comme elle chantait mieux qu'elles deux et dansait mieux, et combien elle était mieux faite, en quoi faisant il n'omettait pas de chose déplaisante qui pût les vexer. La vieille dame descendit au beau milieu de la querelle et, pour l'arrêter, leur dit la conversation qu'elle avait eue avec moi et comment j'avais répondu qu'il n'y avait rien entre M. Robert et moi.
—Elle a tort là-dessus, dit Robin, car s'il n'y avait pas tant de choses entre nous, nous serions plus près l'un de l'autre que nous ne le sommes; je lui ai dit que je l'aimais extraordinairement, dit-il, mais je n'ai jamais pu faire croire à la friponne que je parlais sérieusement.
—Et je ne sais comment tu l'aurais pu, dit sa mère, il n'y a pas de personne de bon sens qui puisse te croire sérieux de parler ainsi à une pauvre fille dont tu connais si bien la position. Mais, de grâce, mon fils, ajoute-t-elle, puisque tu nous dis que tu n'as pu lui faire croire que tu parlais sérieusement, qu'en devons-nous croire, nous? Car tu cours tellement à l'aventure dans tes discours, que personne ne sait si tu es sérieux ou si tu plaisantes; mais puisque je découvre que la fille, de ton propre aveu, a répondu sincèrement, je voudrais que tu le fisses aussi, en me disant sérieusement pour que je sois fixée: Y a-t-il quelque chose là-dessous ou non? Es-tu sérieux ou non? Es-tu égaré, en vérité, ou non? C'est une question grave, et je voudrais bien que nous fussions satisfaites sur ce point.
—Par ma foi, madame, dit Robin, il ne sert de rien dorer la chose ou d'en faire plus de mensonges: je suis sérieux autant qu'un homme qui s'en va se faire pendre. Si Mme Betty voulait dire qu'elle m'aime et qu'elle veut bien m'épouser, je la prendrais demain matin à jeun, et je dirais: «Je la tiens», au lieu de manger mon déjeuner.
—Alors, dit la mère, j'ai un fils de perdu—et elle le dit d'un ton bien lugubre, comme une qui en fût très affligée.
—J'espère que non, madame, dit Robin: il n'y a pas d'homme perdu si une honnête femme le retrouve.
—Mais, mon enfant, dit la vieille dame, c'est une mendiante!
—Mais alors, madame, elle a d'autant plus besoin de charité, dit Robin; je l'ôterai de dessus les bras de la paroisse, et elle et moi nous irons mendier ensemble.
—C'est mal de plaisanter avec ces choses, dit la mère.
—Je ne plaidante pas, madame, dit Robin: nous viendrons implorer votre pardon, madame, et votre bénédiction, madame, et celle de mon père.
—Tout ceci est hors de propos, fils, dit la mère; si tu es sérieux, tu es perdu.
—J'ai bien peur que non, dit-il, car j'ai vraiment peur qu'elle ne veuille pas me prendre; après toutes les criailleries de mes sœurs, je crois que je ne parviendrai jamais à l'y persuader.
—Voilà bien d'une belle histoire, elle n'est pas déjà partie si loin; Mme Betty n'est point une sotte, dit la plus jeune sœur, penses-tu qu'elle a appris à dire NON mieux que le reste du monde?
—Non, madame Bel-Esprit, dit Robin, en effet, Mme Betty n'est point une sotte, mais Mme Betty peut être engagée d'une autre manière, et alors quoi?
—Pour cela, dit la sœur aînée, nous ne pouvons rien en dire, mais à qui donc serait-elle engagée? Elle ne sort jamais; il faut bien que ce soit entre vous.
—Je n'ai rien à répondre là-dessus, dit Robin, j'ai été suffisamment examiné; voici mon frère, s'il faut bien que ce soit entre nous, entreprenez-le à son tour.
Ceci piqua le frère aîné au vif, et il en conclut que Robin avait découvert quelque chose, toutefois il se garda de paraître troublé:
—De grâce, dit-il, ne va donc pas faire passer tes histoires à mon compte; je ne trafique pas de ces sortes de marchandises; je n'ai rien à dire à aucune Mme Betty dans la paroisse.
Et, là-dessus, il se leva et décampa.
—Non, dit la sœur aînée, je me fais forte de répondre pour mon frère, il connaît mieux le monde.
Ainsi se termina ce discours, qui laissait le frère aîné confondu; il conclut que son frère avait tout entièrement découvert, et se mit à douter si j'y avais ou non pris part; mais, malgré toute sa subtilité, il ne put parvenir à me joindre; enfin, il tomba dans un tel embarras, qu'il en pensa désespérer et résolut qu'il me verrait quoiqu'il en advînt. En effet, il s'y prit de façon qu'un jour, après dîner, guettant sa sœur aînée jusqu'à ce qu'il la vît monter l'escalier, il court après elle.
—Écoute,