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beau chemin.

      – Oh ! Certes non.

      – N’est-ce pas ! Après un tel début ! Prendre le collier de la Reine à six ans, le célèbre collier que convoitait Marie-Antoinette !

      – Et le prendre, observa Floriani, se prêtant au jeu du comte, le prendre sans qu’il lui en coûte le moindre désagrément, sans que personne ait l’idée d’examiner l’état des carreaux, ou s’aviser que le rebord de la fenêtre est trop propre, ce rebord qu’il avait essuyé pour effacer les traces de son passage sur l’épaisse poussière… Avouez qu’il y avait de quoi tourner la tête d’un gamin de son âge. C’est donc si facile ? Il n’y a donc qu’à vouloir et tendre la main ?… Ma foi, il voulut…

      – Et il tendit la main.

      – Les deux mains, reprit le chevalier en riant.

      Il y eut un frisson. Quel mystère cachait la vie de ce soi-disant Floriani ? Combien extraordinaire devait être l’existence de cet aventurier, voleur génial à six ans, et qui, aujourd’hui, par un raffinement de dilettante en quête d’émotion, ou tout au plus pour satisfaire un sentiment de rancune, venait braver sa victime chez elle, audacieusement, follement, et cependant avec toute la correction d’un galant homme en visite !

      Il se leva et s’approcha de la comtesse pour prendre congé. Elle réprima un mouvement de recul. Il sourit.

      – Oh ! Madame, vous avez peur ! Aurais-je donc poussé trop loin ma petite comédie de sorcier de salon ?

      Elle se domina et répondit avec la même désinvolture un peu railleuse :

      – Nullement, monsieur. La légende de ce bon fils m’a au contraire fort intéressée, et je suis heureuse que mon collier ait été l’occasion d’une destinée aussi brillante. Mais ne croyez-vous pas que le fils de cette… femme, de cette Henriette, obéissait surtout à sa vocation ?

      Il tressaillit, sentant la pointe, et répliqua :

      – J’en suis persuadé, et il fallait même que cette vocation fût sérieuse pour que l’enfant ne se rebutât point.

      – Et comment cela ?

      – Mais oui, vous le savez, la plupart des pierres étaient fausses. Il n’y avait de vrai que les quelques diamants rachetés au bijoutier anglais, les autres ayant été vendus un à un selon les dures nécessités de la vie.

      – C’était toujours le Collier de la Reine, monsieur, dit la comtesse avec hauteur, et voilà, me semble-t-il, ce que le fils d’Henriette ne pouvait comprendre.

      – Il a dû comprendre, madame, que faux ou vrai, le collier était avant tout un objet de parade, une enseigne.

      M. de Dreux fit un geste. Sa femme aussitôt le prévint.

      – Monsieur, dit-elle, si l’homme auquel vous faites allusion a la moindre pudeur…

      Elle s’interrompit, intimidée par le calme regard de Floriani.

      Il répéta :

      – Si cet homme a la moindre pudeur ?…

      Elle sentit qu’elle ne gagnerait rien à lui parler de la sorte, et malgré elle, malgré sa colère et son indignation toute frémissante d’orgueil humilié, elle lui dit presque poliment :

      – Monsieur, la légende veut que Rétaux de Villette, quand il eut le Collier de la Reine entre les mains et qu’il en eut fait sauter tous les diamants avec Jeanne de Valois, n’ait point osé toucher à la monture. Il comprit que les diamants n’étaient que l’ornement, l’accessoire, mais que la monture était l’œuvre essentielle, la création même de l’artiste, et il la respecta. Pensez-vous que cet homme ait compris également ?

      – Je ne doute pas que la monture existe. L’enfant l’a respectée.

      – Eh bien ! Monsieur, s’il vous arrive de le rencontrer, vous lui direz qu’il garde injustement une de ces reliques qui sont la propriété et la gloire de certaines familles, et qu’il a pu en arracher les pierres sans que le Collier de la Reine cessât d’appartenir à la maison de Dreux-Soubise. Il nous appartient comme notre nom, comme notre honneur.

      Le chevalier répondit simplement :

      – Je lui dirai, madame.

      Il s’inclina devant elle, salua le comte, salua les uns après les autres tous les assistants et sortit.

      Quatre jours après, Mme de Dreux trouvait sur la table de sa chambre un écrin rouge aux armes du Cardinal. Elle l’ouvrit. C’était le Collier en esclavage de la Reine.

      Mais comme toutes les choses doivent, dans la vie d’un homme soucieux d’unité et de logique, concourir au même but – et qu’un peu de réclame n’est jamais nuisible – le lendemain l’Écho de France publiait ces lignes sensationnelles :

      « Le Collier de la Reine, le célèbre bijou dérobé autrefois à la famille de Dreux-Soubise, a été retrouvé par Arsène Lupin. Arsène Lupin s’est empressé de le rendre à ses légitimes propriétaires. On ne peut qu’applaudir à cette attention délicate et chevaleresque. »

       L’arrestation d’Arsène Lupin

      Table des matières

      L’étrange voyage ! Il avait si bien commencé cependant ! Pour ma part, je n’en fis jamais qui s’annonçât sous de plus heureux auspices. La Provence est un transatlantique rapide, confortable, commandé par le plus affable des hommes. La société la plus choisie s’y trouvait réunie. Des relations se formaient, des divertissements s’organisaient. Nous avions cette impression exquise d’être séparés du monde, réduits à nous-mêmes comme sur une île inconnue, obligés par conséquent, de nous rapprocher les uns des autres.

      Et nous nous rapprochions…

      Avez-vous jamais songé à ce qu’il y a d’original et d’imprévu dans ce groupement d’êtres qui, la veille encore, ne se connaissaient pas, et qui, durant quelques jours, entre le ciel infini et la mer immense, vont vivre de la vie la plus intime, ensemble vont défier les colères de l’Océan, l’assaut terrifiant des vagues et le calme sournois de l’eau endormie ?

      C’est, au fond, vécue en une sorte de raccourci tragique, la vie elle-même, avec ses orages et ses grandeurs, sa monotonie et sa diversité, et voilà pourquoi, peut-être, on goûte avec une hâte fiévreuse et une volupté d’autant plus intense ce court voyage dont on aperçoit la fin du moment même où il commence.

      Mais, depuis plusieurs années, quelque chose se passe qui ajoute singulièrement aux émotions de la traversée. La petite île flottante dépend encore de ce monde dont on se croyait affranchi. Un lien subsiste, qui ne se dénoue que peu à peu, en plein Océan, et peu à peu, en plein Océan, se renoue. Le télégraphe sans fil ! Appels d’un autre univers d’où l’on recevrait des nouvelles de la façon la plus mystérieuse qui soit ! L’imagination n’a plus la ressource d’évoquer des fils de fer au creux desquels glisse l’invisible message. Le mystère est plus insondable encore, plus poétique aussi, et c’est aux ailes du vent qu’il faut recourir pour expliquer ce nouveau miracle.

      Ainsi, les premières heures, nous sentîmesnous suivis, escortés, précédés même par cette voix lointaine qui, de temps en temps, chuchotait à l’un de nous quelques paroles de là-bas. Deux amis me parlèrent. Dix autres, vingt autres nous envoyèrent à tous, à travers l’espace, leurs adieux attristés ou souriants.

      Or, le second jour, à cinq cents milles des côtes françaises, par un après-midi orageux, le télégraphe sans fil nous transmettait une dépêche dont voici la teneur :

      « Arsène Lupin à votre bord, première classe, cheveux blonds, blessure avant-bras droit, voyage seul, sous

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