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Nouveaux contes de fées pour les petits enfants. Comtesse de Ségur
Читать онлайн.Название Nouveaux contes de fées pour les petits enfants
Год выпуска 0
isbn 4064066088521
Автор произведения Comtesse de Ségur
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Beau-Minon était entré par un petit passage qui semblait fait exprès pour lui, et il avait probablement averti quelqu'un du château, car la grille s'ouvrit sans que Blondine eût appelé. Elle entra dans la cour et ne vit personne; la porte du château s'ouvrit d'elle-même. Blondine pénétra dans un vestibule tout en marbre blanc et rare; toutes les portes s'ouvrirent seules comme la première, et Blondine parcourut une suite de beaux salons. Enfin elle aperçut, au fond d'un joli salon bleu et or, une biche blanche couchée sur un lit d'herbes fines et odorantes. Beau-Minon était près d'elle. La biche vit Blondine, se leva, alla à elle et lui dit:
«Soyez la bienvenue, Blondine; il y a longtemps que moi et mon fils Beau-Minon nous vous Attendons.»
Et comme Blondine paraissait effrayée:
«Rassurez-vous, Blondine, vous êtes avec des amis; je connais le roi votre père, et je l'aime ainsi que vous.
—Oh! Madame, dit Blondine, si vous connaissez le roi mon père, ramenez-moi chez lui; il doit être bien triste de mon absence.
—Ma chère Blondine, reprit Bonne-Biche en soupirant, il n'est pas en mon pouvoir de vous rendre à votre père; vous êtes sous la puissance de l'enchanteur de la forêt des Lilas. Moi-même je suis soumise à son pouvoir, supérieur au mien; mais je puis envoyer à votre père des songes qui le rassureront sur votre sort et qui lui apprendront que vous êtes chez moi.
—Comment! Madame, s'écria Blondine avec effroi, ne reverrai-je jamais mon père, mon pauvre père que j'aime tant?
—Chère Blondine, ne nous occupons pas de l'avenir; la sagesse est toujours récompensée. Vous reverrez votre père, mais pas encore. En attendant, soyez docile et bonne. Beau-Minon et moi nous ferons tout notre possible pour que vous soyez heureuse.»
Blondine soupira et répandit quelques larmes. Puis elle pensa que c'était mal reconnaître la bonté de Bonne-Biche que de s'affliger d'être avec elle; elle se contint donc et s'efforça de causer gaiement.
Bonne-Biche et Beau-Minon la menèrent voir l'appartement qui lui était destiné. La chambre de Blondine était toute tapissée de soie rose brodée en or: les meubles étaient en velours blanc, brodés admirablement avec les soies les plus brillantes. Tous les animaux, les oiseaux, les papillons, les insectes y étaient représentés. Près de la chambre de Blondine était son cabinet de travail. Il était tendu en damas bleu de ciel brodé en perles fines. Les meubles étaient en moire d'argent rattachée avec de gros clous en turquoise. Sur le mur étaient accrochés deux magnifiques portraits représentant une jeune et superbe femme et un charmant jeune homme; leurs costumes indiquaient qu'ils étaient de race royale.
«De qui sont ces portraits, Madame? demanda Blondine à Bonne-Biche.
—Il m'est défendu de répondre à cette question, chère Blondine. Plus tard vous le saurez. Mais voici l'heure du dîner; venez, Blondine, vous devez avoir appétit.»
Blondine, en effet, mourait de faim; elle suivit Bonne-Biche et entra dans une salle à manger où était une table servie bizarrement. Il y avait un énorme coussin en satin blanc, placé par terre pour Bonne-Biche; devant elle, sur la table, était une botte d'herbes choisies, fraîches et succulentes. Près des herbes était une auge en or, pleine d'une eau fraîche et limpide. En face de Bonne-Biche était un petit tabouret élevé, pour Beau-Minon; devant lui était une écuelle en or, pleine de petits poissons frits et de cuisses de bécassines; à côté, une jatte en cristal de roche, pleine de lait tout frais.
Entre Bonne-Biche et Beau-Minon était le couvert de Blondine; elle avait un petit fauteuil en ivoire sculpté, garni de velours nacarat rattaché avec des clous en diamant. Devant elle était une assiette en or ciselé, pleine d'un potage délicieux de gelinottes et de becfigues. Son verre et son carafon étaient taillés dans du cristal de roche; un petit pain mollet était placé à côté d'une cuiller qui était en or ainsi que la fourchette. La serviette était en batiste si fine, qu'on n'en avait jamais vu de pareille. Le service de la table se faisait par des gazelles qui étaient d'une adresse merveilleuse; elles servaient, découpaient et devinaient tous les désirs de Blondine, de Bonne-Biche et de Beau-Minon.
Le dîner fut exquis: les volailles les plus fines, le gibier le plus rare, les poissons les plus délicats, les pâtisseries, les sucreries les plus parfumées. Blondine avait faim; elle mangea de tout et trouva tout excellent.
Après le dîner, Bonne-Biche et Beau-Minon menèrent Blondine dans le jardin; elle y trouva les fruits les plus succulents et des promenades charmantes. Après avoir bien couru, s'être bien promenée, Blondine rentra avec ses nouveaux amis: elle était fatiguée. Bonne-Biche lui proposa d'aller se coucher, ce que Blondine accepta avec joie.
Elle entra dans sa chambre à coucher, où elle trouva deux gazelles qui devaient la servir: elles la déshabillèrent avec une habileté merveilleuse, la couchèrent et s'établirent près du lit pour la veiller.
Blondine ne tarda pas à s'endormir, non sans avoir pensé à son père et sans avoir amèrement pleuré sur sa séparation d'avec lui.
VI
SECOND RÉVEIL DE BLONDINE
Blondine dormit profondément, et, quand elle se réveilla, il lui sembla qu'elle n'était plus la même que lorsqu'elle s'était couchée; elle se voyait plus grande; ses idées lui semblèrent aussi avoir pris du développement; elle se sentait instruite; elle se souvenait d'une foule de livres qu'elle croyait avoir lus pendant son sommeil; elle se souvenait d'avoir écrit, dessiné, chanté, joué du piano et de la Harpe.
Pourtant sa chambre était bien celle que lui avait montrée Bonne-Biche et dans laquelle elle s'était couchée la veille.
Agitée, inquiète, elle se leva, courut à une glace, vit qu'elle était grande, et, nous devons l'avouer, se trouva charmante, plus jolie cent fois que lorsqu'elle s'était couchée. Ses beaux cheveux blonds tombaient jusqu'à ses pieds; son teint blanc et rosé, ses jolis yeux bleus, son petit nez arrondi, sa petite bouche vermeille, ses joues rosées, sa taille fine et gracieuse, faisaient d'elle la plus jolie personne qu'elle eût jamais vue.
Émue, presque effrayée, elle s'habilla à la hâte et courut chez Bonne-Biche, qu'elle trouva dans l'appartement où elle l'avait vue la première fois.
«Bonne-Biche! Bonne-Biche! s'écria-t-elle, expliquez-moi de grâce la métamorphose que je vois et que je sens en moi. Je me suis couchée hier au soir enfant, je me réveille ce matin grande personne; est-ce une illusion? ou bien ai-je véritablement grandi ainsi dans une nuit?
—Il est vrai, ma chère Blondine, que vous avez aujourd'hui quatorze ans; mais votre sommeil dure depuis sept ans. Mon fils Beau-Minon et moi, nous avons voulu vous épargner les ennuis des premières études; quand vous êtes venue chez moi, vous ne saviez rien, pas même lire. Je vous ai endormie pour sept ans, et nous avons passé ces sept années, vous à apprendre en dormant, Beau-Minon et moi à vous instruire. Je vois dans vos yeux que vous doutez de votre savoir; venez avec moi dans votre salle d'étude, et assurez-vous par vous-même de tout ce que vous savez.»
Blondine suivit Bonne-Biche dans la salle d'étude; elle courut au piano, se mit à en jouer, et vit qu'elle jouait très bien; elle alla essayer sa harpe et en tira des sons ravissants; elle