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UKAPISME - Une Gauche perdue. Christopher Ford
Читать онлайн.Название UKAPISME - Une Gauche perdue
Год выпуска 0
isbn 9783838268996
Автор произведения Christopher Ford
Издательство Автор
« … a interféré avec la préparation des mouvements de troupes soviétiques en Bessarabie et en Galicie pour joindre la Hongrie des Soviets. Comme conséquence de ceci, le pouvoir bourgeois de Pologne et de Roumanie fut solidement établi en Bessarabie et en Galicie, et la Hongrie des Soviets fut étranglée avec l'active participation de la même armée roumaine qui n'avait maintenant plus aucune crainte à avoir sur ses arrières. »63
Il ne semble pas que cette appréciation sur les Nezalezhyky ait été partagée par les communistes hongrois, ni par le commandant de l'Armée rouge Antonov-Ovseenko, qui protesta le 17 avril 1919 qu'il était entravé à cause « de la direction ukrainienne mettant des bâtons dans les roues du commandement militaire », tout en plaidant pour une coalition avec les « SD Nezalezhniki et les SR ukrainiens » et pour que la Russie traite les Ukrainiens avec plus de « tact ».64
2.4 Le comité révolutionnaire pan- ukrainien (1919)
N'arrivant pas à réformer la RSS d'Ukraine, les Nezalezhnyky s'orientent vers l'insurrection ouverte alors que la situation va de mal en pis. La décision d'engager « le combat contre les bolcheviks russes et ukrainiens » a conduit à la mutinerie de la division conduite par Zeleny65, elle-même causée par l'un des nombreux « malentendus » causés par le reniement de la promesse faites aux unités militaires de former une Armée Rouge Ukrainienne dans une République indépendante66.
Les Nezalezhnyky «présomptueusement se jetèrent dans les masses en effervescence, espérant prévenir leur récupération par les forces contre-révolutionnaires » et essayant « de diriger le soulèvement non comme un soulèvement contre le pouvoir des soviets en tant que tel, non pas contre le pouvoir communiste, mais contre le pouvoir du gouvernement en place en tant que pouvoir occupant. »67 Le 10 avril ils adoptèrent un projet d'accord avec les représentants des SR ukrainiens et avec le « POSDU officiel » pour un soulèvement qui établissait que :
« Les signataires du présent accord, tant dans le Conseil de la République que dans les autres organes de pouvoir d'Etat, s'engagent à mettre en oeuvre les principes suivants : 1. Renforcement et défense de l'indépendance et de l'autonomie de la République ukrainienne nationale. 2. Etablissement d'un gouvernement du peuple travailleur (excluant les éléments qui exploitent le travail d'autrui), 3. Organisation de l'économie nationale sur la base des intérêts des masses laborieuses et d'une transition organisée de l'ordre capitaliste à l'ordre socialiste, avec l'expropriation immédiate de la propriété foncière des non-travailleurs. »68
D'après ce plan ambitieux, la lutte devait commencer simultanément sur le territoire de la RSS d'Ukraine et sur celui de l'UNR tenu par le Directoire de Petlioura69. Mais les Nezalezhnyky eurent un problème au départ : les Borotbistes refusèrent de participer et un petit groupe de Nezalezhnyky avec Hukovych et Pankiv scissionna70.
Sans attendre les autres organisations, les Nezalezhnyky établirent un Comité Révolutionnaire Pan-Ukrainien basé à Skvyra [petite ville à une soixantaine de kilomètres au Sud de Kyiv, NdT] et dirigé par Yu. Mazurenko, Richytsky, Avdiyenko et Drahomyretsky. Les insurgés comportaient divers régiments rouges, la première division du soviet de Kyiv de Zeleny, les forces de Sokolovsky, Anhel et Yurko Tiutiunnyk de la Sixième Brigade soviétique. L'ordre n° 48 du Revkom [le Comité Révolutionnaire] appelait à « lutter contre les traîtres aux masses travailleuses », le « gouvernement d'occupation de Rakovsky » et à l'arrestation du « Directoire traître, qui négocie avec la France et les autres impérialismes. »71
Le soulèvement n'était pas tant une lutte contre l'Ukraine soviétique qu'une lutte pour le pouvoir en son sein72. Plus étendue que le soulèvement de Cronstadt en 1921, la révolte Nezalezhnyky est souvent ramenée à une médiocre « jacquerie » [en français dans le texte, ndt]73. En fait elle fut historiquement unique : les communistes russes furent défiés par l'exigence d'élections libres aux soviets, par des marxistes se réclamant de la révolution communiste. Le mouvement s'étendit rapidement et pendant deux à trois semaines le Revkom eût le contrôle de plusieurs districts de la rive droite du Dniepr. Selon les descriptions bolcheviks le camp rebelle comptait 25 000 hommes, selon d'autres de 5000 à 10 00074. S'appuyant sur le succès initial Mazurenko adressa un ultimatum à Rakovsky :
« A l'attention de : Rakovsky, chef du Gouvernement Ukrainien des ouvriers et des paysans autoproclamé.
Adopté le 25 juin 1919 dans la ville de Skvyra.
Au nom du peuple travailleur ukrainien insurgé je vous annonce que les ouvriers et les paysans en Ukraine ont pris les armes contre vous, gouvernement de conquérants russes qui s'est drapé dans les slogans pour nous sacrés que sont : 1. le pouvoir des soviets ouvriers et paysans, 2. l'auto-détermination des nations, incluant la sécession, 3. la lutte contre les gouvernements impérialistes conquérants et pillards des masses laborieuses, profanant ces devises sacrées, salissant le vrai pouvoir des travailleurs et des paysans pauvres jusque dans les pays voisins, et usant des moyens pour des objectifs étrangers au socialisme. »
C'était leur « chant du cygne ». Ils avaient cru avoir pris la direction du mouvement spontané, mais les évènements montrèrent qu'il n'en était pas ainsi. Ils s'étaient aussi illusionnés sur un changement dans le gouvernement de l'UNR « avec le départ de la droite réactionnaire et la formation d'un nouveau cabinet de socialistes ayant l'appui des autorités soviétiques. »75 En fait, maintenant dirigé par Borys Martos il maintint la droite et Petlioura à la tête du Directoire76. Une lettre du CC du POSDU et des SR ukrainiens affirmait que « l'intention de certains partis (SR de gauche et social-démocrates Nezalezhnyky) d'établir une sorte de communisme ukrainien est une complète absurdité. »77
Mazurenko conclut : « Le parti a surestimé sa forcé, mal interprété les conditions objectives et les conséquences résultant de ce faux pas, et fut forcé de reconnaître sa défaite et de se retirer avec ce qui lui restait de forces. »78 Devant l'avance de l'Armée Russe