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en tenant compte de tout ça, quel est, selon vous, le niveau de risque ? » demanda Haley Lawrence.

      Kurt fit une longue pause. Il avait le regard perdu au loin. Son esprit fonctionnait telle une calculatrice, prenant en compte tous les éléments qu’il venait de décrire, en les ajoutant, les soustrayant, les multipliant et les divisant entre eux.

      « Un niveau élevé, » dit-il.

      « Élevé ? »

      Kurt hocha la tête. « Oui, bien sûr. Le niveau de menace est élevé. Est-ce qu’un groupe terroriste pourrait projeter de voler une bombe à Kleine Brogel ? Bien sûr. Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de cette idée – ça a déjà été mentionné dans des chats sur des réseaux terroristes que la NSA et le Pentagone ont interceptés. Une cellule terroriste à Bruxelles pourrait très bien avoir un ou plusieurs contacts à la base aérienne qui pourraient les aider – en fait, c’est un scénario très probable. Oui, c’est vrai, les bombes ne sont pas opérationnelles sans les codes et oui, c’est vrai, elles sont conçues pour être larguées par des avions de chasse. Mais si les Iraniens voulaient ces bombes juste pour en étudier l’ingénierie ou en extraire le matériel nucléaire ? Les militants à Molenbeek sont en général des sunnites et ils détestent l’Iran. Nos militants pourraient être des mercenaires, qui proposeraient leurs services au plus offrant.

      « Ou on pourrait encore envisager un autre cas de figure, » continua Kurt. « L’armée de l’air somalienne possède une poignée d’avions de chasse obsolètes. La plupart sont en ruine, mais je suis sûr qu’il doit encore y en avoir l’un ou l’autre qui peut voler. Le gouvernement somalien est faible, sous l’attaque constante de l’islam radical, et il est sur le point de s’effondrer. Et si des militants islamistes réquisitionnaient ces avions, y chargeaient une bombe et crashaient l’avion au cours d’une attaque nucléaire suicide ? »

      « Est-ce que tu ne viens pas juste de dire que les bombes ne pouvaient pas être amorcées sans les codes ? » demanda Susan.

      Kurt haussa les épaules. « Les codes nucléaires font partie des cryptages les plus perfectionnés au monde. À notre connaissance, ils n’ont jamais été déchiffrés, volés ou transmis. Mais ça ne veut pas dire que ce ne sera jamais le cas. Afin de se préparer au pire des scénarios, je pense qu’il vaut mieux partir du principe que ces codes seront un jour déchiffrés, s’ils ne l’ont pas déjà été. »

      « Alors que suggérez-vous que nous fassions ? »

      Kurt n’hésita pas une seconde. « Renforcer la sécurité sur la base aérienne de Kleine Brogel. Et tout de suite. Nous avons des troupes là-bas, mais il y a des tensions constantes avec les autorités belges. Afin d’augmenter de manière considérable le niveau de sécurité à Kleine Brogel, on va devoir marcher sur certaines plates-bandes. Il faut également réexaminer de près les mesures de sécurité mises en place sur les autres bases de l’OTAN où des armes nucléaires américaines sont stockées. Je pense qu’on constatera très vite que ces mesures sont suffisantes. Car en termes de sécurité laxiste, les Belges ont vraiment le pompon.

      « Pour finir, je recommanderais de faire quelque chose que j’ai envie de faire depuis un petit temps – envoyer quelques agents d’opérations spéciales sur le terrain à Bruxelles, et plus particulièrement à Molenbeek. Pour qu’ils aillent fouiner et poser des questions. C’est le genre de choses que les Belges devraient faire régulièrement, mais qu’ils ne font pas. Ça ne devrait pas forcément être une opération secrète – ce serait peut-être même mieux si ce n’était pas le cas. Il suffit juste d’envoyer les bons agents, ceux qui ne prennent pas un non pour une réponse et qui savent mettre la pression. »

      Au bord de l’épuisement, Luke écoutait d’une oreille distraite. Il essayait surtout de tenir le coup jusqu’à la fin de la réunion. Mais il se rendit soudain compte que plusieurs personnes dans la salle le regardaient.

      Il leva les mains en l’air et s’enfonça dans son siège.

      « Merci, » dit-il, « mais non. »

* * *

      « Alors qui essaie de vous tuer ? » demanda Susan.

      Luke était assis dans un fauteuil en cuir dans le Bureau ovale. Sous ses pieds, se trouvait le tapis orné du sceau du Président des États-Unis. La dernière fois qu’il s’était trouvé dans ce bureau, les services secrets l’avaient plaqué au sol sur ce même tapis. Mais bien sûr, ce n’était pas le même – car bien que la pièce soit identique, elle était entièrement neuve. La précédente avait été complètement détruite. Pendant une fraction de seconde, il l’avait presque oublié.

      Mon dieu, comme il était fatigué.

      Un assistant lui avait amené une tasse de café. Peut-être que ça l’aiderait à se réveiller. Il but une gorgée – le café de la Présidente était toujours excellent.

      « Je ne sais pas, » dit-il. « Apparemment, ils sont occupés à faire des tests ADN et à analyser les empreintes du type que j’ai tué. »

      Luke observa le visage de Susan. Elle avait vieilli. Les rides de sa peau s’étaient accentuées et étaient devenues de véritables sillons. Sa peau n’était plus aussi ferme et dynamique. Elle était parvenue à garder sa beauté d’adolescente pendant des années, mais en six mois de présidence, le temps l’avait rattrapée.

      Luke repensa au jeune Abraham Lincoln quand il était devenu Président, un homme tellement énergique et puissant qu’il était connu pour ses tours de force. Quatre ans plus tard, juste avant qu’il soit assassiné, le stress de la Guerre de Sécession l’avait transformé en un vieil homme affaibli et ratatiné.

      Susan était toujours belle, mais de manière différente. Elle avait presque l’air usée. Il se demanda ce qu’elle devait en penser, et si elle l’avait même remarqué. Mais il sut tout de suite la réponse à cette question – bien sûr, qu’elle l’avait remarqué. C’était une ancienne mannequin. Elle remarquait probablement le moindre changement dans son apparence. Pour la première fois, il remarqua la robe qu’elle portait. Elle était bleu foncé, très élégante, et elle épousait parfaitement les formes de son corps.

      « Très jolie robe, » dit-il.

      Elle montra sa robe d’un air nonchalant. « Ce vieux truc ? C’est juste quelque chose que j’ai enfilé à la hâte. Vous savez qu’il y avait une cérémonie aujourd’hui, n’est-ce pas ? »

      Luke hocha la tête. Il savait. « C’est vraiment impressionnant, » dit-il. « La manière dont ils ont tout reconstitué à l’identique. »

      « Personnellement, je trouve ça un peu glauque, » dit Susan. Elle regarda autour d’elle. « J’ai vécu à l’Observatoire naval pendant cinq ans. J’adorais cette maison. Ça ne m’aurait pas dérangé d’y vivre jusqu’à la fin de ma vie. En revanche, il va me falloir un peu de temps avant de m’habituer à celle-ci. »

      Le silence s’installa entre eux. Luke était uniquement venu pour lui présenter ses respects. Dans une minute, il allait lui demander une voiture, ou mieux encore, un hélicoptère, pour l’emmener jusqu’à la côte.

      « Alors qu’est-ce que vous en pensez ? » demanda-t-elle.

      « Qu’est-ce que je pense ? À quel sujet ? »

      « Au sujet de la réunion qu’on vient d’avoir. »

      Luke bâilla. Il était fatigué. « Je ne sais pas quoi penser. Est-ce qu’on a des armes nucléaires en Europe ? Oui. Est-ce qu’elles sont vulnérables ? Apparemment, on dirait qu’elles pourraient être mieux protégées qu’elles le sont. Au-delà de ça… »

      Il s’arrêta de parler.

      « Est-ce que vous irez là-bas ? » demanda-t-elle.

      Luke faillit se mettre à rire. « Vous n’avez pas besoin de moi en Belgique, Susan.

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