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ses diplomates.

      « Ne te tracasse pas, » dit Kurt Kimball à son oreille. C’était son conseiller en sécurité nationale. « Ils savent tous que Karen est un peu cinglée. Enfin… regarde son chapeau. On s’arrangera pour que quelqu’un des affaires étrangères arrange les choses. »

      « Comment ? » dit Susan.

      Il haussa les épaules. « Je ne sais pas. On trouvera bien quelque chose. »

      Sur l’estrade, Kat fit un signe de tête à Susan. C’était à son tour de parler. Elle monta sur le podium et attendit que les agents des services secrets prennent place autour d’elle. L’estrade était entourée sur trois côtés par des vitres pare-balles. Elle resta silencieuse un instant et observa la foule rassemblée devant elle. Elle n’était pas du tout nerveuse. Parler en public avait toujours été l’un de ses points forts.

      « Bonjour, » dit-elle. Sa voix résonna à travers la pelouse.

      « Bonjour, » lui répondirent quelques comiques présents dans l’audience.

      Elle se lança dans le discours qu’elle avait préparé à l’avance. C’était un bon discours. Elle leur parla du sacrifice commun, de la perte d’êtres chers et de la capacité à résister et à s’adapter. Elle leur parla de la grandeur de l’Amérique – quelque chose dont ils étaient déjà au courant. Elle leur parla du courage de ces hommes qui lui avaient sauvé la vie cette nuit-là et elle désigna Chuck Berg – qui était maintenant chargé de sa sécurité intérieure et qui se tenait avec elle sur l’estrade – et Walter Brenna, qui avait une place d’honneur au premier rang. Les deux hommes reçurent un tonnerre d’applaudissements.

      Elle leur dit qu’elle emménageait aujourd’hui même dans la Maison Blanche – ce qui provoqua une véritable ovation – et elle les invita à venir faire le tour du propriétaire pour voir ce qui y avait changé.

      Elle termina son discours avec un geste théâtral, en faisant écho à ce héros qu’elle admirait tant, John Fitzgerald Kennedy.

      « Il y a presque soixante ans, John Fitzgerald Kennedy était élu Président des États-Unis. Son discours d’investiture est l’un des discours les plus remarquables et les plus cités de l’histoire. Il nous y disait de ne pas se demander ce que notre pays pouvait faire pour nous, mais ce que nous pouvions faire pour notre pays. Mais vous savez quoi ? Il y a une autre partie de ce discours qui est moins connue et que j’affectionne tout autant. Et les mots qu’il y a prononcés semblent tout à fait appropriés aux événements d’aujourd’hui et c’est comme ça que j’aimerais terminer mon discours. Voici ce que Kennedy a dit. »

      Elle prit une profonde inspiration, en respectant les pauses que Kennedy avait prises lors de son discours. Elle voulait prononcer ses mots exactement de la manière dont il l’avait fait.

      « Que chaque nation sache, » dit-elle, « qu’elle nous veuille du bien ou du mal… que nous paierons le prix… que nous porterons tout fardeau… »

      Des ovations commencèrent à se faire entendre dans la foule. Elle leva la main pour les calmer, mais ce fut inutile. Ils allaient continuer à l’ovationner. C’était à elle à s’adapter et à parvenir à se faire entendre par-dessus leur explosion de joie, jusqu’à la dernière ligne.

      « Que nous ferons face à toute épreuve… » hurla-t-elle.

      « Oui ! » lui répondit quelqu’un dans la foule, en hurlant.

      « Que nous soutiendrons tout ami, » dit Susan, en levant le poing en l’air. « Et que nous nous opposerons à tout ennemi… pour assurer la survie et la victoire de la liberté ! »

      La foule s’était mise debout. L’ovation continuait… encore et encore.

      « Nous nous engageons à ça, » dit Susan. « Et à plus encore. » Elle fit à nouveau une pause. « Merci, mes amis. Merci. »

* * *

      L’intérieur du bâtiment lui donnait la chair de poule.

      Susan traversa les couloirs, suivie de près par ses agents secrets, Kat Lopez et deux assistants. Le groupe passa les portes menant au Bureau ovale. Se retrouver là lui faisait bizarre. Elle avait ressenti la même chose une semaine plus tôt, quand elle avait fait pour la première fois le tour de la Maison Blanche. Il y avait quelque chose ici de surréel.

      Presque rien n’avait changé. Le Bureau ovale était identique à la dernière fois qu’elle l’avait vu – le jour où il avait été détruit, le jour où Thomas Hayes et plus de trois cents personnes étaient mortes. Trois grandes baies vitrées aux rideaux tirés offraient toujours une vue sur le jardin des roses. Au milieu de la pièce, il y avait un espace confortable pour s’asseoir, placé sur un tapis luxueux arborant le sceau du Président. Même le bureau – ce cadeau offert par la reine Victoria d’Angleterre à la fin du XIXe siècle – se trouvait là, à son endroit habituel.

      Bien entendu, ce n’était pas le même meuble. Il avait été reconstruit au cours des trois derniers mois, sur base des dessins originaux, dans un atelier de la campagne galloise. Mais c’était justement à ça qu’elle voulait en venir – tout avait l’air exactement identique. Elle avait presque l’impression que le Président Thomas Hayes – qui mesurait au moins dix centimètres de plus que tous ceux qui l’entouraient – allait entrer à tout moment et froncer les sourcils en la regardant.

      Est-ce que ce bâtiment réveillait des traumatismes en elle ?

      Elle savait qu’elle préférerait vivre à l’Observatoire naval. Cette magnifique résidence avait été sa maison depuis maintenant cinq ans. C’était un endroit aéré, ouvert et lumineux. Elle s’y sentait bien. La Maison Blanche, en revanche – surtout la partie résidence – était plutôt morne et sinistre, avec des courants d’air en hiver et très peu de lumière naturelle.

      C’était une grande maison, mais on s’y sentait à l’étroit. Et il y avait… quelque chose d’autre dans ces lieux. Elle avait toujours l’impression qu’elle allait tomber sur un fantôme à chaque coin de couloir. Avant, elle pensait aux fantômes de Lincoln, de McKinley ou de Kennedy. Mais maintenant, elle savait que ce serait celui de Thomas Hayes.

      Elle redéménagerait dans la seconde à l’Observatoire naval si elle le pouvait – si elle n’avait pas laissé l’endroit à quelqu’un d’autre. Sa nouvelle Vice-Présidente, Marybeth Horning, allait y emménager dans les prochains jours. Elle sourit en pensant à Marybeth – cette sénatrice ultra-libérale de Rhode Island – qui était occupée à mener une enquête sur une atteinte aux droits de l’homme au sein d’exploitations avicoles en Iowa, le jour où avait eu lieu l’attaque au Mont Weather. Marybeth était une défenseuse acharnée des droits des travailleurs et des femmes, de l’environnement et de tout ce qui tenait à cœur à Susan.

      L’élever au poste de Vice-Présidente avait été l’idée de Kat Lopez. Une idée parfaite – Marybeth était une gauchiste tellement fervente que personne de la droite ne voudrait jamais que Susan soit assassinée. Ils finiraient avec leur pire cauchemar en tant que Présidente. Et le nouveau règlement des services secrets stipulait que Susan et Marybeth ne pourraient jamais se retrouver au même endroit au même moment, jusqu’à la fin du mandat de Susan – d’où l’absence de Marybeth aux festivités d’aujourd’hui. C’était un peu dommage parce que Susan aimait vraiment beaucoup Marybeth.

      Susan soupira et regarda autour d’elle. Son esprit se mit à vagabonder. Elle repensa au jour de l’attaque. Ça faisait deux ans qu’elle et Thomas étaient un peu plus distants. Mais ça ne l’avait pas tracassée. Elle aimait son boulot de Vice-Présidente et David Halstram – le chef de cabinet de Thomas – veillait à ce que son emploi du temps soit toujours bien rempli de rendez-vous et d’événements, loin du Président.

      Mais ce jour-là, David lui avait demandé d’être aux côtés du Président. La cote de popularité de Thomas avait chuté et le Président de la Chambre avait demandé sa destitution. Il était assiégé de

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