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sous les yeux ne modifie pas cette opinion.

      De plus le mètre particulier, dont M. Morris a fait choix, bien qu'il soit admirablement adapté à l'expression de «l'harmonie homérique aux puissantes ailes» perd dans son écoulement, dans sa liberté, un peu de sa dignité, de son calme.

      Ici, il faut reconnaître que nous sommes privés de quelque chose de réel, car il y a dans Homère une forte proportion de l'allure hautaine de Milton, et si la rapidité est une des qualités de l'hexamètre grec, la majesté est une autre de ses qualités distinctives entre les mains d'Homère.

      Toutefois ce défaut, si nous pouvons appeler cela un défaut, paraît presque impossible à éviter: car pour certaines raisons métriques un mouvement majestueux dans le vers anglais est de toute nécessité un mouvement lent, et tout bien considéré, quand on a dit tout ce qu'on pouvait dire, combien l'ensemble de cette traduction est admirable!

      Si nous écartons ses nobles qualités comme poème, et ne l'examinons qu'au point de vue du lettré, comme elle va droit au but, comme elle est franche et directe!

      Elle est, à l'égard de l'original, d'une fidélité qu'on ne retrouve en aucune autre traduction en vers dans notre littérature, et pourtant cette fidélité n'est point celle d'un pédant en face de son texte: c'est plutôt la magnanime loyauté de poète à poète.

      Lorsque parut le premier volume de M. Morris, nombre de critiques se plaignirent de ce qu'il employait de temps à autre des mots archaïques, des expressions peu usitées qui ôtaient à sa traduction sa simplicité homérique.

      Toutefois ce n'est point là une critique heureuse, car si Homère est, sans contredit, simple dans sa clarté et sa largeur de visions, dans sa merveilleuse faculté de narration directe, dans sa robuste vitalité, dans la pureté et la précision de sa méthode, on ne saurait, en aucun cas, dire que son langage est simple.

      Qu'était-il pour ses contemporains?

      En fait, nous n'avons aucun moyen d'en juger, mais nous savons que les Athéniens du cinquième siècle avant J.C., trouvaient chez lui bien des endroits difficiles à comprendre, et quand la période de création eut fait place à celle de la critique, quand Alexandrie commença à prendre la place d'Athènes, comme centre de la culture dans le monde hellénique, il paraît qu'on ne cessa de publier des dictionnaires et des glossaires homériques.

      D'ailleurs, Athénée nous parle d'un étonnant bas-bleu de Byzance, d'une précieuse de la Propontide, qui écrivit un long poème en hexamètres, intitulé Mnémosyne, plein d'ingénieux commentaires sur les passages difficiles d'Homère, et c'est un fait évident qu'au point de vue du langage, l'expression de «simplicité homérique» aurait bien étonné un Grec d'autrefois.

      Quant à la tendance qu'a M. Morris d'appuyer sur le sens étymologique des mots, trait commenté avec une sévérité assez superficielle dans un récent numéro du Macmillan's Magazine, cela nous paraît parfaitement d'accord non seulement avec l'esprit d'Homère, mais avec l'esprit de toute poésie primitive.

      Il est très vrai que la langue est sujette à dégénérer en un système de notation presque algébrique, et le bourgeois moderne de la cité, qui prend un billet pour Blackfriars-Bridge, ne songe naturellement pas aux moines dominicains qui avaient jadis un monastère au bord de la Tamise, et qui ont transmis leur nom à cet endroit.

      Mais il n'en était pas ainsi aux époques primitives.

      On y avait alors une conscience très nette du sens réel des mots.

      La poésie antique, en particulier, est pénétrée de ce sentiment, et on peut même dire qu'elle lui doit une bonne partie de son charme et de sa puissance poétique.

      Ainsi donc ces vieux mots et ce sens ancien des mots, que nous trouvons dans l'Odyssée de M. Morris, peuvent se justifier amplement par des raisons historiques et, chose excellente, au point de vue de l'effet artistique.

      Pope s'efforça de mettre Homère dans la langue ordinaire de son temps, mais à quel résultat arriva-t-il? Nous ne le savons que trop.

      Pour M. Morris, qui emploie ses archaïsmes avec le tact d'un véritable artiste, et à qui ils semblent venir d'une façon absolue, spontanément, il a réussi, par leur moyen, à donner à sa traduction cet air non pas de singularité, car Homère n'est jamais piquant, mais de romanesque primitif, cette beauté du monde naissant, que, nous autres modernes, nous trouvons si charmants et que les Grecs eux-mêmes sentaient si vivement.

      Quant à citer des passages d'un mérite particulier, la traduction de M. Morris n'est point un vêtement fait de haillons cousus ensemble, avec des lambeaux de pourpre, que les critiques prendraient comme spécimens.

      La valeur réelle en est dans la justesse, la cohésion absolue du tout, dans l'architecture grandiose du vers rapide et énergique, dans le fait que le but poursuivi est non seulement élevé, mais encore maintenu constamment.

      Il est impossible, malgré cela, de résister à la tentation de citer la traduction donnée par M. Morris du fameux passage du vingt-troisième livre, où Odysseus esquive le piège, tendu par Pénélope, que son espérance même du retour certain de son mari rend sceptique, alors qu'il est là, devant elle.

      Pour le dire en passant, c'est un exemple de la merveilleuse connaissance psychologique du cœur humain que possédait Homère. On y voit que c'est le songeur lui-même qui est le plus surpris quand son rêve devient réalité.

      Ainsi elle dit, pour mettre son mari à l'épreuve, mais Odysseus, peiné en son cœur,

      parla aussi à sa compagne habile dans l'art d'ouvrer:

      «O femme, tu dis une parole extrêmement cruelle pour moi!

      Qui donc aurait changé la place de mon lit: ce serait une tâche bien malaisée pour lui,

      Car, si adroit qu'il fût, à moins qu'un Dieu même vînt furtivement ici,

      (et un dieu pourrait, en vérité, le transporter s'il le voulait partout ailleurs sans peine)

      Mais il n'est aucun homme vivant, si fort qu'il soit en sa jeunesse,

      qui puisse le porter sans effort ailleurs, car c'est avec un art puissant et merveilleux

      que ce lit a été construit et façonné, et c'est moi qui l'ai fait, moi seul.

      Il poussait à l'écart un bosquet d'oliviers, avec un arbre feuillu, au terme de sa croissance

      qui prospéra et prit à la fin l'épaisseur d'une grosse colonne.

      Autour de lui, je bâtis ma chambre nuptiale, et j'ai parfait l'ouvrage

      par une enceinte de pierres exactement ajustées, et je l'ai couvert d'un toit.

      Et pour lui je me suis taillé des battants de porte, bien assujettis à leur place.

      Après quoi, j'ébranchai le tronc de l'olivier au large feuillage,

      puis j'équarris le tronc depuis la racine jusqu'en haut, avec soin et adresse,

      je le dressai avec l'airain du rabot, et je le nivelai,

      et lui donnai la forme d'une colonne de lit. Avec la tarière je le perçai.

      Ayant ainsi commencé, je façonnai le lit même, et l'achevai jusqu'au bout,

      et je l'ornai partout avec de l'or, avec de l'argent, avec de l'ivoire incrusté,

      et je tendis sur lui une peau de bœuf, qu'avait embellie la teinture de la pourpre.

      Tel est le signe que je t'ai montré, et je ne sais point, femme

      si mon lit est resté stable, ou si, en quelque autre endroit,

      un homme l'a placé, après avoir abattu par la base le tronc de l'olivier.»

      Thus she spake to prove her husband; but Odysseus, grieved at heart,

      Spake thus unto his bedmate well-skilled in gainful art:

      «O woman, thou sayest a word exceeding grievous to me!

      Who hath otherwhere shifted my bedstead?

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