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La corde au cou. Emile Gaboriau
Читать онлайн.Название La corde au cou
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Emile Gaboriau
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Si le doute est contagieux, la foi est communicative. Peu à peu, la marquise de Boiscoran se rassurait de l'assurance superbe de son mari. Le sang remontait à ses joues et le sourire à ses lèvres pâlies.
Et d'une voix plus ferme:
– Peut-être, en effet, dit-elle, ai-jeété trop prompte à m'alarmer.
Du geste, le marquis approuvait.
– Oui, beaucoup trop prompte, chère amie, fit-il. Et même, entre nous, je vous engage à ne point vous en vanter. Comment la justice n'accuserait-elle pas ce pauvre Jacques, lorsque sa mère elle-même le soupçonne!
Mme de Boiscoran avait repris et relisait la dépêche d'Antoine.
– Et cependant, murmura-t-elle, répondant aux dernières objections de son esprit, qui donc, à ma place, n'eûtété frappé d'épouvante! Ce nom de Claudieuse, surtout…
– Eh bien! mais c'est le nom d'un très digne et très loyal gentilhomme, le meilleur que je sache, en dépit de ses façons de loup de mer.
– Jacques le hait, mon ami.
– Jacques, ma chère, se soucie de lui comme de l'an quarante.
– Ils ont eu plusieurs querelles.
– Nécessairement; Claudieuse est un forcené légitimiste, et comme tel, c'est toujours avec le dernier mépris qu'il parle de nous autres tous, qui avons servi la famille d'Orléans.
– Jacques lui a envoyé du papier timbré.
– Et il a parbleu bien fait, de même qu'il a eu tort de ne pas pousser le procès jusqu'au bout. Claudieuse a, sur le cours de la rivière qui nous sépare, la Pibole, des prétentions par trop exorbitantes. Ne voudrait-il pas, en toute saison et selon son gré, retenir les eaux, au risque de noyer les prés de Boiscoran, qui sont bien plus bas que les siens! Déjà feu mon frère, quiétait un ange de patience et de douceur, avait eu maille à partir avec ce despote.
Mais la marquise n'était pas convaincue.
– Il y a autre chose, fit-elle.
– Quoi?
– Ah! c'est ce que je me demande.
– Jacques vous l'aurait-il donné à entendre?
– Non. Voici ce qui s'est passé. L'an dernier, chez la duchesse de Champdoce, j'ai eu l'occasion de rencontrer la comtesse de Claudieuse et ses filles. Elle est charmante, cette jeune femme, et comme nous donnions un bal la semaine suivante, l'idée me vint, que je mis aussitôt à exécution, de l'inviter. Elle refusa, et d'un ton de réserve si glacial qu'il n'y avait pas à insister.
– C'est que probablement elle n'aime pas la danse, grommela le marquis.
– Le soir même, je parlai de ma démarche à Jacques. Il s'en montra très irrité et me dit, avec un emportement que son respect contenait à peine, que j'avais eu grand tort, et qu'il avait ses raisons pour n'avoir rien de commun avec ces gens-là…
Si parfaiteétait la sécurité de M. de Boiscoran qu'il n'écoutait déjà plus que d'une oreille distraite, guignant du coin de l'œil ses précieuses faïences.
– Soit, interrompit-il. Jacques déteste les Claudieuse. Qu'est-ce que cela prouve? On n'assassine pas, Dieu merci, tous les gens qu'on déteste!
Mme de Boiscoran ne poursuivit pas.
– Enfin, demanda-t-elle, que faire?…
Elle avait si peu l'habitude de consulter son mari qu'il parut stupéfait.
– L'important, répondit-il, est de tirer Jacques de prison. Il faudrait voir, consulter…
Quelques coups rapides et légers, frappés à la porte, l'interrompirent.
– Entrez! cria-t-il.
Un domestique entra, portant une large enveloppe avec cette mention: télégraphie privée.
– Parbleu! s'écria le marquis, j'enétais bien sûr!… Voilà qui va nous mettre l'esprit en repos!
Le domestique s'était retiré; il rompit l'enveloppe. Mais au dernier regard jeté sur cette dépêche, le sourire se glaça sur ses lèvres; il pâlit et dit seulement:
– Mon Dieu!…
Rapide comme la pensée, Mme de Boiscoran s'empara du papier fatal. Elle lut d'un coup d'œil: Vite, arrivez. Jacques en prison, au secret, accusé d'un crime affreux. Toute la ville dit qu'il est coupable et qu'il a même avoué. C'est une infâme calomnie. Son juge est son ancien ami, Galpin-Daveline, qui devaitépouser cousine Lavarande. Ne sais rien, sinon que Jacques est innocent. C'est une intrigue abominable. Grand-père Chandoré et moi ferons l'impossible. Votre secours indispensable. Venez, venez.
Denise de Chandoré
– Ah! mon fils est perdu! s'écria Mme de Boiscoran en fondant en larmes.
Mais déjà le marquis s'était redressé sous ce coup terrible.
– Et moi, s'écria-t-il, plus que jamais je dis, comme Denise, qui est une brave fille: oui, Jacques est innocent! Mais il est en péril, je le reconnais… c'est un dangereux engrenage que celui d'un procès criminel. Que ne fait-on pas dire à un homme au secret!…
– Il faut agir! interrompit Mme de Boiscoran, à demi folle de douleur.
– Oui, et sans perdre une seconde… Nous avons des amis. Cherchons lesquels d'entre eux nous serviront le plus utilement.
– Je puisécrire à monsieur de Margeril…
De pâle qu'ilétait, le marquis devint livide.
– C'est vous! s'écria-t-il, vous, qui osez prononcer ce nom devant moi!
– Il est tout-puissant, monsieur, mon fils est en danger…
D'un geste menaçant, le marquis l'arrêta.
– J'aimerais mieux, s'écria-t-il, de l'accent de la haine la plus atroce, j'aimerais mieux mille fois laisser mon fils innocent périr sur l'échafaud que de devoir son salut à cet homme!
Mme de Boiscoran semblait près de s'évanouir.
– Mon Dieu! balbutia-t-elle, vous savez pourtant bien que je n'aiété qu'imprudente…
– Assez! interrompit durement le marquis. (Et se maîtrisant, grâce à un puissant effort): Avant de rien tenter, il faut savoir à quoi s'en tenir, reprit-il. Ce soir, vous partirez pour Sauveterre…
– Seule?
– Non. Je vous trouverai un conseil, un légiste habile et sûr, un avocat qui ne soit pas un homme politique, s'il en reste un… Il vous guidera, là-bas, et me tiendra au courant, afin que je puisse agir ici selon les circonstances. Denise a raison: Jacques doitêtre victime de quelque ténébreuse intrigue… N'importe, nous le sauverons. Mais il faut du calme, beaucoup de calme…
Et ce disant, il sonnait avec une telle violence que tous les domestiques accoururent, effarés.
– Vite, commanda M. de Boiscoran, qu'on aille me chercher mon avoué, maître Chapelain… qu'on prenne une voiture.
Le domestique qui se chargea de la commission fit une telle diligence que, vingt minutes plus tard, maître Chapelain arrivait.
– Ah! nous avons besoin de toute votre expérience, mon digne ami, lui dit le marquis. Tenez, lisez ces dépêches…
Fort heureusement l'avoué savait garder le secret de ses impressions, car il crut à la culpabilité de Jacques, sachant bien avec quelle circonspection sont délivrés les mandats d'arrêt.
– J'ai l'homme qu'il faut à madame la marquise, dit-il enfin.
– Ah!
– Un