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La reine Margot. Alexandre Dumas
Читать онлайн.Название La reine Margot
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Alexandre Dumas
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Marguerite rentra dans sa chambre, et, fermant la porte du cabinet, alla ouvrir celle du passage qui donnait chez le roi et chez la reine mère.
– Madame de Sauve! s’écria-t-elle en reculant vivement et avec une expression qui ressemblait sinon à la terreur, du moins à la haine, tant il est vrai qu’une femme ne pardonne jamais à une autre femme de lui enlever même un homme qu’elle n’aime pas. Madame de Sauve!
– Oui, Votre Majesté! dit celle-ci en joignant les mains.
– Ici, vous, madame! continua Marguerite de plus en plus étonnée, mais aussi d’une voix plus impérative. Charlotte tomba à genoux.
– Madame, dit-elle, pardonnez-moi, je reconnais à quel point je suis coupable envers vous; mais, si vous saviez! la faute n’est pas tout entière à moi, et un ordre exprès de la reine mère…
– Relevez-vous, dit Marguerite, et comme je ne pense pas que vous soyez venue dans l’espérance de vous justifier vis-à-vis de moi, dites-moi pourquoi vous êtes venue.
– Je suis venue, madame, dit Charlotte toujours à genoux et avec un regard presque égaré, je suis venue pour vous demander s’il n’était pas ici.
– Ici, qui? de qui parlez-vous, madame?… car, en vérité, je ne comprends pas.
– Du roi!
– Du roi? vous le poursuivez jusque chez moi! Vous savez bien qu’il n’y vient pas, cependant!
– Ah! madame! continua la baronne de Sauve sans répondre à toutes ces attaques et sans même paraître les sentir; ah! plût à Dieu qu’il y fût!
– Et pourquoi cela?
– Eh! mon Dieu! madame, parce qu’on égorge les huguenots, et que le roi de Navarre est le chef des huguenots.
– Oh! s’écria Marguerite en saisissant madame de Sauve par la main et en la forçant de se relever, oh! je l’avais oublié! D’ailleurs, je n’avais pas cru qu’un roi pût courir les mêmes dangers que les autres hommes.
– Plus, madame, mille fois plus, s’écria Charlotte.
– En effet, madame de Lorraine m’avait prévenue. Je lui avais dit de ne pas sortir. Serait-il sorti?
– Non, non, il est dans le Louvre. Il ne se retrouve pas. Et s’il n’est pas ici…
– Il n’y est pas.
– Oh! s’écria madame de Sauve avec une explosion de douleur, c’en est fait de lui, car la reine mère a juré sa mort.
– Sa mort! Ah! dit Marguerite, vous m’épouvantez. Impossible!
– Madame, reprit madame de Sauve avec cette énergie que donne seule la passion, je vous dis qu’on ne sait pas où est le roi de Navarre.
– Et la reine mère, où est-elle?
– La reine mère m’a envoyée chercher M. de Guise et M. de Tavannes, qui étaient dans son oratoire, puis elle m’a congédiée. Alors, pardonnez-moi, madame! je suis remontée chez moi, et comme d’habitude, j’ai attendu.
– Mon mari, n’est-ce pas? dit Marguerite.
– Il n’est pas venu, madame. Alors, je l’ai cherché de tous côtés; je l’ai demandé à tout le monde. Un seul soldat m’a répondu qu’il croyait l’avoir aperçu au milieu des gardes qui l’accompagnaient l’épée nue quelque temps avant que le massacre commençât, et le massacre est commencé depuis une heure.
– Merci, madame, dit Marguerite; et quoique peut-être le sentiment qui vous fait agir soit une nouvelle offense pour moi, merci.
– Oh! alors, pardonnez-moi, madame! dit-elle, et je rentrerai chez moi plus forte de votre pardon; car je n’ose vous suivre, même de loin.
Marguerite lui tendit la main.
– Je vais trouver la reine Catherine, dit-elle; rentrez chez vous. Le roi de Navarre est sous ma sauvegarde, je lui ai promis alliance et je serai fidèle à ma promesse.
– Mais si vous ne pouvez pénétrer jusqu’à la reine mère, madame?
– Alors, je me tournerai du côté de mon frère Charles, et il faudra bien que je lui parle.
– Allez, allez, madame, dit Charlotte en laissant le passage libre à Marguerite, et que Dieu conduise Votre Majesté.
Marguerite s’élança par le couloir. Mais arrivée à l’extrémité, elle se retourna pour s’assurer que madame de Sauve ne demeurait pas en arrière. Madame de Sauve la suivait.
La reine de Navarre lui vit prendre l’escalier qui conduisait à son appartement, et poursuivit son chemin vers la chambre de la reine.
Tout était changé; au lieu de cette foule de courtisans empressés, qui d’ordinaire ouvrait ses rangs devant la reine en la saluant respectueusement, Marguerite ne rencontrait que des gardes avec des pertuisanes rougies et des vêtements souillés de sang, ou des gentilshommes aux manteaux déchirés, à la figure noircie par la poudre, porteurs d’ordres et de dépêches, les uns entrant et les autres sortant: toutes ces allées et venues faisaient un fourmillement terrible et immense dans les galeries.
Marguerite n’en continua pas moins d’aller en avant et parvint jusqu’à l’antichambre de la reine mère. Mais cette antichambre était gardée par deux haies de soldats qui ne laissaient pénétrer que ceux qui étaient porteurs d’un certain mot d’ordre.
Marguerite essaya vainement de franchir cette barrière vivante. Elle vit plusieurs fois s’ouvrir et se fermer la porte, et à chaque fois, par l’entrebâillement, elle aperçut Catherine rajeunie par l’action, active comme si elle n’avait que vingt ans, écrivant, recevant des lettres, les décachetant, donnant des ordres, adressant à ceux-ci un mot, à ceux-là un sourire, et ceux auxquels elle souriait plus amicalement étaient ceux qui étaient plus couverts de poussière et de sang.
Au milieu de ce grand tumulte qui bruissait dans le Louvre, qu’il emplissait d’effrayantes rumeurs, on entendait éclater les arquebusades de la rue de plus en plus répétées.
– Jamais je n’arriverai jusqu’à elle, se dit Marguerite après avoir fait près des hallebardiers trois tentatives inutiles. Plutôt que de perdre mon temps ici, allons donc trouver mon frère.
En ce moment passa M. de Guise; il venait d’annoncer à la reine la mort de l’amiral et retournait à la boucherie.
– Oh! Henri! s’écria Marguerite, où est le roi de Navarre? Le duc la regarda avec un sourire étonné, s’inclina, et, sans répondre, sortit avec ses gardes. Marguerite courut à un capitaine qui allait sortir du Louvre et qui, avant de partir, faisait charger les arquebuses de ses soldats.
– Le roi de Navarre? demanda-t-elle; monsieur, où est le roi de Navarre?
– Je ne sais, madame, répondit celui-ci, je ne suis point des gardes de Sa Majesté.
– Ah! mon cher René! s’écria Marguerite en reconnaissant le parfumeur de Catherine… c’est vous… vous sortez de chez ma mère… savez-vous ce qu’est devenu mon mari?
– Sa Majesté le roi de Navarre n’est point mon ami, madame… vous devez vous en souvenir. On dit même, ajouta-t-il avec une contraction qui ressemblait plus à un grincement qu’à un sourire, on dit même qu’il ose m’accuser d’avoir, de complicité avec madame Catherine, empoisonné sa mère.
– Non! non! s’écria Marguerite, ne croyez pas cela, mon bon René!
– Oh! peu m’importe, madame! dit le parfumeur; ni le roi de Navarre ni les siens ne sont plus guère à craindre en ce moment.
Et il tourna le dos à Marguerite.
– Oh! monsieur de Tavannes, monsieur