Après avoir parcouru les routes de Katmandou et de la sagesse, nous, une jeune famille venue d'Allemagne avec deux gamins s'installe dans une petite vallée des Pyrénées. Le hasard nous a fait trouver une vingtaine d'hectares de friches pentues avec une maison en ruine, sans accès, dans une petite vallée latérale de la Bellongue, pas loin de Castillon, en Ariège. Venant des Alpes, la montagne ne nous est pas totalement inconnue. Par contre, le climat d'ici, oui. La population autochtone, n'ayant pas vu d'Allemands depuis la guerre, nous a plutôt bien ac-cueilli, avec beaucoup de curiosité. Bien sûr, les bergers nous espionnent avec leurs jumelles et les ragots vont bon train. Tous se sont demandé pourquoi tant de jeunes, et surtout des Alle-mands, s'installent sur des terres abandonnées, essayant de faire un travail qui normalement passe de père en fils et que plus personne ne veut faire. Bientôt une famille du village, qui pos-sède des terres à côté de chez nous, nous demande un coup de main pour les aider à faire le foin, en échange de fourrage pour nos premières bêtes. Le premier été est très sec et vite nous nous rendons compte que les Pyrénées ne sont pas les Alpes. En plus, à la place de l'herbe, il n'y a que des fougères qui poussent dans les prés et qui ne se laissent pas intimider par notre motofaucheuse. Un orage emporte la route. Je donne un coup de main à la commune pour la remise en état. Le maire me demande ensuite si je veux m'occuper des chemins dans la commune. Je deviens alors cantonnier, puis, au premier décès, aussi fossoyeur. Ces travaux me rapprochent encore plus des gens du village, qui, ensuite, me demandent toutes sortes de services, bien sûr contre rémunération, n'ayant pas d'autres jeunes mains disponibles. Ainsi nous pouvons survivre les premières années. Sur le conseil des paysans, nous échangeons nos quelques vaches contre des brebis et prati-quons avec eux la transhumance. Mais hélas, l'état sanitaire des troupeaux n'étant pas excellent, j'attrape la fièvre de Malte en estive, qui met presque une fin à nos efforts d'installation. Petit à petit nous apprenons aussi l'existence des administrations agricoles et leur rôle, en général favo-rables aux jeunes agriculteurs avec leurs aides et conseils. Sur les foires et les marchés nous nous rendons compte que nous ne sommes pas les seuls néo-ruraux, comme on nous appelle, mais que dans chaque vallée il y a d'autres familles ou communautés qui essayent le retour à la terre, comme nous. De nouveaux liens se tissent, les enfants aussi se font des amis, vont bientôt à l'école. Et nous aussi, nous retournons à l'école, Doris pour passer le BPA, son brevet et moi pour apprendre à faire du fromage. Un troisième enfant nait à la maison, nous laissons brancher l'électricité. Est-ce une trahison de nos principes ? Un peu partout d'autres jeunes s'installent, d'autres enfants naissent, les vallées et surtout les pentes se repeuplent, des tipis apparaissent, des granges se retapent un peu partout. Mais nos expériences vécues nous font bientôt abandonner l'élevage de brebis et ce système trop basé sur les aides publiques, pour nous mettre à fabriquer du fromage et du miel, des pro-duits de la ferme, qui trouvent de plus en plus d'amateurs. Nous avons bien appris des anciens comment survivre sur ces pentes. Mais comment y vivre à l'avenir, ce sera à nous de l'imaginer…