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Perdus Pour Toujours. Nuno Morais
Читать онлайн.Название Perdus Pour Toujours
Год выпуска 0
isbn 9788835424628
Автор произведения Nuno Morais
Издательство Tektime S.r.l.s.
Enfin, nous laissons la philosophie de côté et nous passons au concret.
Je décide de manière définitive que ce n’est pas aujourd’hui que je vais me raser la barbe et j’entre dans la cabine de douche. Je règle la température de l’eau au robinet puis tourne la poignée pour enclencher le pommeau. Immédiatement me tombe dessus une cascade d’eau tiède qui me masse fortement les épaules et la tête et qui fait disparaître tout reste de sommeil qui pourrait avoir survécu à mon entraînement d’une heure et demie. J’adore être comme ça sous le pommeau, à vrai dire je ne comprends pas les gens qui aiment prendre des bains – seul, tout du moins. Rester là à flotter dans l’eau qui se refroidit de minutes en minutes en compagnie de notre propre saleté, ce n’est pas exactement ce qu’on peut appeler un nettoyage. En bonne compagnie c’est déjà autre chose, mais on ne peut pas dire que ce soit aussi apaisant qu’une nuit de sexe. Je laisse couler l’eau sur moi pendant dix minutes, quatre de plus que nécessaire, pendant que je respire calmement et profondément afin d’éloigner les pensées négatives qu’il y a encore peu me tourmentaient, et quand j’ouvre la porte de la cabine de douche, j’ai l’impression d’être un nouvel homme.
J’entre dans le nuage de vapeur qui s’est formé dans la salle de bains et me frotte rapidement avec une serviette toute douce jusqu’à ce que je sois complétement sec, je passe mes mains dans mes cheveux encore humides et les coiffe en arrière sans utiliser une brosse ou un peigne – l’avantage des cheveux lisses. Je me passe du déodorant neutre sous les bras, je me frictionne rapidement un peu d’Aqua di Parma et vais dans ma chambre pour m’habiller.
Cela peut paraître étrange d’entrer ici sachant que je dors dans la chambre de mes parents depuis des mois – et que je continue d’appeler « la chambre de mes parents » alors qu’ils n’y dorment plus ni n’y reviendront. Je ne sais pas, c’est sûr qu’il y a une explication mais je ne préfère pas y penser maintenant. J’allume la télévision pour regarder Euronews pendant que je m’habille. Le monde est comme d’habitude dans la confusion : le conflit israélo-palestinien redouble ses forces, après un énième cesser le feu que personne n’a respecté ; hier on a encore changé les pierres par des balles sur les territoires palestiniens occupés et quatre palestiniens sont morts en tentant de passer le mur. Encore trois attentats en Irak, montant le total à douze depuis vendredi. De nouvelles mutineries au Guatemala – images de magasins saccagés. Des protestations aux États-Unis contre la déclaration d’État d’urgence dans trois villes – images de manifestations à Salt Lake City et à Boston. Les signataires de la lettre d’indépendance des Açores ont organisé une manifestation devant l’ambassade du Portugal à Washington. L’AMFC, l’association mondiale de fabricant de cassettes, CD et DVD et les groupes de défense des consommateurs ont enfin réussi à trouver un accord quant aux délais de maintenance des enregistrements privés qui passera à cinq ans, après que ces derniers se seront automatiquement effacés – images d’accord signé et de manifestants qui protestent devant le siège de l’AMFC. Augmentation du sous-emploi au Royaume-Uni, malgré le taux de croissance économique le plus haut de toute l’Union – images du Premier-Ministre qui se prend une tarte au visage devant le 10 Downing Street. L’information a été confirmée hier, les corps mutilés découverts jeudi dernier à Manaus, sont ceux d’Elisa Ferrara, médecin italien et de Konrad Lentz, journaliste suisse – photo d’une femme et d’un homme devant un paysage tropical. Images de l’acteur Mark Deforges, parlant de sa bataille contre le cancer et de sa théorie selon laquelle tout dépend de l’état d’esprit : « Si vous voulez vaincre le cancer, vous pouvez. Regardez-moi », dit-il d’un air souriant. L’Espagne et la Suède éliminées du tournoi international de Beach Soccer qui se déroule à Póvoa de Varzim.
Enfin bref, tant de bonnes nouvelles pour bien commencer la journée…
J’enfile des sous-vêtements et un tricot en coton puis mets des chaussettes montantes grises, une chemise bleu clair en coton au col français, une cravate piquée Marinella que m’a envoyé mon arrière-grand-père, et après plusieurs tentatives je réussis finalement à enfiler mes boutons de manchette en nacre. Pour terminer, je mets un costume gris clair de mi-saison avec une veste à trois boutons. Je mets les chaussures marrons que j’ai cirées hier soir et une ceinture dans les mêmes tons. Je jette un regard dans le miroir pour voir si tout va bien. J’aime ce que je vois, mais je m’arrange une fois de plus la cravate, et me dis finalement que c’est la bonne, puis, content de moi je fais demi-tour pour aller réveiller Becca.
Dans l’obscurité de la chambre, amplifiée par mon accoutumance à la lumière, j’arrive à distinguer le blanc des draps du lit ainsi qu’une petite forme qui se niche plus ou moins au milieu des deux mètres de large de celui-ci. Elle respire si calmement et tranquillement que je me sens mal de devoir la réveiller, mais pas le choix, aujourd’hui je suis obligé d’aller au bureau, et je dois y être tôt pour terminer les dossiers qui me restent de vendredi. Sur la pointe des pieds, je vais jusqu’à la fenêtre et ouvre les volets tout doucement en essayant de faire le moins de bruit possible. Avec la faible luminosité provenant de la rue qui entre dans la chambre, elle ne bouge pas, elle dort avec une expression de repos total sur son visage. Ceux qui l’auraient vu pendant la nuit au sommet des cauchemars et des pleurs, diraient qu’il ne s’agit pas là de la même enfant. Je m’assois sur le lit et commence à lui passer la main dans les cheveux, tout doucement, afin de la laisser se réveiller calmement. Petit à petit, elle bouge un peu, en premier un bras, ensuite l’autre, elle s’étire, et passe sa petite main dans ses cheveux presque blancs pour les enlever de son visage, comme on ouvre les volets pour laisser entrer le jour. Tout d’un coup elle ouvre les yeux, elle me voit et dit en souriant : « Hej, Kalle! Ja’ sovit » – le suédois est toujours la langue qu’elle utilise lorsqu’elle se réveille. C’est celle qu’elle apprenait avec sa mère et sa grand-mère depuis toute petite et même si maintenant elle ne le parle qu’avec moi et avec l’enseignante que j’ai pu trouver. La seule école maternelle suédoise est dans le secteur de Cascais, et cela aurait été compliqué pour moi de l’y emmener tous les jours puisque les trajets en bus ne sont pas du tout envisageables, du moins pour le moment.
« Bra, lilla gumman ; et maintenant tu es prête pour te lever ? » Elle hoche la tête, sans remarquer le changement de langue et continue à parler en portugais. « Tu sais, aujourd’hui nous allons nous promener avec l’école. »
« C’est vrai ? Cela va être génial, n’est-ce pas ? » À nouveau elle hoche la tête pour dire oui. « Est-ce que tu sais où vous allez aller ? »
« Oui nous allons au ja’din zoolozique voir les animaux. Il y a des lions, des tig’es, des se’pents et des éléphants – pause – Il y a aussi des c’oc’odiles. Je crois que ça va être super bien. Tu veux venir avec nous ? » – Me dit-elle d’une petite voix si mignonne que je commence à me dire que ce n’est pas une si mauvaise idée de ne pas aller au bureau pour aller passer la journée au zoo. Mais aujourd’hui je dois absolument y aller. Je dois répondre à trois fax que j’ai reçu vendredi quand je me préparais à partir, j’ai deux réunions de prévues depuis quinze jours et Gomez m’a laissé un mot qui disait qu’il voulait me parler d’une urgence – même si pour lui il n’y a que des urgences, surtout quand il s’agit des choses qui le concernent. Sûrement encore une petite faveur à me demander.
En bref, il n’y a rien à faire, je ne peux pas. À contrecœur je dis à Becca que je ne peux pas l’accompagner mais lui promets que quand je viendrai la chercher cet après-midi, nous irons à Baixa voir les illuminations de