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      CHAPITRE QUATRE

      Jessie se força à attendre.

      Quelle que soit l’explication, Ryan était tendu et Jessie ne voulait pas aggraver la situation. Elle resta assise silencieusement sur le siège passager pour lui permettre de révéler ce qui se passait quand il se sentirait à l’aise pour le faire.

      – Es-tu sûre que tu veux bien venir ? redemanda-t-il.

      – Oui, lui assura-t-elle. Je viens d’envoyer un SMS à Hannah pour lui dire qu’on a une affaire et qu’elle ne devrait pas s’attendre à me voir revenir avant qu’elle se couche. On peut y aller.

      – Tu aurais pu prendre un covoiturage depuis le restaurant, lui rappela-t-il.

      – Je voulais venir, Ryan, insista-t-elle, se mordant à nouveau la langue pour se retenir de lui poser d’autres questions.

      Il continua vers l’ouest sur Ventura Boulevard en s’enfonçant dans la Vallée. Après dix secondes de silence de plus, il commença finalement à parler.

      – Bon, voilà. J’ai un contact dans la section qui me signale parfois des affaires que je devrais connaître.

      – Pourrais-tu être un peu plus énigmatique ? demanda Jessie, incapable de se retenir.

      – En fait, je n’en ai pas beaucoup plus à révéler, dit-il sans tenir compte de la remarque sarcastique de sa collègue. Il y a environ quatre ans, j’ai reçu un appel d’un téléphone jetable. La voix était modifiée numériquement. Celui qui appelait avait suggéré que le suspect principal dans le meurtre d’un riche homme d’affaires était victime d’une machination et que je devais chercher les raisons politiques du meurtre.

      – Cet appel est venu de nulle part ? demanda-t-elle.

      – Oui. J’étais un jeune policier, je n’avais pas grand-chose à perdre et j’ai suivi cette piste. L’affaire allait être abandonnée. De mon côté, j’ai commencé à poser des questions et, assez vite, le complot a été dévoilé. Il s’est avéré que l’homme d’affaires était un soutien et leveur de fonds essentiel pour un conseiller municipal local. Quand il est mort, le conseiller municipal a cessé de recevoir des fonds. Son adversaire a pu l’écraser financièrement et a remporté le siège. Finalement, nous nous sommes rendu compte que l’adversaire qui voulait être élu avait embauché quelqu’un pour éliminer l’homme d’affaires pour exactement cette raison-là, pour tarir la principale source de soutien financier de l’élu sortant. Il avait aussi fait accuser le suspect original pour que cela ressemble à un cambriolage non prémédité qui aurait mal tourné.

      – Comment ton contact savait-il tout ça ?

      – Aucune idée. Je ne suis même pas sûr que la source connaissait toute l’étendue du crime. J’ai supposé que cette personne, que je me suis mis à appeler Cathy la Bavarde, savait qu’il y avait quelque chose d’anormal, même si elle n’en comprenait pas tous les détails.

      – Est-ce que la source est une femme ?

      – Aucune idée, admit Ryan, mais disons que oui pour lui donner un nom. De toute façon, après ça, j’ai commencé à recevoir d’autres appels. Pas souvent, peut-être deux fois par an. Ils venaient toujours de téléphones jetables et la voix était toujours masquée numériquement. De plus, ils concernaient presque toujours des affaires qui paraissaient simples mais qui, si on les regardait de plus près, étaient plus compliquées.

      – Donc, Cathy la Bavarde est une sorte de justicière ?

      – Peut-être, dit Ryan avec moins d’assurance que Jessie, ou alors, ça pourrait être autre chose. J’ai remarqué que, dans la plupart de ces affaires, la vérité était peu reluisante et embarrassait des personnes puissantes. Dans de nombreux cas, je crois que nos supérieurs aiment mieux trouver une réponse facile que dévoiler des crimes crapuleux susceptibles d’impliquer des personnes influentes. En m’appelant, Cathy la Bavarde arrive à attirer l’attention sur des affaires louches sans se salir elle-même ou sans faire courir de risques à sa carrière. Même si son but est noble, je crois qu’elle y trouve aussi son compte.

      – Donc, dans cette affaire, qu’est-ce qui l’a poussée à t’appeler ?

      – Je ne sais pas, dit Ryan en tournant à droite, quittant Ventura Boulevard pour s’engager dans Coldwater Canyon Avenue. Elle ne me dit jamais pourquoi une affaire est douteuse, juste qu’elle l’est. Tout ce que je sais, c’est qu’une femme a été assassinée dans le pâté de maisons numéro treize mille de Bessemer Street à Van Nuys. Elle a été poignardée plusieurs fois au torse. Selon la théorie d’origine, ce serait un cambriolage qui aurait mal tourné ; le cambrioleur aurait cru qu’il n’y avait personne à la maison et aurait attaqué la résidente quand il l’aurait trouvée.

      – Ont-ils un suspect ?

      – Non, dit Ryan, mais, selon Cathy la Bavarde, les choses avancent vite. L’appel de la police ne remonte qu’il y a une demi-heure et le médecin légiste est déjà sur place, prêt à retirer le corps.

      – Les policiers sont d’accord pour qu’il le fasse ? demanda Jessie, incrédule.

      – Je crois comprendre qu’ils ne sont même pas encore arrivés sur place. Ce serait l’agent en uniforme de première classe qui aurait donné l’ordre.

      – Quoi ? dit Jessie, interloquée. Ça va compromettre la scène de crime. Est-ce qu’on peut arrêter ça ?

      – C’est pour cela que j’ai dit qu’il fallait qu’on parte tout de suite, répondit Ryan. Cathy la Bavarde dit que le médecin légiste essayait de ralentir le processus, mais qu’il nous reste environ dix minutes avant qu’ils soient obligés d’emballer le corps.

      – À quelle distance sommes-nous ? demanda Jessie.

      – Pas loin, dit Ryan en tournant dans une rue résidentielle envahie de lumières clignotantes. C’est ce bâtiment au milieu du pâté de maisons.

      Ils se garèrent à quelques portes et sortirent. En se pressant d’avancer, Jessie ne put s’empêcher de remarquer que, malgré les lumières, il y avait moins de véhicules qu’elle n’aurait cru. Il y avait la camionnette du médecin légiste, une ambulance et deux voitures de police. D’habitude, un meurtre attirait au moins deux fois plus de voitures de police.

      Quand ils approchèrent du bâtiment, l’unique agent en uniforme stationné à l’extérieur les observa d’un air méfiant. Ryan lui montra son badge.

      – Que se passe-t-il, monsieur l’agent ? demanda-t-il.

      Vu le peu de temps qu’ils avaient, Jessie fut étonnée que Ryan s’arrête pour poser la question. Le jeune agent Afro-Américain, qui ne pouvait pas avoir plus de vingt-cinq ans, avait l’air nerveux et son badge indiquait qu’il s’appelait Burnside.

      – Monsieur, répondit-il d’une voix qui se cassa légèrement, nous avons une femme blanche de dix-sept ans qui a reçu plusieurs coups de couteau à la poitrine et à l’abdomen. Elle a été trouvée dans son lit par sa colocataire.

      – Est-ce que les policiers de la Vallée sont arrivés sur place ? demanda Ryan.

      – Non, monsieur.

      – Qui commande ici, alors ?

      – Cela devrait être mon chef, le sergent Costabile du poste de Van Nuys, répondit l’agent en tendant un doigt vers la droite. Il est à l’intérieur. C’est l’appartement 116.

      – Merci, dit vivement Ryan, grimaçant légèrement en passant devant l’agent suivi de près par Jessie.

      – Tu connais Costabile ? demanda Jessie en accélérant le pas pour ne pas se laisser distancer.

      – Seulement de réputation, dit Ryan. Hank Costabile ne se contente pas d’être de la vieille école ; c’est un dinosaure et, d’après ce que j’ai

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