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dormait dans la chambre d’amis de l’autre côté du salon.

      Jessie inspira longuement et lentement avant d’ouvrir la porte et de regarder à l’extérieur. Elle vit une lueur faible dans la pièce puis une deuxième volée de tirs la força à se retrancher derrière le mur. Est-ce que l’attaquant l’avait vue ? Alors qu’elle se préparait à entrer dans le salon en rampant, elle entendit une voix.

      – Tu es encerclé, Johnny. Sors les mains en l’air, ordonna une voix mâle sévère.

      Soudain, on entendit une musique de film menaçante.

      – Vous ne m’aurez pas vivant ! cria quelqu’un avec un accent qui évoquait distinctement un gangster.

      Jessie s’autorisa à respirer normalement pour la première fois en trente secondes. Baissant son arme, elle se releva et entra dans le salon, où elle vit la télévision allumée. La chaîne en question diffusait un vieux film de gangsters en noir et blanc.

      Jessie saisit la télécommande sur la table basse et éteignit la télévision. Le cœur battant encore la chamade, elle traversa le salon en évitant les vêtements, les chaussures et les magazines éparpillés par terre puis elle arriva à la porte ouverte de la chambre d’Hannah.

      Elle y passa la tête et vit sa demi-sœur de dix-sept ans, Hannah Dorsey, blottie sur le lit, endormie. La jeune fille avait repoussé les couvertures à coups de pieds et frissonnait légèrement en se serrant dans ses propres bras.

      Jessie approcha sur la pointe des pieds, saisit la couette et la reposa doucement sur Hannah, qui marmonnait quelque chose d’inintelligible. La profileuse criminelle se tint au-dessus d’elle en essayant de distinguer des mots mais, quelques secondes plus tard, elle décida que cela ne donnerait rien et y renonça.

      Elle repartit à la porte sur la pointe des pieds, jeta un dernier coup d’œil en arrière puis ferma la porte. Elle soupira profondément. Malgré ses demandes répétées, c’était la troisième fois cette semaine que Hannah laissait la télévision allumée avant d’aller se coucher. Heureusement, c’était la première fois que Jessie était réveillée par les coups de feu d’un film de gangsters.

      Une partie d’elle-même voulait secouer la jeune fille pour la réveiller et la forcer à éteindre la télévision elle-même mais, comme elle l’avait récemment appris dans le bulletin d’informations en ligne sur l’éducation des enfants auquel elle était maintenant abonnée, les adolescents avaient apparemment besoin de dormir beaucoup plus longtemps pour satisfaire les besoins suscités par la croissance de leur corps et de leur esprit. De plus, si elle interrompait le sommeil d’Hannah pour lui adresser ses remontrances, demain, elle devrait subir encore plus de morosité de la part de la jeune fille.

      En retraversant le salon pour repartir au lit, elle se demanda quel bulletin d’informations en ligne indiquait aux professionnelles de presque trente ans comment dormir décemment de temps en temps. Alors qu’elle souriait, elle trébucha sur une chaussure que Hannah avait laissée au milieu de la pièce, tomba au sol et heurta le bois dur du plancher du genou gauche.

      Elle se força à étouffer le juron qu’elle avait envie de hurler, gémit discrètement, se redressa et repartit au lit en boitant. Avec sa douleur au genou, son cœur qui palpitait encore et mille idées qui se bousculaient dans sa tête, elle se résigna à passer une autre nuit à moitié blanche grâce à l’adolescente qu’elle avait accepté de laisser habiter chez elle.

      Je crois que je dormais mieux quand j’étais pourchassée par un tueur en série.

      Son humour noir la fit rire mais ne l’aida pas à s’endormir.

*

      – Je n’ai pas fait ça, insista Hannah avec colère.

      Assise à la table de petit déjeuner en face de la jeune fille, Jessie était stupéfaite. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle nie l’évidence.

      – Hannah, il y a seulement deux personnes qui habitent ici. Je me suis couchée avant toi. Quand je t’ai souhaité une bonne nuit, tu étais en train de regarder la télévision. Quand j’ai été réveillée au milieu de la nuit, elle était allumée. Pas la peine de travailler pour la Police de Los Angeles pour savoir qui a laissé la télévision allumée.

      Hannah la regarda fixement, ses yeux verts pleins de conviction.

      – Jessie, je ne veux pas te manquer de respect, mais tu as avoué que tu avais eu des problèmes de sommeil ces derniers temps. De plus, à ton âge, la mémoire commence à baisser un peu. Ne serait-il pas possible que tu aies oublié une chose que tu aurais réellement faite et que tu me la reproches parce que tu adhères au stéréotype de l’adolescente paresseuse et distraite ?

      Jessie la regarda fixement, interloquée par son audace. C’était stupéfiant de mentir sur une chose aussi évidente sans raison visible.

      – Tu sais que je gagne ma vie en pourchassant les tueurs en série, d’accord ? lui rappela-t-elle. Il y a peu de chances que tu me mènes en bateau.

      Hannah prit la dernière bouchée de son toast et se leva. Ses cheveux blond sable lui tombèrent par-dessus le visage quand elle s’étira de tout son corps dégingandé d’un mètre soixante-quinze, seulement deux centimètres et demi de moins que Jessie.

      – N’avons-nous pas rendez-vous avec la psychothérapeute ce matin ? demanda-t-elle en ignorant complètement ce que venait de dire Jessie. Je pensais que c’était à neuf heures. Il est huit heures trente-deux.

      Elle repartit dans sa chambre pour finir de s’habiller en laissant son assiette et sa tasse vide sur la table. Jessie se retint de l’appeler et de lui dire de mettre ses affaires dans le lave-vaisselle.

      Elle se rappela les limites qu’elle s’était imposées quand Hannah était venue habiter chez elle deux mois auparavant. Elle n’était pas et n’essaierait pas d’être la parente de cette fille. Sa mission était de fournir un environnement sécurisé à la demi-sœur dont elle venait de faire la connaissance pour qu’elle puisse se remettre après une série d’incidents traumatisants. Sa mission était d’aider Hannah à guérir et à réintégrer un monde qui semblait l’encercler de dangers. Sa mission était d’être une source de soutien et de sécurité. Jessie savait tout ça instinctivement et intellectuellement, et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi donc cette fille ne pouvait pas ranger une foutue assiette.

      En faisant la vaisselle, elle se dit pour la millième fois que tout cela était normal, que Hannah faisait l’imbécile pour contrôler sa propre vie, chose qu’elle n’avait pas du tout pu faire ces derniers temps, que ce n’était pas personnel et que ça ne durerait pas éternellement.

      Elle se dit toutes ces choses mais, en son for intérieur, elle n’était pas sûre d’y croire. Une partie d’elle-même craignait qu’il ne se passe d’autres choses plus sombres en Hannah, des choses qui pourraient s’avérer irréversibles.

      CHAPITRE DEUX

      Jessie devenait nerveuse.

      Elle savait que la séance de Hannah avec la docteure Lemmon allait bientôt se terminer. Est-ce que la jeune fille allait sortir du bureau en pleurs, comme la dernière fois, ou impassible, comme les deux d’avant ?

      Si quelqu’un pouvait parler à Hannah, Jessie croyait fermement que c’était la docteure Janice Lemmon. Malgré son apparence sans prétention, cette femme méritait le respect. Son petit corps, sa permanente blonde serrée et ses lunettes épaisses donnaient plus à cette psychothérapeute behavioriste de la soixantaine l’apparence d’une grand-mère que celle d’une des expertes les plus renommées de la côte ouest sur les comportements aberrants. Cependant, sous cette apparence ordinaire, il y avait une femme tellement respectée qu’il lui arrivait encore de fournir des services de consultante à la Police de Los Angeles, au FBI et à d’autres organisations dont elle ne parlait jamais. Elle était aussi la psychothérapeute de Jessie.

      D’abord, Jessie avait craint que lui demander de traiter aussi Hannah ne

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