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The Original 1939 Notebook of a Return to the Native Land. Aimé Césaire
Читать онлайн.Название The Original 1939 Notebook of a Return to the Native Land
Год выпуска 0
isbn 9780819573711
Автор произведения Aimé Césaire
Жанр Поэзия
Серия Wesleyan Poetry Series
Издательство Ingram
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Au bout du petit matin, ce plus essentiel pays restitué à ma gourmandise, non de diffuse tendresse, mais la tourmentée concentration sensuelle du gras téton des mornes avec l’accidentel palmier comme son germe durci, la jouissance saccadée des torrents et depuis Trinité jusqu’à Grand-Rivière, la grand’lèche hystérique de la mer.
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At the end of first light, this most essential land restored to my gourmandize, not in diffuse tenderness, but the tormented sensual concentration of the fat tits of the mornes with an occasional palm tree as their hardened sprout, the jerky orgasm of torrents and from Trinité to Grand-Rivière* the hysterical grandsuck of the sea.
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Et le temps passait vite, très vite.
Passés août où les manguiers pavoisent de toutes leurs lunules, septembre l’accoucheur de cyclônes, octobre le flambeur de cannes, novembre qui ronronne aux distilleries, c’était Noël qui commençait.
Il s’était annoncé d’abord Noël par un picotement de désirs, une soif de tendresses neuves, un bourgeonnement de rêves imprécis, puis il s’était envolé tout à coup dans le froufrou violet de ses grandes ailes de joie, et alors c’était parmi le bourg sa vertigineuse retombée qui éclatait la vie des cases comme une grenade trop mûre.
Noël n’était pas comme toutes les fêtes. Il n’aimait pas à courir les rues, à danser sur les places publiques, à s’installer sur les chevaux de bois, à profiter de la cohue pour pincer les femmes, à lancer des feux d’artifice au front des tamariniers. Il avait l’agoraphobie, Noël. Ce qu’il lui fallait c’était toute une journée d’affairement, d’apprêts, de cuisinages, de nettoyages, d’inquiétudes, de peur-que-ça
ne-suffise-pas,
de-peur-que-ça-ne-manque,
de-peur-qu’on-ne-s’embête,
puis le soir une petite église pas intimidante qui se laissât emplir bien-veillamment par les rires, les chuchotis, les confidences, les déclarations amoureuses, les médisances et la cacophonie gutturale d’un chantre bien d’attaque et aussi de gais copains et de franches luronnes et des cases aux entrailles riches en succulences, et pas regardantes, et l’on s’y parque une vingtaine, et la rue est déserte, et le bourg n’est plus qu’un bouquet de chants, et l’on est bien à l’intérieur, et l’on en mange du bon, et l’on en boit du réjouissant et il y a du boudin, celui étroit de deux doigts qui s’enroule en volubile, celui large et trapu, le bénin à goût de serpolet, le violent à incandescence pimentée, et du café brûlant et de l’anis sucré, et du punch au lait, et le soleil liquide des rhums, et toutes sortes de
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And time passed quickly, very quickly.
After August and mango trees decked out in all their lunules, September begetter of cyclones, October igniter of sugarcane, November purring in the distilleries, there came Christmas.
It had come in first, Christmas did, with a tingling of desires, a thirst for new tendernesses, a burgeoning of vague dreams, then with a purple rustle of its great joyous wings it had suddenly flown away, and after that its abrupt fall out over the village making shack life burst like an overripe pomegranate.
Christmas was not like other holidays. It didn’t like to gad about the streets, to dance on public squares, to mount the carousel horses, to use the crowd to pinch women, to hurl fireworks into the faces of the tamarind trees. It had agoraphobia, Christmas did. What it wanted was a whole day of bustling, preparing, a cooking and cleaning spree, endless jitters, about
not-having-enough,
about-running-short,
about-getting-bored,
then at evening an unimposing little church that would benevolently make room for the laughter, the whispers, the secrets, the love talk, the gossip and the guttural cacophony of a plucky singer and also boisterous pals and shameless hussies and shacks up to their guts in succulent goodies, and not stingy, and twenty people can crowd in, and the street is deserted, and the village turns into a bouquet of singing, and you are cozy in there, and you eat good, and you drink heartily, and there are blood sausages, one kind only two fingers wide twined in coils, another broad and stocky, the mild one tasting of wild thyme, the hot one spiced to an incandescence, and steaming coffee and sugared anisette, and milk
bonnes choses qui vous imposent autoritairement les muqueuses ou vous les fondent en subtilités, ou vous les distillent en ravissements, ou vous les tissent de fragrances, et l’on rit, et l’on chante, et les refrains fusent à perte de vue comme des cocotiers :
ALLELUIA
KYRIE ELEISON… LEISON… LEISON,
CHRISTE ELEISON… LEISON… LEISON.
Et ce ne sont pas seulement les bouches qui chantent, mais les mains, mais les pieds, mais les fesses, mais les sexes, et la créature tout entière qui se liquéfie en sons, voix et rythme.
Arrivée au sommet de son ascension, la joie crève comme un nuage. Les chants ne s’arrêtent pas, mais ils roulent maintenant inquiets et lourds par les vallées de la peur, les tunnels de l’angoisse et les feux de l’enfer.
Et chacun se met à tirer par la queue le diable le plus proche, jusqu’à ce que la peur s’abolisse insensiblement dans les fines sablures du rêve, et l’on vit comme dans un rêve véritablement, et l’on boit et l’on crie et l’on chante comme dans un rêve, et on somnole aussi comme dans un rêve avec des paupières en pétales de rose, et le jour vient velouté comme une sapotille, et l’odeur de purin des cacaoyers, et les dindons qui égrènent leurs pustules rouges au soleil, et l’obsession des cloches, et la pluie,
les cloches… la pluie…
qui tintent, tintent, tintent…
punch, and the liquid sun of rums, and all sorts of good things that drive your taste buds wild or dissolve them into subtleties, or distill them to the point of ecstacy or cocoon them with fragrances, and you laugh, and you sing, and the refrains flare on and on like coco palms:
ALLELUIA
KYRIE ELEISON … LEISON … LEISON,
CHRISTE ELEISON … LEISON … LEISON.
And not only do the mouths sing, but the hands, the feet, the buttocks, the genitals, and your entire being that liquefies into sounds, voices and rhythm.
At the peak of its ascent, joy bursts like a cloud. The songs don’t stop, but roll now anxious and heavy through the valleys of fear, the tunnels of anguish and the fires of hell.
And everybody starts pulling the nearest devil by the tail, until fear imperceptibly fades in the fine sand lines of dream, and you really live as in a dream, and you drink and you shout and you sing as in a dream, and doze too as in a dream with rose petal eyelids, and the day comes velvety as a sapodilla, and the liquid manure smell of the cacao trees, and the turkeys shelling their red pustules in the sun, and the obsessive bells, and the rain,
the bells … the rain …
that tinkle, tinkle, tinkle …
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Au bout du petit matin, cette ville plate—étalée…
Elle rampe sur les mains sans jamais aucune envie de vriller le ciel d’une stature de protestation. Les dos des maisons ont peur du ciel truffé de feu, leurs pieds des noyades du sol, elles ont opté de se poser superficielles entre les surprises et les perfidies. Et pourtant elle avance la ville. Même qu’elle paît tous les jours plus outre sa marée de corridors carrelés, de persiennes pudibondes, de cours gluantes, de peintures qui dégoulinent. Et de petits scandales étouffés, de petites hontes tues, de petites haines immenses pétrissent en bosses et creux les rues étroites où le ruisseau grimace longitudinalement parmi l’étron…
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