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The Original 1939 Notebook of a Return to the Native Land. Aimé Césaire
Читать онлайн.Название The Original 1939 Notebook of a Return to the Native Land
Год выпуска 0
isbn 9780819573711
Автор произведения Aimé Césaire
Жанр Поэзия
Серия Wesleyan Poetry Series
Издательство Ingram
[11]
Au bout du petit matin le morne au sabot inquiet et docile—son sang impaludé met en déroute le soleil de ses pouls surchauffés.
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At the end of first light the morne in restless, docile hooves—its malarial blood routs the sun with its overheated pulse.
[12]
Au bout du petit matin l’incendie contenu du morne, comme un sanglot que l’on a bâillonné au bord de son éclatement sanguinaire, en quête d’une ignition qui se dérobe et se méconnaît.
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At the end of first light the restrained conflagration of the morne, like a sob gagged on the verge of a bloodthirsty burst, in quest of an ignition that slips away and ignores itself.
[13]
Au bout du petit matin, le morne accroupi devant la boulimie aux aguets de foudres et de moulins, lentement vomissant ses fatigues d’hommes, le morne seul et son sang répandu, le morne et ses pansements d’ombre, le morne et ses rigoles de peur, le morne et ses grandes mains de vent.
[13]
At the end of first light, the morne crouching before bulimia on the outlook for tuns and mills, slowly vomiting out its human fatigue, the morne solitary and its blood shed, the morne bandaged in shade, the morne and its ditches of fear, the morne and its great hands of wind.
[14]
Au bout du petit matin, le morne famélique et nul ne sait mieux que ce morne bâtard pourquoi le suicide s’est étouffé avec complicité de son hypoglosse en retournant sa langue pour l’avaler ; pourquoi une femme semble faire la planche à la rivière Capot (son corps lumineusement obscur s’organise docilement au commandement du nombril) mais elle n’est qu’un paquet d’eau sonore.
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At the end of first light, the famished morne and no one knows better than this bastard morne why the suicide* choked with a little help from his hypoglossal jamming his tongue backward to swallow it; why a woman seems to float belly up on the Capot River* (her chiaroscuro body submissively organized at the command of her navel) but she is only a bundle of sonorous water.
[15]
Et ni l’instituteur dans sa classe, ni le prêtre au catéchisme ne pourront tirer un mot de ce négrillon somnolent, malgré leur manière si énergique à tous deux de tambouriner son crâne tondu, car c’est dans les marais de la faim que s’est enlisée sa voix d’inanition (un mot-un-seul-mot et je-vous-en-tiens-quitte-de-la-reine-Blanche-de-Castille, un mot-un-seul-mot, voyez-vous-ce-petit-sauvage-qui-ne-sait-pas-un-seul-des-dix-commandements-de-Dieu),
car sa voix s’oublie dans les marais de la faim,
et il n’y a rien, rien à tirer vraiment de ce petit vaurien,
qu’une faim qui ne sait plus grimper aux agrès de sa voix,
une faim lourde et veule,
une faim ensevelie au plus profond de la Faim de ce morne famélique.
[15]
And neither the teacher in his classroom, nor the priest at catechism will be able to get a word out of this sleepy little picaninny, no matter how energetically they drum on his shorn skull, for starvation has quicksanded his voice into the swamp of hunger (a word-one-single-word and we-will-forget-about-Queen-Blanche-of-Castille,* a word-one-single-word, you-should see-this-little-savage-who-doesn’t-know-any-of-God’s-Ten-Commandments),
for his voice gets lost in the swamp of hunger,
and there is nothing, really nothing to squeeze out of this little brat, other than a hunger that can no longer climb to the rigging of his voice,
a sluggish flabby hunger,
a hunger buried in the depths of the Hunger of this famished morne.
[16]
Au bout du petit matin, l’échouage hétéroclite, les puanteurs exacerbées de la corruption, les sodomies monstrueuses de l’hostie et du victimaire, les coltis infranchissables du préjugé et de la sottise, les prostitutions, les hypocrisies, les lubricités, les trahisons, les mensonges, les faux, les
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At the end of first light, the disparate stranding, the exacerbated stench of corruption, the monstrous sodomies of the host and the sacrificing priest, the impassable beakhead frames of prejudice and stupidity, the prostitutions, the hypocrisies, the lubricities, the treasons, the lies, the
concussions—l’essoufflement des lâchetés insuffisantes, l’enthousiasme sans ahan aux poussis surnuméraires, les avidités, les hystéries, les perversions, les arlequinades de la misère, les estropiements, les prurits, les urticaires, les hamacs tièdes de la dégénérescence. Ici la parade des risibles et scrofuleux bubons, les poutures de microbes très étranges, les poisons sans alexitère connu, les sanies de plaies bien antiques, les fermentations imprévisibles d’espèces putrescibles.
frauds, the concussions—the panting of a deficient cowardice, the heave-holess enthusiasm of supernumerary sahibs, the greeds, the hysterias, the perversions, the harlequinades of poverty, the cripplings, the pruritus, the urticaria, the tepid hammocks of degeneracy. Right here the parade of laughable and scrofulous buboes, the forced feeding of very strange microbes, the poisons without known alexins, the sanies of really ancient sores, the unforeseeable fermentations of putrescible species.
[17]
Au bout du petit matin, la grande nuit immobile, les étoiles plus mortes qu’un balafong crevé.
[17]
At the end of first light, the great still night, the stars deader than a smashed balafo.
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Le bulbe tératique de la nuit, germé de nos bassesses et de nos renon-cements…
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The teratical bulb of night, sprouted from our villainies and our self-
denials …
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Et nos gestes imbéciles et fous pour faire revivre l’éclaboussement d’or des instants favorisés, le cordon ombilical restitué à sa splendeur fragile, le pain, et le vin de la complicité, le pain, le vin, le sang des épousailles véridiques.
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And our idiotic and insane stunts to revive the golden splashing of privileged moments, the umbilical cord restored to its ephemeral splendor, the bread, and the wine of complicity, the bread, the wine, the blood of veracious weddings.
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Et cette joie ancienne m’apportant la connaissance de ma présente misère,
une route bossuée qui pique une tête dans un creux où elle éparpille quelques cases ; une route infatigable qui charge à fond de train un morne en haut duquel elle s’enlise brutalement dans une mare de maisons pataudes, une route follement montante, témérairement descendante, et la carcasse de bois comiquement juchée sur de minuscules pattes de ciment que j’appelle « notre maison », sa coiffure de tôle ondulant au soleil comme une peau qui sèche, la salle à manger, le plancher grossier où luisent des têtes de clous, les solives de sapin et d’ombre qui courent au plafond, les chaises de paille fantômales, la lumière grise de la lampe, celle vernissée et rapide des cancrelats qui bourdonne à faire mal…
[20]
And this joy of former times making me aware of my present poverty,
a bumpy road plunging into a hollow where it scatters a few shacks; an indefatigable road charging at full speed a morne at the top of which it brutally quicksands into a pool of clumsy houses, a road foolishly climbing, recklessly descending, and the carcass of wood, which I call “our house,” comically perched on minute cement paws, its coiffure