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de lune. “Détonateur,” murmura l’homme. Son regard allait et venait entre le boîtier et le bâtiment, et il semblait arriver à la même conclusion que Reid, à savoir que s’il lâchait le levier, ils seraient morts tous les deux en un instant.

      Le terroriste abandonna l’idée de tirer sur Reid, et tapa un sprint vers l’avant du bâtiment. Reid s’empressa de le suivre. Il entendit des cris en arabe : “Détonateur ! Il a le détonateur de la bombe !”

      Il tourna pour rejoindre l’avant du chai, le AK pointé devant lui, la crosse au creux de son coude, son autre main arborant le levier en l’air, au-dessus de sa tête. Le terroriste n’avait pas abandonné l’idée de fuir, et il continuait de courir sur la route en gravier qui s’éloignait du bâtiment en hurlant d’une voix rauque. Les deux autres terroristes se trouvaient tous deux devant la porte avant, apparemment prêts à entrer et à en finir avec Reid. Ils l’observèrent avec stupéfaction arriver vers eux.

      Reid examina brièvement la scène. Les deux autres hommes avaient des pistolets : Sig Sauer P365, treize cartouches avec manche allongé. Mais aucun d’entre eux ne les pointa sur lui. Comme il l’avait supposé, Otets avait réussi à sortir par la porte de devant et était, à l’heure actuelle, à mi-chemin entre le chai et le SUV, boitillant en tenant sa jambe blessée, soutenu au niveau de l’épaule par un petit homme corpulent avec un képi noir. Le chauffeur, pensa Reid.

      “Flingues à terre,” ordonna Reid, “ou je fais tout sauter.”

      Les terroristes posèrent précautionneusement leurs armes à terre. Reid pouvait entendre d’autres voix crier plus loin. D’autres hommes arrivaient depuis l’ancien manoir. La femme russe les avait sûrement avertis.

      “Courez,” leur dit-il. “Allez leur expliquer ce qui se passe.”

      Il n’eut pas besoin de leur dire deux fois. Ils se mirent à courir en direction de la cohorte.

      Reid se tourna alors vers le chauffeur en train d’aider cet estropié d’Otets. “Stop !” rugit-il.

      “Ne t’arrête pas !” hurla Otets en russe.

      Le chauffeur hésita. Reid laissa tomber le AK et sortit le Glock de la poche de son blouson. Ils n’avaient fait que la moitié du chemin jusqu’à la voiture : même pas vingt-cinq mètres. Facile.

      Il fit quelques pas en avant et cria, “Jusqu’à aujourd’hui, je ne pensais pas avoir déjà tiré avec une arme à feu. Mais, en fait, je suis un très bon tireur.”

      Le chauffeur était un homme sensible, peut-être un lâche, ou les deux à la fois. Il lâcha Otets, laissant tomber son boss sans aucune cérémonie sur le gravier.

      “Les clés,” demanda Reid. “Lâche-les.”

      Les mains du chauffeur tremblaient alors qu’il cherchait les clés du SUV dans la poche interne de sa veste. Il les laissa tomber à ses pieds.

      Reid fit un geste avec le canon de son pistolet. “Va-t’en.”

      Le chauffeur s’enfuit en courant. Le képi vola de sa tête, mais il ne s’arrêta même pas pour le ramasser.

      “Espèce de lâche !” pesta Otets en russe.

      Reid commença par récupérer les clés, puis se posta debout au-dessus d’Otets. Les voix distantes se rapprochaient. Le manoir se trouvait à 500 m de là. La russe avait dû mettre environ quatre minutes pour l’atteindre à pied, donc il ne fallait que quelques minutes aux hommes pour revenir ici. Il se dit qu’il lui restait moins de deux minutes.

      “Lève-toi.”

      Otets cracha sur ses chaussures en guise de réponse.

      “Comme tu voudras.” Reid rangea le Glock dans sa poche, attrapa Otets par le dos de sa veste de costume et le traîna vers le SUV. Le russe hurla de douleur, alors que sa jambe blessée râclait contre le gravier.

      “Monte,” ordonna Reid, “ou je te tire dans l’autre jambe.”

      Otets grommela dans un souffle, couinant de douleur, mais il monta à bord du véhicule. Reid claqua la portière, fit rapidement le tour, et se posta au volant. Sa main gauche tenait toujours le levier de la bombe.

      Il démarra le SUV et appuya sur la pédale. Les roues patinèrent, projetant du gravier et de la poussière derrière elles, puis le véhicule partit en avant dans une grosse secousse. Dès qu’il se retrouva sur l’étroit chemin d’accès, les tirs fusèrent. Des balles ricochèrent du côté passager dans une série de bruits sourds. La vitre, juste à droite de la tête d’Otets, se fissura en toile d’araignée, mais ne céda pas.

      “Idiots !” hurla Otets. “Arrêtez de tirer !”

      Résistance aux balles, pensa Reid. J’en étais sûr. Mais il savait aussi que ça ne durerait pas longtemps. Il appuya à fond sur la pédale d’accélération et le SUV fit une nouvelle embardée rugissante devant les trois hommes, postés sur les côtés de la route, en train de tirer sur la voiture. Reid descendit sa vitre alors qu’il passait devant les deux terroristes, encore en train de courir pour sauver leur vie.

      C’est à ce moment-là qu’il balança le boîtier dehors.

      L’explosion fit trembler le SUV, même à distance. Ce ne fut pas tant le bruit de la détonation qui le heurta, mais plutôt sa résonnance qui le secoua au plus profond de ses entrailles. En jetant un coup d’œil dans le rétroviseur, il ne vit rien d’autre qu’une intense lumière jaune, comme s’il regardait directement le soleil. Il vit des tâches couler un moment, mais il s’efforça de regarder la route devant lui. Une boule de feu orange roula dans le ciel, déroulant un immense panache de fumée noire avec elle.

      Otets laissa échapper un gémissement dans un soupir. “Tu n’as aucune idée de l’erreur que tu viens de commettre,” dit-il posément. “Tu es un homme mort, Agent.”

      Reid ne dit rien. Il réalisait ce qu’il venait de faire : il venait de détruire une énorme quantité de preuves qui auraient pu être utilisées contre Otets, lors d’un procès, une fois qu’il l’aurait remis aux autorités. Mais Otets avait tort. Il n’était pas un homme mort, du moins pas encore, et la bombe lui avait permis de s’en sortir.

      Jusqu’ici en tout cas.

      Derrière lui, se profilait la belle demeure, mais il n’avait pas le temps d’en apprécier l’architecture cette fois encore. Reid regardait droit devant lui, jetant parfois brièvement un œil dans le rétroviseur, traversant les ornières sur la route.

      Une lueur vive attira son attention dans le rétroviseur. Deux paires de phares apparurent, quittant l’allée de la maison. Ils étaient bas par rapport au sol et il pouvait entendre le vrombissement haut perché des moteurs courvir le bruit du sien. Des voitures de sport. Il accéléra de nouveau à fond. Ils seraient plus rapides, mais le SUV était mieux équipé pour gérer les aspérités de la route en piteux état.

      D’autres tirs éclatèrent dans les airs, alors que les balles atteignaient l’arrière du véhicule. Reid agrippait le volant à deux mains, ses veines saillant à cause de la tension dans ses muscles. Il maîtrisait la situation. Il pouvait le faire. Le portail en fer ne devait pas être bien loin. Il roulait à 90 km/h dans les vignes. S’il parvenait à conserver cette vitesse, cela suffirait peut-être à enfoncer le portail.

      Le SUV fut violemment secoué par une balle. Elle venait de s’enfoncer dans le pneu arrière gauche du véhicule qui éclata. L’avant vira soudainement de bord. Reid tourna instinctivement le volant à fond dans l’autre sens en serrant les dents. L’arrière dérapa, mais le SUV tint bon.

      “Que dieu me vienne en aide,” gémit Otets. “Ce dingue va finir par avoir ma peau…”

      Reid mit un nouveau coup de volant et le véhicule reprit le droit chemin. Néanmoins, le régulier cling-cling du pneu lui indiqua qu’il roulait sur la jante et les débris de caoutchouc.

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