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je me dis que tu ne peux pas me tuer.”

      J’ai assassiné sept hommes.

      Mais il s’agissait de légitime défense.

      Otets venait d’atteindre la dernière marche, Reid derrière lui, avec les deux mains enfouies dans les poches de son blouson. Ses paumes étaient moites contre les pistolets. Le russe s’arrêta et jeta brièvement un œil par-dessus son épaule, sans vraiment regarder Reid. “Les iraniens. Ils sont morts ?”

      “Quatre d’entre eux,” dit Reid. Le vacarme des machines couvrit presque sa voix.

      Otets fit claquer sa langue. “Dommage. Mais, encore une fois… cela prouve que j’ai raison. Tu n’as aucune piste, personne d’autre vers qui te tourner. Tu as besoin de moi.”

      Cette pensée interpella Reid. La panique monta dans sa poitrine. L’autre part en lui, celle de Kent, la refoula comme on avale une pilule à sec. “Je possède déjà tout ce que le cheikh nous a donné…”

      Otets ricana doucement. “Le cheikh, oui. Mais tu sais déjà que Mustafar ne savait pas grand-chose. C’était un financier, Agent. Il était faible. Pense-tu que nous lui faisions confiance par rapport à notre plan ? Si oui, pourquoi es-tu venu ici ?”

      De la sueur perla sur les sourcils de Reid. Il était venu ici dans l’espoir de trouver des réponses, non seulement sur ce supposé plan, mais aussi sur qui il était vraiment. Il en avait découvert beaucoup plus que prévu. “Avancez,” demanda-t-il de nouveau. “vers la porte, lentement.”

      Otets descendit totalement de l’escalier, avec lenteur, mais il ne se dirigea pas vers la porte. Il avança dans la pièce, vers ses hommes.

      “Qu’est-ce que vous faites ?” demanda Reid.

      “Je réponds à ton bluff, Agent Zéro. Si je me trompe, tu me tueras.” Il sourit et fit un autre pas en avant.

      Deux des travailleurs levèrent les yeux. De leur perspective, c’était comme si Otets discutait simplement avec un inconnu, peut être un associé en affaire ou un représentant d’une autre faction. Aucune raison de s’alarmer.

      La panique remonta soudain dans la poitrine de Reid. Il pouvait lâcher les armes. Otets n’était qu’à deux pas devant lui, mais Reid ne pouvait pas vraiment l’empoigner et le forcer à se diriger vers la porte sans alerter les six hommes. Il ne pouvait pas non plus risquer de tirer dans une pièce remplie d’explosifs.

      “Allez-y svidaniya, Agent.” Otets sourit. Sans détourner les yeux de Reid, il cria en anglais, “Tuez cet homme !”

      Deux autres travailleurs levèrent la tête, échangeant des regards entre eux et avec Otets, confus. Reid eut l’impression qu’il s’agissait d’ouvriers, pas de soldats ou de gardes du corps comme la paire de gorilles refroidis à l’étage.

      “Idiots !” hurla Otets pour couvrir le bruit des machines. “Cet homme fait partie de la CIA ! Abattez-le !”

      Cette phrase attira leur attention. Les deux hommes à la table en mélaminé se levèrent rapidement pour saisir les flingues sous leurs aisselles. L’africain à la perceuse pneumatique se baissa vers sa cheville et en sortit un AK-47 qu’il posta contre son épaule.

      À peine avaient-ils bougé que Reid bondit en avant, tirant ses deux mains de ses poches avec les deux pistolets en même temps. Il fit pivoter Otets par l’épaule et posa le Beretta contre la tempe gauche du russe, puis visa l’homme au AK avec son Glock, le bras posé sur l’épaule d’Otets.

      “Ce ne serait pas très malin,” dit-il en criant. “Vous savez bien ce qui pourrait arriver si nous commençons à tirer ici.”

      La vue d’un pistolet sur la tête de leur patron poussa le reste des hommes à réagir. Il avait raison : ils étaient tous armés. À présent, il avait six armes pointées sur lui avec seulement Otets pour les parer. L’homme au AK regarda nerveusement ses collègues. Une fine coulée de sueur descendait d’un côté de son front.

      Reid fit un petit pas en arrière, entraînant Otets avec lui d’un simple coup de pouce sur le Beretta. “Gentiment et tranquillement,” dit-il avec calme. “S’ils se mettent à tirer ici, le bâtiment entier pourrait voler en éclats. Et je ne pense pas que vous ayez envie de mourir aujourd’hui.”

      Otets serra les dents et murmura des injures en russe.

      Ils reculèrent peu à peu, petits pas par petits pas, vers les portes du chai. Le cœur de Reid menaçait de sortir de sa poitrine. Ses muscles se raidissaient nerveusement, puis ils se relâchèrent alors que l’autre part en lui l’exhortait à se calmer. Évacue la tension de tes membres. Tendre tes muscles ne fera que ralentir tes réactions.

      Pour chaque minuscule pas en arrière qu’il faisait avec Otets, les six hommes en faisaient un en avant, maintenant une courte distance entre eux. Ils attendaient une occasion, et plus ils s’éloignaient des machines, moins le risque d’une explosion accidentelle était important. Reid savait que seule la peur de tuer Otets par accident les empêchait de tirer. Personne ne parlait, mais les machines ronronnaient derrière eux. La tension dans l’air était palpable et électrique. Il savait qu’à tout moment, l’un d’entre eux pourrait perdre son calme et ouvrir le feu.

      Puis, son dos toucha les doubles portes. Un pas de plus et il les ouvrit en poussant, entraînant Otets avec lui d’un coup de coude, avec la menace du Beretta sur lui.

      Avant que les portes ne se referment, Otets hurla sur ses hommes. “Il ne doit pas sortir d’ici vivant !”

      Puis, une fois refermées, ils se retrouvèrent tous deux dans une autre salle, celle d’embouteillage, avec le tintement des bouteilles et la douce odeur des grappes. Dès qu’ils furent dedans, Reid se retourna en pointant le Glock au niveau de la poitrine, gardant toujours le Beretta sur la tempe d’Otets.

      Des machines d’embouteillage et de bouchonnage tournaient, mais elles étaient presque entièrement automatiques. La seule personne présente dans cette immense pièce était une femme russe à l’air fatigué, portant un foulard vert sur la tête. À la vue de l’arme, de Reid et d’Otets, ses yeux hagards s’écarquillèrent de terreur et elle leva les deux mains.

      “Éteignez ça,” dit Reid en russe. “Vous entendez ?”

      Elle acquiesça vigoureusement et abaissa deux leviers sur le panneau de commande. Les machines sifflèrent en s’arrêtant tout net.

      “Sortez d’ici,” lui dit-il. Elle déglutit, puis se mit à reculer lentement vers la porte de sortie. “Plus vite !” cria-t-il violemment. “Partez !”

      “Da,” murmura-t-elle. La femme se précipita vers la lourde porte en acier, l’ouvrit et déguerpit dans la nuit. La porte se referma dans un bruit résonnant.

      “Et maintenant, Agent ?” grommela Otets en anglais. “Quel est votre plan de sortie ?”

      “Fermez-la.” Reid pointa son arme vers les doubles portes menant à l’autre pièce. Pourquoi est-ce qu’ils n’ont pas encore débarqué ? Il ne pouvait pas vraiment continuer d’avancer sans savoir exactement où ils étaient. S’il y avait une issue de secours dans ce bâtiment, ils pouvaient très bien l’attendre à l’extérieur. S’ils étaient suivis, il n’aurait aucun moyen de faire monter Otets dans le SUV et de s’enfuir à bord sans se faire tirer dessus. Dehors, il n’y aurait aucune menace d’explosifs. Ils pourraient tenter de tirer. Est-ce qu’ils risqueraient de tuer Otets pour l’intercepter ? Des nerfs en pelote et une arme à feu ne composaient pas un mélange idéal pour quiconque, même pour leur boss.

      Avant qu’il ne puisse décider de la suite des événements, les puissantes lumières fluorescentes s’éteignirent d’un coup au-dessus d’eux. En un instant, ils furent plongés dans l’obscurité.

      CHAPITRE HUIT

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