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elle-même.

      –Comment était-elle habillée?

      –En mousseline blanche.

      –C'est bien cela! Romanesque comme elle est, la pauvre enfant a voulu se vêtir de blanc pour attendre la mort!

      Cependant l'un de nous ramassait la lettre tombée à terre et en prenait une connaissance plus complète.

      Voici ce qu'il lut: «… Dans ces conditions-là, mon cher ami, l'existence m'est devenue impossible. Je me tue à te le répéter, je finirai par te planter là, etc.»

      Nous poussâmes tous un vif soupir de soulagement et reprîmes notre repas interrompu, non sans avoir dégusté un de ces vieux calvados, comme dit l'autre, qui vous remettent le coeur en place.

      TRISTE FIN D'UN TOUT PETIT GROOM

      C'est un fait-divers à la fois banal et navrant.

      Beaucoup de Parisiens connaissaient le petit groom de Maxim's, le plus petit des grooms de Maxim's, celui qui était de taille si menue qu'un soir une horizontale des plus grises, abusée par l'uniforme écarlate de l'enfant, le prit pour une écrevisse et voulait, à toute force, lui arracher une patte.

      (Sans l'énergie du peintre Paul Robert, le jeune groom passait un mauvais moment.)

      Eh bien, le pauvre petit n'est plus: il a mis lui-même fin à ses jours vendredi matin à l'aube.

      Jeudi dernier—nos lecteurs s'en souviennent probablement encore—c'était la Mi-Carême.

      Or, précisément, ce jour-là, plusieurs clubmen déjeunaient au célèbre restaurant de la rue Royale.

      Au dessert, l'un de ces messieurs, ne trouvant pas dans l'établissement les cigares qu'il désirait, pria le jeune groom d'aller lui en quérir une boîte au Tobacco-shop du Grand-Hôtel et lui remit, en vue de cette acquisition, un billet de cent francs.

      L'enfant arriva sans encombres, mais le retour fut plus pénible.

      Déjà une foule compacte et tumultueuse encombrait le boulevard, ardente au combat des confetti.

      Parmi les rares masques qui émaillaient cette tourbe, quatre jeunes gens se faisaient particulièrement remarquer.

      Déguisés en famille anglaise, l'un représentait le père, flanqué, naturellement, de longs favoris jaunes; le second était attifé en vieille milady à tire-bouchons; les deux autres portaient les costumes d'un ridicule boy et d'une burlesque girl.

      Apercevant soudain le petit groom de Maxim's fendant péniblement la foule avec, sous son bras, sa précieuse boîte de cigares, le quatuor se précipita sur le jeune infortuné.

      –Aôh! fit le vieux pseudo-Britishman affectant un dérisoire accent anglais, môa aimer bâocoup les bonnes cigares! Et mon fame aussi les bonnes cigares! Et ma baby aussi aimer les bonnes cigares! Et mon petit miss aussi aimer les bonnes cigares!

      Malheureusement, les jeunes gens ne s'en tenaient pas à ce discours de mascarade; en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, ils avaient ouvert la boîte et saisi, chacun, un excellent spécimen de cette coûteuse marchandise.

      Le pauvre petit avait beau se débattre, que faire contre une foule absurde à qui l'infortune d'autrui jette un aliment de plus dans le foyer des déchaînements et des folies!

      Rien de contagieux comme l'exemple!

      (J'ai stipulé dans mon testament une récompense de 100,000 fr. au savant qui découvrira le microbe de l'exemple.)

      Encouragés par les mignonnes dimensions du petit groom, quelques intrépides gaillards achevaient de piller la boîte de cigares.

      Comme de juste, le pauvre gosse n'osa point rentrer (ce en quoi il eut bien tort, car les clubmen étaient tellement saouls qu'ils ne se souvenaient plus de rien).

      Tout le reste de la journée et toute la nuit, il erra sur les boulevards, dépensant les trois louis qu'on lui avait rendus sur son billet de cent francs en confetti, en rigolos, en toutes sortes de divertissements.

      Au petit matin, après un court sommeil dans un massif des Champs-Élysées, le petit groom fut la proie pantelante du cruel désespoir.

      Un long serpentin pendait de la branche d'un arbre presque jusqu'au sol.

      L'enfant grimpa sur une chaise, fit un noeud coulant au ruban de papier, y passa la tête et, d'un coup de pied, s'envoya dans le paradis des tout petits grooms à qui les cohues stupides font de vilaines blagues…

      Comme je le disais en commençant, c'est un fait-divers à la fois banal et triste.

      GAUDISSART S'AMUSE

      Et il a bien raison de s'amuser Gaudissart, pendant qu'il est jeune!

      La vie est un pont, morne pont qui réunit les deux néants, celui d'avant, celui d'après.

      Or, que faire sur un pont, à moins que l'on n'y danse tous en rond, ainsi que cela se pratique notoirement sur le pont d'Avignon?

      Gaudeamus igitur, mes frères, et laissons les gens graves souffler ridiculement dans de ridicules baudruches qu'ils considèrent ensuite tels des blocs de Paros.

      Voilà pourquoi j'aime les voyageurs de commerce, gens gais, philosophes et qui s'arrangent toujours pour take a smile with life, comme disent les Anglais.

      Nous nous trouvions donc réunis, quelques-uns de ces messieurs, plusieurs chasseurs et moi, un récent soir, dans l'estaminet de la bonne auberge d'un voisin gros bourg.

      Le patron du lieu est un fort brave homme légèrement candide et d'une indérapable complaisance.

      Chacun le surnomme—je n'ai jamais su pourquoi—le père Becquenfleur.

      Nul d'entre nous n'avait sommeil, et bien qu'on dût se lever de fort bonne heure le lendemain, personne ne se souciait d'aller se coucher.

      Vite conclue, la connaissance entre les voyageurs et nous tourna plus vite encore à la cordialité parfaite.

      Ces messieurs, d'ailleurs, étaient tous charmants.

      L'un deux proposa:

      –Voulez-vous qu'on fasse une bonne blague au père Becquenfleur?

      Assentiment unanime.

      Voilà notre farceur qui se pose juste en face de la vieille et ancestrale horloge et qui, dodelinant de la tête, l'index tendu, accompagne d'un balancement rythmique de tout son corps le mouvement du balancier.

      Entre le père Becquenfleur?

      –Zut! s'écrie le fumiste, c'est trop difficile!… C'est même impossible.

      –Quoi donc qu'est impossible? s'informe l'ingénu bonhomme.

      –Se mettre en face d'une horloge et suivre, le doigt tendu et en balançant le corps, le mouvement du pendule, tout cela, pendant cinq minutes, et sans ouvrir la bouche.

      –C'est si difficile que ça?

      –Je vous dis que c'est impossible.

      –Allons donc!

      –Voulez-vous parier?… Tenez, je vous parie du champagne pour toute la compagnie que vous n'y arrivez pas.

      Le père Becquenfleur se gratte la tête, suppute et tient la gageure.

      Pas un spectacle au monde ne me semblera jamais d'un comique comparable à celui que nous eûmes alors sous les yeux.

      Le père Becquenfleur, serrant les lèvres farouchement, pour ne pas parler, avait contracté un mouvement qui rappelait celui de ces ours assis sur leur derrière et qui se balancent en mesure.

      Pendant ce temps, l'un de ces messieurs courait à la cuisine et prévenait la mère Becquenfleur.

      –Je ne sais pas ce qu'a votre mari… un coup de folie subite probablement. Il vient de s'installer devant son horloge, et il se balance comme cela, regardez, sans dire un mot… Vous devriez bien venir, nous sommes tous inquiets!

      Un peu sceptique—elle

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