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      La terrible et merveilleuse vie de Robert le Diable

      ¶ Cy commence la terrible & merveilleuse vie de Robert le diable / lequel aprés fust nommé l'homme Dieu

      Au commencement de Chascune oeuvre invoque l'ayde de nostre seigneur ainsi que boece de consolation: sans laquelle nulle autre chose ne peult bien estre commencee moyenné ne terminee: mais pource que nous autres pecheurs ne pouons riens ouyr ne obtenir de dieu que premierement il ne passe par les mains de la vierge Marie / ainsi que dit monseigneur Sainct Augustin. Et aussi car l'histoire cy aprés escripte: laquelle j'entens narrer a esté par le merite de la vierge Marie miraculeusement conduicte: ainsi que plus a plain par la Lecteure d'icelle pourrez cognoistre. Afin que a icelle plaise impetrer enver dieu le createur que je pauvre & simple entendement puisse ceste presente histoire decreter & reciter au proffit & salut de ceulx qui icelle liront. Au commencement de ce present traicté je veulx a icelle dame de grace presenter la salutation angelicque que l'ange Gabriel luy presenta du ciel en terre. C'est ave maria priant & supliant a tous ceulx qui d'icy en avant lirons ce present livre qu'ainsi le facent pour mieulx entendre & pour mieulx retenir les grands enseignemens & bons exemples en ce dit livre contenus. Tout homme qui a sens: raison: & entendement s'il cognoist qu'il soit en peché mortel: de celuy peché se doit repentir & demander pardon a Dieu ou autrement le diable au lien duquel il est lyé le menera a perpetuelle damnation de laquelle jamais ne sera rachepté / mais il sera en enfer eternellement tourmenté avecques les damnez Et se le pecheur prent cognoissance de son peché & d'iceluy aye repentance & pardon en la gloire de Paradis ainsi que i a long temps advint a iceluy duquel vous orrez tantost en iceluy livre parler.

      ¶ La declaration du nom de Robert le diable

      Il est vray qu'en la cité de rouen au pays de normandie nasquit un enfant lequel fut nommé Robert le diable: qui est un nom fort terrible & espouentable: mais la cause pourquoy il fut ainsi nommé je la vous vueil declarer. En celuy temps y avoit un noble duc en Normandie: vaillant / sage & chevaleureux doux & aussi courtoys a merveilles: lequel craignoit & aymoit dieu de bon cueur: & si faisoit faire bonne & droicte justice a un chascun: hardy: Preux / puissant & plaisant a Dieu & au monde / lequel Duc estoit appellé Hubert de ses beaulx faitz & vaillances en plusieurs cronicques anciennes est faicte mention. Tant avoit de biens & de vertu en luy que a les racompter seroit chose trop longue & quasi impossible. Or advint que un jour de Noel celuy Duc tint court ouverte a Vernon sur seine: a laquelle vindrent tous les nobles Barons & chevaliers de la duché de normandie. Et pource que le duc Hubert n'estoit point encores marié les nobles barons du pays qui la estoient luy prierent que ce fut son plaisir de se marier a fin qu'il augmentast sa lignee: & aussi qu'il eust successeur aprés luy. Ausquelz barons le duc voulant obtemperer a leurs prieres respondit & dit que ce qu'il leur plaisoit il feroit mais tant y a qu'il ne pouoit trouver femme ce que a luy apartient car de prendre femme de plus hault lieu que je ne suis a moy n'apartient & aussi de moy abaisser je feroye honte a tout mon lignage / parquoy me semble soubz vostre correction qu'il vault mieulx demourer ainsi que faire chose que a moy n'apartienne / de laquelle chose me porrois repentir lesquelles choses ouyes par les barons qui la estoient le plus ancien se leva & dist. Seigneur Duc vous avez parlé sagement: mais se vous me voulez croire je vous diray chose dont serez joyeux. Parlez dit le Duc. Sire dit le baron: le Duc de Bourgongne a une belle fille: sage / honneste & benigne: qui est chose informee a vostre estat & au moyen de ce pourrez acroistre vostre honneur & puissance: & si aurez alliance a plusieurs haulx & puissans hommes se vostre plaisir estoit de la faire demander: je suis seur que vous l'auriez voluntiers & ne vous la reffusera len point. Adonc respondit le duc que cela luy plaisoit bien & que c'estoit sagement parlé au baron. Adonc sans plus attendre le duc fist demander la damoyselle / laquelle par le duc de Bourgongne son pere luy fut octroyee / & furent faictes les nopces triumphantes.

      ¶ Comme aprés que le Duc de Normandie eut espousé la fille du duc de Bourgongne l'emmena triumphamment a rouen

      Aprés que le duc eust espousé la damoyselle / il l'emmena en la cité de Rouen acompagnee de plusieurs Barons & chevaliers / Dames & Damoyselles. Tant du pays de Bourgongne que d'ailleurs: en laquelle cité de rouen fut receue a tresgrand triumphe & magnificence / & fust faicte chere plantureuse entre Bourguignons & Normans qui la estoyent / desquelles choses a cause de briefveté et me tais: pour plustost venir au principal de ma matiere.

      Le Duc & la duchesse vesquirent long temps ensemble / sans pouoir engendrer enfant jusques a dixsept ans par leur faulte / pour ce qu'il ne plaisoit pas a dieu estre fait car aucunesfois c'est grand profit a L'homme et a la femme / de non avoir enfant. Et seroit plus profitable aux peres et aux meres / de n'avoir jamais engendrez ne conceu: que par faulte de doctrine et enseignement de Parens enfans estre damnez. Pourquoy je dy que L'homme ne doibt demander a Dieu sinon ce qu'il luy plaist & qui est necessaire au proffit de l'ame. Comme le Duc et la Duchesse feussent gens devotz craignans et aymans Dieu: souventesfoys en oraison confessez et repentans de leurs pechez: grands ausmoniers et faisant grand secours a pauvres gens / doulx humains & begnins au monde & tant misericordieux & tant charitables aux pauvres: que c'estoit chose merveilleuse / tant que tous biens et toutes vertus en eulx habonderent Quand il advenoit que le Duc vouloit habiter avec la duchesse sa femme / il faisoit priere a Dieu: qu'il luy pleust donner & envoyer lignee & enfans: par lesquelz Dieu peust estre servy & honnoré / & aussi pour prendre plaisir & soulas. Mais pour oraison ne pour prieres que ilz sceussent faire ne pouoient avoir nulz enfans.

      ¶ Comme le Duc en venant de l'esbat se complaignoit a la duchesse de ce qu'ilz ne pouoient avoir enfant

      Advint un jour que le Duc & la Duchesse venoient de l'esbat. Le Duc luy dit Dame / il nous va mal: car nous ne pouons avoir nulz enfans. Celuy qui nous assembla fist grand peché. et si a un autre fussiez donnee / je croy que eussiez portez enfans: & aussi se j'eusse eu une autre femme / je croy que j'eusse engendré enfans: comme je puis bien faire: que je suis mal fortuné. Mais non pourtant si n'auray je jour de ma vie charnelle compagnie de femme que de vous je vous asseure. Et quand la duchesse eut ouy ce que le duc avoit dit elle dit Sire Duc il nous fault prendre en gré puis qu'il plaist a Dieu: et avoir patience en toutes choses.

      ¶ Comme Robert le diable fut engendré. Et comme sa mere le donna au diable a son concepvement

      Advint un jour que le duc alla a la chasse: courroucé & quasi comme enragé de dueil / & a soy mesmes se complaignoit et disoit je voys plusieurs notables Dames lesquelles ont plusieurs beaux enfans auquelz elles prengnent plaisir & soulas: je cognois bien maintenant que dieu me hayt: A quoy tient il que je ne le regnie & toute sa puissance: car trop me fait le cueur dolent cest que je ne puis nul enfant avoir. Le duc fist une grande folie de dire telles parolles / car jamais ne dit parolle dequoy tant se repentist ne qui si cher luy coutast / car le diable qui est tousjours prest a decepvoir le genre humain tempta le duc & luy troubla l'entendement tellement que quand il fut retourné en son palays il trouva la duchesse laquelle semblablement estoit courroucee / & lors l'acolla et baisa / et du surplus je n'en dis rien / mais lors le duc fist sa priere a Dieu que a celle heure luy pleust qu'il engendrast un enfant duquel il fust honoré & servy & qu'il donnast grace qu'il luy pleust faire chose qui a dieu fust

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