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de Walt Whitman

      MON LEGS

      A vous, qui que vous soyez, (en baignant de mon souffle cette feuille-ci, pour qu’elle lève—en la pressant un moment de mes mains vivantes;

      —Tenez! sentez à mes poignets comme bat mon pouls! comme le sang de mon cœur se gonfle et se contracte!)

      Je vous lègue, en tout et pour tout, Moi-même, avec promesse de ne vous abandonner jamais,

      En foi de quoi je signe mon nom,

(Deux Ruisseaux, Edition 1876.)

      EN COMMENÇANT MES ÉTUDES

      En commençant mes études le premier pas m’a plu si fort,

      Le simple fait de la conscience, ces formes, la motilité,

      Le moindre insecte ou animal, les sens, la vue, l’amour,

      Le premier pas, dis-je, m’a frappé d’un tel respect et plu si fort,

      Que je ne suis guère allé et n’ai guère eu envie d’aller plus loin,

      Mais de m’arrêter à musarder tout le temps pour chanter cela en chants extasiés.

      EN TOURNÉES A TRAVERS LES ÉTATS

      En tournées à travers les Etats nous partons,

      (Oui, à travers le monde, sous l’impulsion de ces chants,

      Voguant d’ici vers toutes les terres, vers toutes les mers),

      Nous qui sommes prêts à apprendre de tous, à enseigner tous et à aimer tous.

      Nous avons observé les saisons qui se donnent et qui passent,

      Et nous avons dit: Pourquoi un homme ou une femme ne ferait-il pas autant que les saisons, et ne s’épancherait-il pas aussi bien?

      Nous nous arrêtons un moment dans chaque ville et chaque bourg,

      Nous traversons le Canada, le Nord-Est, l’ample vallée du Mississipi, et les Etats du Sud,

      Nous abordons sur un pied d’égalité chacun des Etats,

      Nous faisons l’épreuve de nous-mêmes et nous invitons les hommes et les femmes à entendre,

      Nous nous disons à nous-mêmes: Souviens-toi, n’aie crainte, sois sincère, promulgue le corps et l’âme,

      Demeure un moment et poursuis ton chemin, sois copieux, sobre, chaste, magnétique,

      Et que ce que tu répands revienne ensuite comme les saisons reviennent,

      Et puisses-tu être autant que les saisons.

      J’ENTENDS CHANTER L’AMÉRIQUE

      J’entends chanter l’Amérique, j’entends ses diverses chansons,

      Celles des ouvriers, chacun chantant la sienne joyeuse et forte comme elle doit l’être,

      Le charpentier qui chante la sienne en mesurant sa planche ou sa poutre,

      Le maçon qui chante la sienne en se préparant au travail ou en le quittant,

      Le batelier qui chante ce qui est de sa partie dans son bateau, le marinier qui chante sur le pont du vapeur,

      Le cordonnier qui chante assis sur son banc, le chapelier qui chante debout,

      Le chant du bûcheron, celui du garçon de ferme en route dans le matin, ou au repos de midi ou à la tombée du jour,

      Le délicieux chant de la mère, ou de la jeune femme à son ouvrage, ou de la jeune fille qui coud ou qui lave,

      Chacun chantant ce qui lui est propre à lui ou à elle et à nul autre,

      Le jour, ce qui appartient au jour—le soir, un groupe de jeunes gars, robustes, cordiaux,

      Qui chantent à pleine voix leurs mélodieuses et mâles chansons.

      NE ME FERMEZ PAS VOS PORTES

      Ne me fermez pas vos portes, orgueilleuses bibliothèques,

      Car ce qui manquait sur tous vos rayons chargés, et dont on a pourtant le plus besoin, je l’apporte;

      Surgi de la guerre, j’ai fait un livre,

      Les mots de mon livre ne sont rien, ce à quoi je veux en venir est tout,

      Un livre à part, qui est sans lien avec les autres et n’est point perçu par l’intellect,

      Mais vous, forces latentes qu’on tait, vous en pénétrerez toutes les pages.

      UNE FEMME M’ATTEND

      Une femme m’attend, elle contient tout, rien ne fait défaut,

      Cependant tout ferait défaut si le sexe manquait, ou si manquait pour l’humecter l’homme qu’il faut.

      Le sexe contient tout, les corps et les âmes,

      Les intentions, les preuves, la pureté, la délicatesse, les résultats, les promulgations,

      Les chants, les ordres, la santé, l’orgueil, le mystère de la maternité, le lait séminal,

      Tous les espoirs, les bienfaits et les dons, toutes les passions, les tendresses, les beautés, tous les plaisirs de la terre,

      Tous les gouvernements, les juges, les dieux, les puissants de la terre,

      Tout cela est contenu dans le sexe, en fait partie et le justifie.

      Sans honte l’homme qui me plaît connaît et avoue la sensation délicieuse de son sexe,

      Sans honte la femme qui me plaît connaît et avoue les délices du sien.

      Dorénavant je m’écarterai des femmes insensibles,

      J’irai demeurer avec celle qui m’attend, avec ces femmes qui ont le sang chaud et qui sont capables de me satisfaire,

      Je vois que celles-là me comprennent et ne me repoussent pas,

      Je vois qu’elles sont dignes de moi, je serai donc le robuste époux de ces femmes.

      Elles ne sont pas d’un iota inférieures à moi,

      Elles ont le visage tanné par les soleils rutilants et les vents qui soufflent,

      Leur chair a l’antique souplesse et vigueur divine,

      Elles savent nager, ramer, monter à cheval, lutter, tirer, courir, frapper, battre en retraite, s’avancer, résister et se défendre,

      Elles sont extrêmes dans l’affirmation de leurs droits—elles sont calmes et claires, en pleine possession d’elles-mêmes.

      Je vous attire contre moi, ô femmes,

      Je ne puis vous laisser partir, je voudrais vous faire du bien,

      Je suis fait pour vous, et vous êtes faites pour moi, et ce n’est pas de nous seuls qu’il s’agit, mais d’autres êtres,

      Car, enveloppés en vous, dorment de plus grands héros et de plus grands bardes,

      Qui refusent de s’éveiller au contact d’un autre homme que moi.

      C’est moi qui viens, femmes, je m’ouvre un passage,

      Je suis sévère, âpre, large, inflexible, mais je vous aime,

      Je ne vous fais pas plus de mal qu’il n’est nécessaire pour vous,

      Je verse la liqueur d’où sortiront des fils et des filles à la mesure de ces Etats, je pèse d’un muscle lent et rude,

      Je me noue de toute ma force, je n’écoute aucune prière,

      Je n’ose pas me retirer avant d’avoir déposé ce qui s’était depuis si longtemps accumulé en moi.

      A travers vous je fais couler les ruisseaux emprisonnés de mon être,

      J’enferme en vous un millier d’années du futur,

      Je greffe sur

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