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amener chez un peuple doué d'une imagination vive, avide de nouveauté, les aberrations et les tours de force du XVe siècle. Quand les arts en sont arrivés à ce point, l'exécution l'emporte sur la conception de l'ensemble, et la main qui façonne finit par étouffer le génie qui conçoit. À la fin du XVe siècle, les architectes perdus dans les problèmes de géométrie et les subtilités de la construction, entourés d'une armée d'exécutants habiles et faisant partie de corporations puissantes qui, elles aussi, avaient leurs types consacrés, leur méthode, et une haute opinion de leur mérite, n'étaient plus de force à diriger ou à résister, ils devaient succomber.

      Nous avons donné quelques exemples d'inscriptions ostensiblement tracées sur les édifices du XIIIe siècle et destinées à perpétuer, non sans un certain sentiment d'orgueil, le nom des architectes qui les ont élevés.

      Quelquefois aussi la sculpture est chargée de représenter le maître de l'oeuvre. Sur les chapitaux, dans quelques coins des portails, dans les vitraux, on rencontre l'architecte, le compas ou l'équerre en main, vêtu toujours du costume laïque, la tête nue ou coiffée souvent d'une manière de béguin fort en usage alors parmi les différents corps d'état employés dans les bâtiments. On voit sur l'un des tympans des dossiers des stalles de la cathédrale de Poitiers qui datent du XIIIe siècle, un architecte assis devant une tablette et tenant un compas; ce joli bas-relief a été gravé dans les Annales archéologiques. L'une des clefs de voûte du bas coté sud de l'église de Semur en Auxois représente un architecte que nous donnons ici (1).

      Une des miniatures d'un manuscrit de Matthieu Paris, marqué NÉRON. D. 1 (bibl. Cotonienne), XIIIe siècle, représente Offa, fils de Warmund, roi des anglais orientaux, faisant bâtir la célèbre abbaye de Saint-Alban à son retour de Rome. Offa donne des ordres au maître de l'oeuvre qui tient un grand compas d'appareilleur et une équerre; des ouvriers que le maître montre du doigt sont occupés aux constructions (2). Ce grand compas fait supposer que l'architecte traçait ses épures lui-même sur l'aire; il n'en pouvait être autrement, aussi bien pour gagner du temps que pour être assuré de l'exactitude du tracé, puisque encore aujourd'hui il est impossible d'élever une construction en style ogival si l'on ne dessine ses épures soi-même. N'oublions pas que toutes les pierres étaient taillées et achevées sur le chantier avant d'être posées et qu'il fallait par conséquent apporter la plus grande précision et l'étude la plus complète dans le tracé des épures (voy. APPAREIL, ÉPURE, TRACÉ).

       ARCHITECTURE, s. f., art de bâtir. L'architecture se compose de deux éléments, la théorie et la pratique; la théorie comprend: l'art proprement dit, les règles inspirées par le goût, issues des traditions, et la science qui peut se démontrer par des formules invariables, absolues. La pratique est l'application de la théorie aux besoins; c'est la pratique qui fait plier l'art et la science à la nature des matériaux, au climat, aux moeurs d'une époque, aux nécessités du moment. En prenant l'architecture à l'origine d'une civilisation qui succède à une autre, il faut nécessairement tenir compte des traditions d'une part, et des besoins nouveaux de l'autre. Nous diviserons donc cet article en plusieurs parties: la première comprendra une histoire sommaire des origines de l'architecture du moyen âge en France; la seconde traitera des développements de l'architecture depuis le XIe siècle jusqu'au XVIe, des causes qui ont amené son progrès et sa décadence, des différents styles propres à chaque province; la troisième comprendra l'architecture religieuse; la quatrième l'architecture monastique; la cinquième l'architecture civile; la sixième l'architecture militaire.

       ORIGINES DE L'ARCHITECTURE FRANÇAISE. Lorsque les barbares firent irruption dans les Gaules, le sol était couvert de monuments romains, les populations indigènes étaient formées de longue main à la vie romaine. Aussi fallut-il trois siècles de désastres pour faire oublier les traditions antiques. Au VIe siècle il existait encore au milieu des villes gallo-romaines un grand nombre d'édifices épargnés par la dévastation et l'incendie; mais les arts n'avaient plus, quand les barbares s'établirent définitivement sur le sol, un seul représentant, personne ne pouvait dire comment avaient été élevés les monuments romains. Des exemples étaient encore debout, mais comme des énigmes à deviner pour ces populations neuves. Tout ce qui tient à la vie journalière, le gouvernement de la cité, la langue, avait encore survécu au désastre; mais l'art de l'architecture qui demande de l'étude, du temps, du calme pour se produire, était nécessairement tombé dans l'oubli. Le peu de fragments d'architecture qui nous restent des VIe et VIIe siècles ne sont que de pâles reflets de l'art romain, souvent des débris amoncelés tant bien que mal par des ouvriers inhabiles sachant à peine poser du moellon et de la brique. Aucun caractère particulier ne distingue ces bâtisses informes qui donnent plutôt l'idée de la décadence d'un peuple que de son enfance. En effet, quels éléments d'art les Francs avaient-ils pu jeter au milieu de la population gallo-romaine? Nous voyons alors le clergé s'établir dans les basiliques ou les temples restés debout, les rois habiter les thermes, les ruines des palais ou des villæ romaines. Si lorsque l'ouragan barbare est passé, lorsque les nouveaux maîtres du sol commencent à s'établir on bâtit des églises ou des palais, on reproduit les types romains, mais en évitant d'attaquer les difficultés de l'art de bâtir. Pour les églises, la basilique antique sert toujours de modèle; pour les habitations princières, c'est la villa gallo-romaine que l'on cherche à imiter. Grégoire de Tours décrit, d'une manière assez vague d'ailleurs, quelques-uns de ces édifices religieux ou civils.

      Il ne faut pas croire cependant que toute idée de luxe fût exclue de l'architecture; au contraire les édifices, le plus souvent bâtis d'une façon barbare, se couvrent à l'intérieur de peintures, de marbres, de mosaïques. Ce même auteur, Grégoire de Tours, en parlant de l'église de Clermont-Ferrand, bâtie au Ve siècle par saint Numatius, huitième évêque de ce diocèse, fait une peinture pompeuse de cet édifice. Voici la traduction de sa description. «Il fit (saint Numatius) bâtir l'église qui subsiste encore, et qui est la plus ancienne de celles qu'on voit dans l'intérieur de la ville. Elle a cent cinquante pieds de long, soixante de large, et cinquante pieds de haut dans l'intérieur de la nef jusqu'à la charpente; au-devant est une abside de forme ronde, et de chaque côté s'étendent des ailes d'une élégante structure. L'édifice entier est disposé en forme de croix; il a quarante-deux fenêtres, soixante-dix colonnes, et huit portes... Les parois de la nef sont ornées de plusieurs espèces de marbres ajustés ensemble. L'édifice entier ayant été achevé dans l'espace de douze ans... 6» C'est là une basilique antique avec ses colonnes et ses bas côtés (ascellæ), sa camera que nous croyons devoir traduire par charpente, avec d'autant plus de raisons que cette église fut complétement détruite par les flammes lorsque Pépin enleva la ville de Clermont au duc d'Aquitaine Eudes, à ce point qu'il fallut la rebâtir entièrement. Dans d'autres passages de son Histoire, Grégoire de Tours parle de certaines habitations princières dont les portiques sont couverts de charpentes ornées de vives peintures.

      Les nouveaux maîtres des Gaules s'établirent de préférence au milieu des terres qu'ils s'étaient partagées; ils trouvaient là une agglomération de colons et d'esclaves habitués à l'exploitation des terres, une source de revenus en nature faciles à percevoir, et qui devaient satisfaire tous les désirs d'un chef germain. D'ailleurs, les villes avaient encore conservé leur gouvernement municipal respecté en grande partie par les barbares. Ces restes d'une vieille civilisation ne pouvaient que gêner les nouveaux venus, si forts et puissants qu'ils fussent. Des conquérants étrangers n'aiment pas à se trouver en présence d'une population qui, bien que soumise, leur est supérieure sous le rapport des moeurs et de la civilisation, c'est au moins une contrainte morale qui embarrasse des hommes habitués à une vie indépendante et sauvage. Les exercices violents, la chasse, la guerre; comme délassements, les orgies, s'accommodent de la vie des champs. Aussi, sous la première race, les villæ sont-elles les résidences préférées des rois et des possesseurs du sol. Là vivaient ensemble vainqueurs et vaincus. Ces habitations se composaient d'une suite de bâtiments

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Hist. ecclés. des Francs, par G. F. Grégoire, évêque de Tours, en 10 liv. rev. et collat. sur de nouv. manus., et traduite par MM. J. Guadet et Taranne. A Paris, 1836; chez J. Renouard. T. I, p. 178. (Voy. Éclairciss. et Observ.)