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La Faute de l'abbé Mouret. Emile Zola
Читать онлайн.Название La Faute de l'abbé Mouret
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Emile Zola
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
– Sanctus, Sanctus, Sanctus, Dominus, Deus, Sabaoth, dit le prêtre à demi-voix, les épaules légèrement penchées.
Vincent donna les trois coups de clochette. Mais les moineaux, effrayés de ce tintement brusque, s'envolèrent avec un tel bruit d'ailes, que la Teuse, rentrée depuis un instant dans la sacristie, reparut en grondant:
– Les gueux! ils vont tout salir… Je parie que mademoiselle Désirée est encore venue leur mettre des mies de pain.
L'instant redoutable approchait. Le corps et le sang d'un Dieu allaient descendre sur l'autel. Le prêtre baisait la nappe, joignait les mains, multipliait les signes de croix sur l'hostile et sur le calice. Les prières du canon ne tombaient plus de ses lèvres que dans une extase d'humilité et de reconnaissance. Ses attitudes, ses gestes, ses inflexions de voix, disaient le peu qu'il était, l'émotion qu'il éprouvait à être choisi pour une si grande tâche. Vincent vint s'agenouiller derrière lui; il prit la chasuble de la main gauche, la soutint légèrement, apprêtant la clochette. Et lui, les coudes appuyés au bord de la table, tenant l'hostie entre le pouce et l'index de chaque main, prononça sur elle les paroles de la consécration: Hoc est enim corpus meum. Puis, ayant fait une génuflexion, il l'éleva lentement, aussi haut qu'il put, en la suivant des yeux, pendant que le servant sonnait, à trois fois, prosterné. Il consacra ensuite le vin: Hic est enim calix, les coudes de nouveau sur l'autel, saluant, élevant le calice, le suivant à son tour des yeux, la main droite serrant le noeud, la gauche soutenant le pied. Le servant donna trois derniers coups de clochette. Le grand mystère de la Rédemption venait d'être renouvelé, le Sang adorable coulait une fois de plus.
– Attendez, attendez, gronda la Teuse, en tâchant d'effrayer les moineaux, le poing tendu.
Mais les moineaux n'avaient plus peur. Ils étaient revenus, au beau milieu des coups de clochette, effrontés, voletant sur les bancs. Les tintements répétés les avaient même mis en joie. Ils répondirent par de petits cris, qui coupaient les paroles latines d'un rire perlé de gamins libres. Le soleil leur chauffait les plumes, la pauvreté douce de l'église les enchantait. Ils étaient là chez eux, comme dans une grange, dont on aurait laissé une lucarne ouverte, piaillant, se battant, se disputant les mies rencontrées à terre. Un d'eux alla se poser sur le voile d'or de la Vierge qui souriait; un autre vint, lestement, reconnaître les jupes de la Teuse, que cette audace mit hors d'elle. A l'autel, le prêtre anéanti, les yeux arrêtés sur la sainte hostie, le pouce et l'index joints, n'entendait point cet envahissement de la nef par la tiède matinée de mai, ce flot montant de soleil, de verdures, d'oiseaux, qui débordait jusqu'au pied du Calvaire où la nature damnée agonisait.
– Per omnia saecula saeculorum, dit-il.
– Amen, répondit Vincent.
Le Pater achevé, le prêtre, mettant l'hostie au-dessus du calice, la rompit au milieu. Il détacha ensuite, de l'une des moitiés, une particule qu'il laissa tomber dans le précieux Sang, pour marquer l'union intime qu'il allait contracter avec Dieu par le communion. Il dit à haute voix l'Agnus Dei, récita tout bas les trois Oraisons prescrites, fit son acte d'indignité; et, les coudes sur l'autel, la patène sous le menton, il communia des deux parties de l'hostie à la fois. Puis, après avoir joint les mains à la hauteur de son visage, dans une fervente méditation, il recueillit sur le corporal, à l'aide de la patène, les saintes parcelles détachées de l'hostie, qu'il mit dans le calice. Une parcelle s'étant également attachée à son pouce, il le frotta du bout de son index. Et, se signant avec le calice, portant de nouveau la patène sous son menton, il prit tout le précieux Sang, en trois fois, sans quitter des lèvres le bord de la coupe, consommant jusqu'à la dernière goutte le divin Sacrifice.
Vincent s'était levé pour retourner chercher les burettes sur la crédence. Mais la porte du couloir qui conduisait au presbytère s'ouvrit toute grande, se rabattit contre le mur, livrant passage à une belle jeune fille de vingt-deux ans, l'air enfant, qui cachait quelque chose dans son tablier.
– Il y en a treize! cria-t-elle. Tous les oeufs étaient bons!
Et entr'ouvrant son tablier, montrant une couvée de poussins qui grouillaient, avec leurs plumes naissantes et les points noirs de leurs yeux:
– Regardez donc! sont-ils mignons, les amours!.. Oh! le petit blanc qui monte sur le dos des autres! Et celui-là, le moucheté, qui bat déjà des ailes!.. Les oeufs étaient joliment bons. Pas un de clair!
La Teuse, qui aidait à la messe quand même, passant les burettes à Vincent pour les ablutions, se tourna, dit à haute voix:
– Taisez-vous donc, mademoiselle Désirée! Vous voyez bien que nous n'avons pas fini.
Une odeur forte de basse-cour venait par la porte ouverte, soufflant comme un ferment d'éclosion dans l'église, dans le soleil chaud qui gagnait l'autel. Désirée resta un instant debout, toute heureuse du petit monde qu'elle portait, regardant Vincent verser le vin de la purification, regardant son frère boire ce vin, pour que rien des saintes espèces ne restât dans sa bouche. Et elle était encore là, lorsqu'il revint tenant le calice à deux mains, afin de recevoir sur le pouce et sur l'index, le vin et l'eau de l'ablution, qu'il but également. Mais la poule, cherchant ses petits, arrivait en gloussant, menaçait d'entrer dans l'église. Alors, Désirée s'en alla, avec des paroles maternelles pour les poussins, au moment où le prêtre, après avoir appuyé le purificatoire sur les lèvres, le passait sur les bords, puis dans l'intérieur du calice.
C'était la fin, les actions de grâce rendues à Dieu. Le servant alla chercher une dernière fois le Missel, le rapporta à droite. Le prêtre remit sur le calice le purificatoire, la patène, la pale; puis, il pinça de nouveau les deux larges plis du voile, et posa la bourse, dans laquelle il avait plié le corporal. Tout son être était un ardent remerciement. Il demandait au ciel la rémission de ses péchés, la grâce d'une sainte vie, le mérite de la vie éternelle. Il restait abîmé dans ce miracle d'amour, dans cette immolation continue qui le nourrissait chaque jour du sang et de la chair de son Sauveur.
Après avoir lu les Oraisons, il se tourna, disant:
– Ite, missa est.
– Deo gratias, répondit Vincent.
Puis, s'étant retourné pour baiser l'autel, il revint, la main gauche au-dessous de la poitrine, la main droite tendue, bénissant l'église pleine des gaietés du soleil et du tapage des moineaux.
– Benedicat vos omnipotens Deus, Pater et Filius, et Spiritus Sanctus.
– Amen, dit le servant en se signant.
Le soleil avait grandi, et les moineaux s'enhardissaient. Pendant que le prêtre lisait, sur le carton de gauche, l'Évangile de Saint Jean, annonçant l'éternité du Verbe, le soleil enflammait l'autel, blanchissait les panneaux de faux marbre, mangeait les clartés des deux cierges, dont les courtes mèches ne faisaient plus que deux taches sombres. L'astre triomphant mettait dans sa gloire la croix, les chandeliers, la chasuble, le voile du calice, tout cet or pâlissant sous ses rayons. Et lorsque le prêtre, prenant le calice, faisant une génuflexion, quitta l'autel pour retourner à la sacristie, la tête couverte, précédé du servant qui remportait les burettes et le manuterge, l'astre demeura seul maître de l'église. Il s'était posé à son tour sur la nappe, allumant d'une splendeur la porte du tabernacle, célébrant les fécondités de mai. Une chaleur montait des dalles. Les murailles badigeonnées, la grande Vierge, le grand Christ lui-même, prenaient un frisson de sève, comme si la mort était vaincue par l'éternelle jeunesse de la terre.
III
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