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Œuvres complètes de Guy de Maupassant - volume 04. Guy de Maupassant
Читать онлайн.Название Œuvres complètes de Guy de Maupassant - volume 04
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isbn
Автор произведения Guy de Maupassant
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
«Au bout de huit jours, rien, mais rien. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé. J'ai pris ce qu'il y avait de mieux dans tous les genres. Je vous assure qu'elles ont fait ce qu'elles ont pu... Oui... certainement elles n'ont rien négligé... Mais que voulez-vous, elles se retiraient toujours... bredouilles... bredouilles... bredouilles.
«J'ai attendu alors quinze jours, trois semaines, espérant toujours. J'ai mangé dans les restaurants un tas de choses poivrées, qui m'ont perdu l'estomac, et... et... rien... toujours rien.
«Vous comprenez que, dans ces circonstances, devant cette constatation, je ne pouvais que... que... que me retirer. Ce que j'ai fait.»
M. de Courville se tordait pour ne pas rire. Il serra gravement les mains du baron en lui disant: «Je vous plains,» et le reconduisit jusqu'à mi-chemin de sa demeure. Puis, lorsqu'il se trouva seul avec sa femme, il lui dit tout, en suffoquant de gaieté. Mais Mme de Courville ne riait point; elle écoutait, très attentive, et lorsque son mari eut achevé, elle répondit avec un grand sérieux: «Le baron est un niais, mon cher; il avait peur, voilà tout. Je vais écrire à Berthe de revenir, et bien vite.»
Et comme M. de Courville objectait le long et inutile essai de leur ami, elle reprit: «Bah! quand on aime sa femme, entendez-vous, cette chose-là... revient toujours.»
Et M. de Courville ne répliqua rien, un peu confus lui-même.
La Rouille a paru dans le Gil-Blas du jeudi 14 septembre 1882, sous le titre de M. de Coutelier et signé: Maufrigneuse.
MARROCA
Mon ami, tu m'as demandé de t'envoyer mes impressions, mes aventures, et surtout mes histoires d'amour sur cette terre d'Afrique qui m'attirait depuis si longtemps. Tu riais beaucoup, d'avance, de mes tendresses noires, comme tu disais, et tu me voyais déjà revenir suivi d'une grande femme en ébène, coiffée d'un foulard jaune, et ballottante en des vêtements éclatants.
Le tour des Mauricaudes viendra sans doute, car j'en ai vu déjà plusieurs qui m'ont donné quelque envie de me tremper en cette encre; mais je suis tombé pour mon début sur quelque chose de mieux et de singulièrement original.
Tu m'as écrit, dans ta dernière lettre: «Quand je sais comment on aime dans un pays, je connais ce pays à le décrire, bien que ne l'ayant jamais vu.» Sache qu'ici on aime furieusement. On sent, dès les premiers jours, une sorte d'ardeur frémissante, un soulèvement, une brusque tension des désirs, un énervement courant au bout des doigts, qui surexcitent à les exaspérer nos puissances amoureuses et toutes nos facultés de sensation physique, depuis le simple contact des mains jusqu'à cet innommable besoin qui nous fait commettre tant de sottises.
Entendons-nous bien. Je ne sais si ce que vous appelez l'amour du cœur, l'amour des âmes, si l'idéalisme sentimental, le platonisme enfin, peut exister sous ce ciel; j'en doute même. Mais l'autre amour, celui des sens, qui a du bon, et beaucoup de bon, est véritablement terrible en ce climat. La chaleur, cette constante brûlure de l'air qui vous enfièvre, ces souffles suffocants du Sud, ces marées de feu venues du grand désert si proche, ce lourd siroco, plus ravageant, plus desséchant que la flamme, ce perpétuel incendie d'un continent tout entier brûlé jusqu'aux pierres par un énorme et dévorant soleil, embrasent le sang, affolent la chair, embestialisent.
Mais j'arrive à mon histoire. Je ne te dis rien de mes premiers temps de séjour en Algérie. Après avoir visité Bône, Constantine, Biskra et Sétif, je suis venu à Bougie par les gorges du Chabet et une incomparable route au milieu des forêts kabyles, qui suit la mer en la dominant de deux cents mètres et serpente selon les festons de la haute montagne, jusqu'à ce merveilleux golfe de Bougie aussi beau que celui de Naples, que celui d'Ajaccio et que celui de Douarnenez, les plus admirables que je connaisse. J'excepte dans ma comparaison cette invraisemblable baie de Porto, ceinte de granit rouge, et habitée par les fantastiques et sanglants géants de pierre qu'on appelle les «Calanche» de Piana, sur les côtes Ouest de la Corse.
De loin, de très loin, avant de contourner le grand bassin où dort l'eau pacifique, on aperçoit Bougie. Elle est bâtie sur les flancs rapides d'un mont très élevé et couronné par des bois. C'est une tache blanche dans cette pente verte; on dirait l'écume d'une cascade tombant à la mer.
Dès que j'eus mis le pied dans cette toute petite et ravissante ville, je compris que j'allais y rester longtemps. De partout l'œil embrasse un vaste cercle de sommets crochus, dentelés, cornus et bizarres, tellement fermé qu'on découvre à peine la pleine mer et que le golfe a l'air d'un lac. L'eau bleue, d'un bleu laiteux, est d'une transparence admirable, et le ciel d'azur, d'un azur épais, comme s'il avait reçu deux couches de couleur, étale au-dessus sa surprenante beauté. Ils semblent se mirer l'un dans l'autre et se renvoyer leurs reflets.
Bougie est la ville des ruines. Sur le quai, en arrivant, on rencontre un débris si magnifique qu'on le dirait d'opéra. C'est la vieille porte Sarrazine, envahie de lierre. Et dans les bois montueux autour de la cité, partout des ruines, des pans de murailles romaines, des morceaux de monuments sarrazins, des restes de constructions arabes.
J'avais loué dans la ville haute une petite maison mauresque. Tu connais ces demeures si souvent décrites. Elles ne possèdent point de fenêtres en dehors; mais une cour intérieure les éclaire du haut en bas. Elles ont, au premier, une grande salle fraîche où l'on passe les jours, et tout en haut une terrasse où l'on passe les nuits.
Je me mis tout de suite aux coutumes des pays chauds, c'est-à-dire à faire la sieste après mon déjeuner. C'est l'heure étouffante d'Afrique, l'heure où l'on ne respire plus, l'heure où les rues, les plaines, les longues routes aveuglantes sont désertes, où tout le monde dort, essaye au moins de dormir, avec aussi peu de vêtements que possible.
J'avais installé dans ma salle à colonnettes d'architecture arabe un grand divan moelleux, couvert de tapis du Djebel-Amour. Je m'étendais là-dessus à peu près dans le costume d'Assan, mais je n'y pouvais guère reposer, torturé par ma continence.
Oh! mon ami, il est deux supplices de cette terre que je te souhaite de ne jamais connaître: le manque d'eau et le manque de femmes. Lequel est le plus affreux? Je ne sais. Dans le désert, on commettrait toutes les infamies pour un verre d'eau claire et froide. Que ne ferait-on pas en certaines villes du littoral pour une belle fille fraîche et saine? Car elles ne manquent pas, les filles, en Afrique! Elles foisonnent, au contraire; mais, pour continuer ma comparaison, elles y sont tout aussi malfaisantes et pourries que le liquide fangeux des puits sahariens.
Or, voici qu'un jour, plus énervé que de coutume, je tentai, mais en vain, de fermer les yeux. Mes jambes vibraient comme piquées en dedans; une angoisse inquiète me retournait à tout moment sur mes tapis. Enfin, n'y tenant plus, je me levai et je sortis.
C'était en juillet, par une après-midi torride. Les pavés des rues étaient chauds à cuire du pain; la chemise, tout de suite trempée, collait au corps, et, par tout l'horizon, flottait une petite vapeur blanche, cette buée ardente du siroco, qui semble de la chaleur palpable.
Je descendis près de la mer et, contournant le port, je me mis à suivre la berge le long de la jolie baie où sont les bains. La montagne escarpée, couverte de taillis, de hautes plantes aromatiques