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Périclès. Уильям Шекспир
Читать онлайн.Название Périclès
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Уильям Шекспир
Жанр Драматургия
Издательство Public Domain
PÉRICLÈS. – Laissez-nous tous; mais allez visiter le port pour examiner nos vaisseaux et nos munitions, et puis revenez. (Les seigneurs sortent.) – Hélicanus, toi, tu m'as ému. Que vois-tu sur mon front?
HÉLICANUS. – Un air chagrin, seigneur redoutable.
PÉRICLÈS. – Si le front courroucé des princes est si redouté, comment as-tu osé allumer la colère sur le mien?
HÉLICANUS. – Comment les plantes osent-elles regarder le ciel qui les nourrit?
PÉRICLÈS. – Tu sais que je suis maître de ta vie.
HÉLICANUS, fléchissant le genou. – J'ai moi-même aiguisé la hache, vous n'avez plus qu'à frapper.
PÉRICLÈS. – Lève-toi; je t'en prie, lève-toi; assieds-toi. Tu n'es pas un flatteur, je t'en remercie; et que le ciel préserve les rois de fermer l'oreille à ceux qui leur révèlent leurs fautes. Digne conseiller et serviteur d'un prince, toi qui, par ta sagesse, rends le prince sujet, que veux-tu que je fasse?
HÉLICANUS. – Supportez avec patience les maux que vous vous attirez vous-même.
PÉRICLÈS. – Tu parles comme un médecin. Hélicanus, tu me donnes une potion que tu tremblerais de recevoir toi-même. Écoute-moi donc: je fus à Antioche, où, comme tu sais, au péril de ma vie, je cherchais une beauté célèbre qui pût me donner une postérité, cette arme des princes qui fait la joie des sujets. Son visage fut pour mes yeux au-dessus de toutes les merveilles; le reste, écoute bien, était aussi noir que l'inceste. Je découvris le sens d'une énigme qui faisait la honte du père coupable; mais celui-ci feignit de me flatter au lieu de me menacer. Tu sais qu'il est temps de craindre quand les tyrans semblent vous caresser. Cette crainte m'assaillit tellement que je pris la fuite à la faveur du manteau de la nuit qui me protégea. Arrivé ici, je songeais à ce qui s'était passé, à ce qui pourrait s'ensuivre. Je connaissais Antiochus pour un tyran; et les craintes des tyrans, au lieu de diminuer, augmentent plus vite que leurs années. Et s'il venait à soupçonner (ce qu'il soupçonne sans doute) que je puis apprendre au monde combien de nobles princes ont péri pour le secret de son lit incestueux, afin de se débarrasser de ce soupçon, Antiochus couvrirait cette contrée de soldats, sous prétexte de l'outrage que je lui ai fait; et tous mes sujets, victimes de mon offense, si c'en est une, éprouveraient les coups de la guerre qui n'épargne pas l'innocence: cette tendresse pour tous les miens (et tu es du nombre, toi qui me blâmes)…
HÉLICANUS. – Hélas! seigneur.
PÉRICLÈS. – Voilà ce qui bannit le sommeil de mes yeux, le sang de mon visage; voilà ce qui remplit mon coeur d'inquiétudes, quand je pense aux moyens d'arrêter cette tempête avant qu'elle éclate. Ayant peu d'espoir de prévenir ces malheurs, je croyais que le coeur d'un prince devait les pleurer.
HÉLICANUS. – Eh bien! seigneur, puisque vous m'avez permis de parler, je vous parlerai franchement. Vous craignez Antiochus, et vous n'avez pas tort; on peut craindre un tyran qui, soit par une guerre ouverte ou une trahison cachée, attentera à votre vie. C'est pourquoi, seigneur, voyagez pendant quelque temps, jusqu'à ce que sa rage et sa colère soient oubliées, ou que le destin ait tranché le fil de ses jours. Laissez-nous vos ordres: si vous m'en donnez, le jour ne sert pas plus fidèlement la lumière que je vous servirai.
PÉRICLÈS. – Je ne doute pas de ta foi; mais s'il voulait empiéter sur mes droits en mon absence?
HÉLICANUS. – Nous verserons notre sang sur la terre qui nous donna naissance.
PÉRICLÈS. – Tyr, adieu donc; et je me rends à Tharse, j'y recevrai de tes nouvelles et je me conduirai d'après tes lettres. Je te confie le soin que j'ai toujours eu et que j'ai encore de mes sujets: ta sagesse est assez puissante pour t'en charger, je compte sur ta parole, je ne te demande pas un serment. Celui qui ne craint pas d'en violer un en violera bientôt deux. Mais, dans nos différentes sphères, nous vivrons avec tant de sincérité, que le temps ne donnera par nous aucune preuve nouvelle de cette double vérité. Tu t'es montré sujet loyal, et moi bon prince.
SCÈNE III
THALIARD. – Voici donc Tyr et la cour. C'est ici qu'il me faut tuer le roi Périclès; et si j'y manque, je suis sûr d'être tué à mon retour. C'est dangereux. Allons, je m'aperçois qu'il fut sage et prudent, celui qui, invité à demander ce qu'il voudrait à un roi, lui demanda de n'être admis à la confidence d'aucun de ses secrets. Je vois bien qu'il avait raison; car si un roi dit à un homme d'être un coquin, il est obligé de l'être par son serment. Silence. Voici les seigneurs de Tyr.
HÉLICANUS. – Vous n'avez pas le choix, mes pairs de Tyr, de faire d'autres questions sur le départ de votre roi. Cette commission, marquée de son sceau, qu'il m'a laissée, dit assez qu'il est parti pour un voyage.
THALIARD, à part. – Quoi! le roi est parti?
HÉLICANUS. – Si vous voulez en savoir davantage, comme il est parti sans prendre congé de vous, je vous donnerai quelques éclaircissements. Étant à Antioche…
THALIARD, à part. – Que dit-il d'Antioche?
HÉLICANUS. – Le roi Antiochus (j'ignore pourquoi) prit de l'ombrage contre lui, ou du moins Périclès le crut; et, craignant de s'être trompé ou d'avoir commis quelque faute, il a voulu montrer ses regrets en se punissant lui-même, et il s'est mis sur un vaisseau où sa vie est menacée à chaque minute.
THALIARD, à part. – Allons, je vois que je ne serai pas pendu, quand je le voudrais; mais, puisqu'il est parti, le roi sera charmé qu'il ait échappé aux dangers de la terre pour périr sur mer. – Présentons-nous. – Salut aux seigneurs de Tyr.
HÉLICANUS. – Le seigneur Thaliard est le bienvenu de la part d'Antiochus.
THALIARD. – Je suis chargé par lui d'un message pour le prince Périclès; mais depuis mon arrivée, ayant appris que votre maître est parti pour de lointains voyages, mon message doit retourner là d'où il est venu.
HÉLICANUS. – Nous n'avons aucune raison pour vous le demander, puisqu'il est adressé à notre maître et non à nous; cependant, avant de vous laisser partir, nous désirons vous fêter à Tyr, comme ami d'Antiochus.
SCÈNE IV
CLÉON. – Ma Dionysa, nous reposerons-nous ici pour essayer, par le récit des malheurs des autres, d'oublier les nôtres?
DIONYSA. – Ce serait souffler le feu dans l'espoir de l'éteindre; car celui qui abat les collines trop hautes ne fait qu'en élever de plus hautes encore. O mon malheureux père! telles sont nos douleurs: ici, nous ne ferons que les sentir et les voir avec des yeux humides; semblables à des arbres, si on les émonde, elles croissent davantage.
CLÉON. – O Dionysa! quel est celui qui a besoin de nourriture, et qui ne le dit pas? Peut-on cacher sa faim jusqu'à ce qu'on en meure? Nos langues et nos chagrins font retentir notre douleur jusque dans les airs, nos yeux pleurent jusqu'à ce que nos poumons fassent entendre un son plus bruyant encore, afin que, si les cieux dorment pendant que leurs créatures sont dans la peine, ils puissent être appelés à leur secours. Je parlerai donc de nos anciennes infortunes; et quand les paroles me manqueront, aide-moi de tes larmes.
DIONYSA. – Je