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française n'avait de réunies que six divisions; c'était beaucoup hasarder que d'en détacher deux, la veille de l'action. Il était possible que ce détachement ne rencontrât pas les ennemis, parce que ceux-ci auraient manœuvré sur leur droite, ou auraient déja emporté Hohenlinden, avant son arrivée à Altenpot. Dans ce cas, les divisions Richepanse et Decaen, isolées, n'eussent été d'aucun secours aux quatre autres, qui eussent été rejetées au-delà de l'Iser; ce qui eût entraîné la perte de ces deux divisions détachées.

      Si l'archiduc eût fait marcher en avant son échelon de droite, et ne fût entré dans la forêt, que lorsque le général Latour aurait été aux prises avec le lieutenant-général Grenier, il n'eût trouvé à Hohenlinden que la division Grouchy. Il se fût emparé de la forêt, eût coupé l'armée par le centre, et tourné la droite de Grenier, qu'il eût jetée au delà de l'Iser; les deux divisions Richepanse et Decaen, isolées dans des pays difficiles, au milieu des glaces et des boues, eussent été acculées à l'Inn; un grand désastre eût frappé l'armée française. C'était mal jouer, que d'en courir les chances; Moreau était trop prudent pour s'exposer à un pareil hasard.

      Le mouvement de Richepanse et de Decaen devait s'achever dans la nuit; mais il eût fallu que ces deux divisions marchassent réunies. Elles étaient au contraire séparées, et fort éloignées l'une de l'autre, dans des pays sans chemins et en décembre; elles errèrent toute la nuit. A sept heures du matin, le 3, lorsque Richepanse, avec la première brigade, arriva en avant de Saint-Christophe, il se trouva coupé de sa deuxième brigade; l'ennemi s'était placé à Saint-Christophe. Ce général devait-il poursuivre sa marche, ou rétrograder au secours de sa seconde brigade? Cette question ne peut être douteuse; il devait rétrograder. Il l'eût dégagée, se fût joint au général Decaen, et eût pu, dès lors, marcher en avant avec de grandes forces. Il devait s'attendre à trouver, au village d'Altenpot, une des colonnes de l'archiduc fort supérieure à lui; quel espoir pouvait-il avoir? il eût été attaqué en tête et en queue, ayant l'Inn sur son flanc droit. Dans sa position, les règles de la guerre voulaient qu'il marchât réuni, non-seulement avec sa deuxième brigade, mais même avec la division Decaen. 20,000 hommes ont toujours des moyens d'influer sur la fortune; et au pis aller, surtout en décembre, ils ont toujours le temps de gagner la nuit et de se tirer d'affaire. Le général Richepanse fit donc une imprudence; cette imprudence lui réussit, et c'est à elle que doit spécialement être attribué le succès de la bataille. Car, de part et d'autre, il n'a tenu à rien; et le sort de deux grandes armées a été décidé par le choc de quelques bataillons.

      Archiduc Jean.– L'archiduc Jean a eu tort de prendre l'offensive, et de passer l'Inn. Son armée était trop démoralisée; elle avait trop de recrues; enfin, elle avait à combattre des forces trop considérables, et opérait dans une saison, où tous les avantages sont pour celui qui reste sur la défensive.

      Il a fort bien engagé le combat du 1er décembre, mais il n'y a pas mis de vigueur; il a passé toute la journée à se déployer. Ces mouvements exigent beaucoup de temps, et les jours sont bien courts en décembre; ce n'était pas le cas de parader. Il fallait attaquer par la gauche et par le centre, par la droite en colonnes et au pas de charge, tête baissée. En profitant ainsi de sa grande supériorité, il eût entamé et mis en déroute les divisions Ney et Hardy.

      Il eût dû, dès le lendemain, pousser les Français, l'épée dans les reins et à grandes journées; il fit la faute de se reposer, ce qui donna le temps à Moreau de se rasseoir et de réunir ses forces. Son mouvement avait complètement surpris l'armée française; elle était disséminée; il ne fallait pas lui donner le temps de respirer et de se reconnaître. Mais, à moins que l'archiduc n'eût eu le bonheur de remporter un grand avantage, l'armée française, rejetée au delà de l'Iser, s'y fût ralliée, et n'eût pas moins fini par le battre complètement.

      Ses dispositions pour la bataille de Hohenlinden sont fort bien entendues; mais il a commis des fautes dans l'exécution. La nature de son mouvement voulait que son armée marchât en échelons, la droite en avant; que la droite commandée par le général Latour, et les flanqueurs du général Kienmayer, fussent réunis et aux mains avec le corps du lieutenant-général Grenier, avant que le centre n'entrât dans la forêt. Pendant ce mouvement, l'archiduc devait se tenir en bataille avec le centre, à hauteur d'Altenpot, faisant fouiller la forêt par une division, pour favoriser la marche du général Latour. Les trois divisions de Grenier, commandées par Legrand, Bastoul et Ney, étant occupées par Latour, l'archiduc n'eût trouvé à Hohenlinden, que Grouchy, qui ne pouvait pas tenir une demi-heure. Au lieu de cela, il marcha le centre en avant, sans faire attention que sa droite et sa gauche, qui s'avançaient par des chemins de traverse, dans des pays couverts de glaces, ne pouvaient pas le suivre; de sorte qu'il se trouva seul engagé dans une forêt, où la supériorité du nombre est de peu d'importance. Cependant, il repoussa, mit en désordre la division Grouchy; mais le général Latour était à deux lieues en arrière. Ney, qui n'avait personne devant, lui accourut au soutien de Grouchy; et lorsque, plusieurs heures après, les ailes de l'archiduc arrivèrent à sa hauteur, il était trop tard. Il était contraire à l'usage de la guerre, d'engager, sans utilité, plus de troupes que le terrain ne lui permettait d'en déployer, et surtout de faire entrer ses parcs et sa grosse artillerie dans un défilé, dont il n'avait pas l'extrémité opposée. En effet, ils l'ont embarrassé pour opérer sa retraite, et il les a perdus. Il aurait dû les laisser en position, au village d'Altenpot, sous une escorte convenable, jusqu'à ce qu'il fût maître du débouché de la forêt.

      Ces fautes d'exécution font présumer que l'armée de l'archiduc était mal organisée. Mais la pensée de la bataille était bonne; il eût réussi le 2 décembre, il eût encore réussi le 3, sans ces fautes d'exécution.

      On a voulu persuader que la marche de l'armée française sur Ampfingen, et sa retraite sur Hohenlinden, étaient une ruse de guerre: cela ne mérite aucune réfutation sérieuse. Si le général Moreau eût médité cette marche, il en eût tenu à portée les six divisions de Lecourbe et de Sainte-Suzanne; il eût tenu réunis Richepanse et Decaen, dans un même camp; il eût, etc., etc. Sans doute la bataille de Hohenlinden fut très-glorieuse pour le général Moreau, pour les généraux, pour les officiers, pour les troupes françaises. C'est une des plus décisives de la guerre; mais elle ne doit être attribuée à aucune manœuvre, à aucune combinaison, à aucun génie militaire.

      Dernière observation.– Le général Lecourbe qui formait la droite, n'avait pas donné à la bataille; il eût dû jeter un pont sur l'Inn, et passer cette rivière, au plus tard, le 5. Toute l'armée eût dû se trouver, dans la journée du 6, sur la rive droite; elle n'y a été que le 12. Le quartier-général, qui eût pu arriver le 12 à Steyer, n'y a été que le 22. Cette perte de sept jours a permis à l'archiduc de se rallier, de prendre position derrière l'Alza et la Salza, d'organiser une bonne arrière-garde et de défendre le terrain, pied à pied, jusqu'à l'Ems. Sans cette lenteur impardonnable, Moreau eût évité plusieurs combats, pris une quantité énorme de bagages, de prisonniers isolés, et coupé des divisions non ralliées. Il était beaucoup plus près de Salzbourg, le lendemain de la bataille de Hohenlinden, que l'archiduc qui s'était retiré par le bas Inn; en marchant avec activité et dans la vraie direction, Moreau l'eût acculé au Danube, et fût arrivé à Vienne avant les débris de son armée.

      Le petit échec qu'a essuyé Lecourbe devant Salzbourg, et la résistance de l'ennemi dans la plaine de Vocklebruck, proviennent du peu de cavalerie, qui se trouvait à l'avant-garde. C'était cependant le cas d'y faire marcher la réserve du général d'Hautpoult, et non de la tenir en arrière. C'est à la cavalerie à poursuivre la victoire, et à empêcher l'ennemi battu de se rallier.

      § X

      L'armée des Grisons avait attiré l'attention du cabinet de Vienne; elle le devait spécialement à sa première dénomination d'armée de réserve. Mélas et son état-major avaient reproché au conseil aulique de s'être laissé tromper sur la formation et la marche de la première armée de réserve, qui avait coupé les derrières de l'armée autrichienne, et lui avait enlevé à Marengo toute l'Italie; on s'occupa donc avec une scrupuleuse attention, de connaître la force et d'éclairer la marche de cette deuxième armée

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